La greentech européenne Gauss Fusion vient d’achever le rapport de conception détaillée (CDR) de GIGA, son projet de centrale à fusion nucléaire. Le document de plus de 1300 pages, élaboré avec des partenaires industriels de cinq pays européens, constitue une première continentale dans la transition de la fusion du laboratoire vers une application commerciale. L’entreprise estime qu’un investissement de 15 à 18 milliards d’euros sera nécessaire pour mettre en service ce premier réacteur d’ici le milieu des années 2040.
Un travail de titan porté par l’excellence européenne
« Notre rapport de conception (CDR) est l’aboutissement de trois années de travail visant à transformer la promesse de la fusion en un concept de centrale électrique crédible et pratique, prénommée GIGA », explique Milena Roveda, PDG de Gauss Fusion. La dirigeante souligne que ce document prouve que « l’industrie européenne dispose des capacités nécessaires pour passer de la vision à la réalité technique ».
Le projet mobilise une collaboration paneuropéenne sans précédent. En France, Gauss Fusion travaille avec Alsymex, soutenu par l’actionnaire Alcen, pour la fabrication de prototypes, ainsi qu’avec Assystem pour l’ingénierie des systèmes et le CEA. L’Italie contribue via l’Agence nationale pour les nouvelles technologies (ENEA), le Consortium italien pour la supraconductivité appliquée (ICAS), SIMIC pour la construction et ASG Superconductors. L’Espagne apporte son expertise à travers IDOM et IFMIF-DONES, tandis que l’Allemagne mobilise ses fleurons scientifiques : l’Institut de technologie de Karlsruhe, le Centre de recherche de Jülich et l’Institut Max Planck de physique des plasmas.
Des défis techniques colossaux à surmonter
Le rapport aborde l’ensemble des systèmes critiques nécessaires à la construction de cette centrale révolutionnaire. « Le rapport de conception aborde les défis industriels majeurs qui séparent encore la science de la fusion de l’énergie de fusion », précise Frédérick Bordry, directeur technique de l’entreprise. Parmi ces obstacles figure le développement d’un cycle fermé du combustible tritium, considéré comme « sans doute le défi industriel le plus exigeant de la fusion ».
La maîtrise des aimants supraconducteurs avancés représente un autre enjeu majeur. Les dispositifs associés doivent fonctionner à des températures extrêmement basses tout en générant des champs magnétiques puissants pour confiner le plasma à des millions de degrés. Le CDR détaille également les matériaux innovants capables de résister aux charges thermiques et neutroniques extrêmes auxquelles seront soumis les composants du réacteur.

Un timing stratégique dans la course à la fusion
L’annonce intervient quelques jours après la présentation par Bettina Stark-Watzinger, ministre fédérale allemande de la Recherche, d’un plan d’action de 2 milliards d’euros pour la fusion nucléaire. Gauss Fusion communiquera ses travaux au gouvernement allemand dans les dix prochains jours, se positionnant ainsi au cœur de la stratégie énergétique européenne.
L’entreprise porte une vision qu’elle qualifie d’« Eurofighter pour la fusion » : un programme paneuropéen associant savoir-faire industriel, investissements nationaux et capacités de la chaîne d’approvisionnement pour garantir la souveraineté énergétique du continent. Le projet est structuré en phases avec des étapes clés permettant aux parties prenantes de gérer les performances et de réduire progressivement les risques technologiques.
Une énergie propre sans les inconvénients de la fission
Contrairement à la fission nucléaire classique, la fusion présente des avantages environnementaux considérables. Elle ne génère pas de déchets radioactifs de haute activité à longue durée de vie. Les matériaux activés ont une demi-vie de quelques décennies seulement et peuvent être partiellement recyclés. Le CDR intègre d’ailleurs ces stratégies de recyclage dès la conception initiale de la centrale.
La centrale GIGA comprendra tous les systèmes auxiliaires nécessaires à une production électrique complète tels que les boucles d’extraction de chaleur, les systèmes cryogéniques pour les aimants, la conversion d’énergie pour le raccordement au réseau, ainsi que des systèmes de vide et de diagnostic. L’approche globale distingue Gauss Fusion des autres acteurs qui se concentrent principalement sur le réacteur lui-même.
Des perspectives ambitieuses mais réalistes
« Cette étape importante est un moment de grande fierté », se félicite Frank Laukien, actionnaire majoritaire et président non exécutif de Gauss Fusion. Il rappelle que la mission de l’entreprise est « simple mais profonde : faire de la fusion une source d’énergie propre, illimitée, pratique et évolutive ».
Le CDR sera soumis à l’examen d’un panel d’experts indépendants en janvier 2026, avant le lancement de la prochaine phase de conception. Les collaborations actuelles avec Alsymex pour les composants innovants, avec ENEA et ICAS pour les aimants supraconducteurs, ainsi qu’avec les instituts allemands, devraient alors être intensifiées.
Fondée en 2022 par des entreprises industrielles allemandes, françaises, italiennes et espagnoles, Gauss Fusion symbolise une approche européenne capable de conjuguer l’excellence de la recherche scientifique, représentée notamment par le CERN, l’Institut Max Planck et le KIT, avec l’expertise industrielle de leaders européens possédant des décennies d’expérience dans les technologies de fusion.
Crédit : Gauss Fusion