Graphène : ses étonnantes propriétés électroniques survivent aux imperfections

Graphène : ses étonnantes propriétés électroniques survivent aux imperfections

Le graphène, matériau prometteur aux propriétés électroniques remarquables, se révèle robuste face aux imperfections inévitables selon une nouvelle étude théorique de l’Université technique de Vienne.

Rien n’est parfait dans ce monde. C’est aussi vrai dans la recherche sur les matériaux. Dans les simulations informatiques, on représente souvent un système de façon très idéalisée ; par exemple, on calcule les propriétés qu’aurait un cristal absolument parfait.

En pratique cependant, il faut toujours composer avec des effets supplémentaires – des défauts dans le réseau cristallin, des particules additionnelles qui se fixent sur le matériau, des interactions compliquées entre les particules. La question cruciale est donc : est-ce que ces effets supplémentaires inévitables modifient les propriétés du matériau ou pas ?

C’est particulièrement intéressant dans le cas du graphène, matériau bidimensionnel ne comportant qu’une seule couche d’atomes de carbone. On sait depuis longtemps que le graphène possède d’excellentes propriétés électroniques. Cependant, on ne savait pas jusqu’à présent dans quelle mesure ces propriétés sont stables. Sont-elles détruites par des perturbations et des effets supplémentaires, inévitables en pratique, ou restent-elles intactes ?

L’Université technique de Vienne a réussi à développer un modèle informatique complet de structures de graphène réalistes. Il s’est avéré que les effets souhaités sont très stables. Même des morceaux de graphène pas tout à fait parfaits peuvent être bien utilisés pour des applications technologiques. Une bonne nouvelle pour la communauté mondiale travaillant sur le graphène.

De nombreux chemins possibles à travers le graphène

Nous calculons à l’échelle atomique comment le courant électrique se propage dans un minuscule morceau de graphène”, explique le Prof. Florian Libisch de l’Institut de physique théorique de l’Université technique de Vienne. “Il existe différentes façons pour un électron de se déplacer dans le matériau. Selon les règles de la physique quantique, il ne doit pas choisir l’un de ces chemins ; l’électron peut emprunter plusieurs chemins à la fois.

Ces différents chemins peuvent ensuite se chevaucher de différentes manières. À des valeurs d’énergie très spécifiques, les chemins s’annulent ; à cette énergie, la probabilité que les électrons traversent le morceau de graphène est très faible, et le courant électrique minimal. C’est ce qu’on appelle une “interférence destructive“.

Le fait que le flux de courant diminue de façon spectaculaire à des valeurs d’énergie très spécifiques pour des raisons quantiques est un effet très souhaitable technologiquement“, explique Florian Libisch. “Cela peut être utilisé, par exemple, pour traiter l’information à une échelle minuscule, de façon similaire à ce que font les composants électroniques dans les puces informatiques.

On peut aussi l’utiliser pour développer de nouveaux capteurs quantiques : Imaginons qu’un morceau de graphène ne conduise pratiquement pas de courant. Puis, soudainement, une molécule de l’extérieur se fixe à la surface du graphène. “Cette seule molécule change un tout petit peu les propriétés électroniques du morceau de graphène, et cela peut déjà suffire à augmenter brusquement et de façon significative le flux de courant“, explique le Dr Robert Stadler. “Cela pourrait être utilisé pour fabriquer des capteurs extrêmement sensibles.”

De nombreuses interférences possibles

Mais les effets physiques qui entrent en jeu dans les détails sont très compliqués : “La taille et la forme du morceau de graphène ne sont pas toujours les mêmes, et il y a des interactions à N corps très difficiles à calculer mathématiquement entre plusieurs électrons. Il peut y avoir des atomes indésirables à certains endroits, et les atomes bougent toujours un peu – tout cela doit être pris en compte pour pouvoir décrire le matériau graphène de façon réellement réaliste“, explique le Dr Angelo Valli.

C’est exactement ce qui a été réalisé à l’Université technique de Vienne : les trois chercheurs ont des années d’expérience dans la description correcte de différents effets dans les matériaux via des modèles informatiques.

En combinant leur expertise, ils ont réussi à développer un modèle informatique complet qui inclut toutes les sources d’erreur et effets de perturbation existants dans le graphène. Et ce faisant, ils ont pu montrer que même en présence de ces sources d’erreur, les effets souhaités restent visibles. Il est toujours possible de trouver une certaine énergie à laquelle le courant ne circule que très faiblement à cause d’effets quantiques. Des expériences avaient déjà montré que cela est plausible, mais une investigation théorique systématique manquait jusqu’à présent.

Cela prouve que le graphène ne doit pas être parfait pour être utilisé dans les technologies de l’information quantique ou les capteurs quantiques. Pour la recherche appliquée dans ce domaine, c’est un message important : les efforts mondiaux pour utiliser les effets quantiques du graphène de façon contrôlée sont en effet prometteurs.

En synthèse

Cette étude démontre que le graphène ne doit pas être parfait pour être utilisé dans les technologies de l’information quantique ou les capteurs quantiques. Pour la recherche appliquée dans ce domaine, c’est un message important : les efforts mondiaux pour utiliser les effets quantiques du graphène de façon contrôlée sont en effet prometteurs.

Même si le graphène présente inévitablement des imperfections dans la pratique, ses propriétés électroniques remarquables restent robustes. Les chercheurs ont développé un modèle informatique réaliste prenant en compte les défauts, les interactions complexes et les effets quantiques. Ils montrent que les effets d’interférence permettant de contrôler finement les flux de courant sont préservés.

Ces conclusions positives encouragent la poursuite des recherches visant à exploiter le potentiel du graphène pour des applications en électronique et capteurs quantiques. Malgré les difficultés inhérentes à ce matériau bidimensionnel, ses propriétés uniques ouvrent la voie à des innovations prometteuses.

Pour une meilleure compréhension

Qu’est-ce que le graphène ?

Le graphène est un matériau bidimensionnel composé d’une seule couche d’atomes de carbone disposés en nid d’abeilles. Découvert en 2004, il suscite un grand intérêt pour ses propriétés électroniques remarquables.

Pourquoi est-il intéressant pour l’électronique ?

Le graphène permet un contrôle très fin des flux de courant électrique grâce à des effets quantiques d’interférence. Cela ouvre des perspectives pour des applications en électronique ultra-miniaturisée et en capteurs quantiques ultra-sensibles.

Quel était le doute sur ses propriétés ?

On ne savait pas si les défauts inévitables dans le graphène réel détruisaient ses propriétés souhaitées. Cette nouvelle étude montre que ses effets quantiques restent robustes malgré les imperfections.

Comment ont-ils modélisé le graphène réaliste ?

En combinant leur expertise, les chercheurs ont développé un modèle informatique prenant en compte les défauts, les interactions entre électrons et les fluctuations quantiques.

Qu’est-ce que cela change pour les applications ?

Cela confirme que le graphène, même imparfait, peut être utilisé pour des technologies quantiques. Ses propriétés uniques restent exploitable malgré les difficultés pratiques.

Légende illustration principale : Le réseau hexagonal est caractéristique du graphène, l’onde symbolise le mouvement des électrons. Crédit : TU WIen

Article : “Stability of destructive quantum interference antiresonances in electron transport through graphene nanostructures” – DOI: 10.1016/j.carbon.2023.118358 

[ Rédaction ]

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