Interconnexion électrique France-Espagne : le creusement est lancé

Le début des travaux de percement des Pyrénées, côté Français, pour le passage de l’interconnexion électrique France – Espagne sous le massif montagneux a démarré hier à Montesquieu-des-Albères (Pyrénées-Orientales) en présence du Président du Directoire de RTE (Dominique Maillard), du Président de REE (José Folgado) et du Président d’Inelfe (Carlos Collantes).

Le démarrage du tunnelier constitue une étape clé dans l’avancée de cette interconnexion attendue depuis 30 ans.

L’impressionnant tunnelier « Canigou », commence l’excavation de la partie nord de la galerie technique de l’interconnexion électrique entre la France et l’Espagne. La galerie technique devrait être achevée fin 2013.

Conçu pour travailler la roche dure aussi bien que les zones de failles géologiques ou les roches friables, Canigou dispose d’un bouclier coupant de 4,3 mètres de diamètre, et mesure 11,5 mètres de long. A ce premier segment s’ajoute un train suiveur d’une longueur totale de 300 mètres environ. A ce jour, 150 mètres de galerie ont déjà été creusés au niveau de Montesquieu. Il s’agit de travaux préparatoires nécessaires à l’installation du tunnelier dans l’entrée nord de la galerie.

Le tunnelier côté Français complète ainsi le travail de son jumeau espagnol « Alberas », pour creuser une galerie longue de 8,5 kilomètres et de diamètre 3,5 mètres dans le massif pyrénéen des Albères, reliant La Junquera et Montesquieu-des-Albères. De son côté, le tunnelier espagnol, parti début mars 2012 de la tête sud située à la Junquera, a déjà creusé plus de trois kilomètres.

Les deux tunneliers ont été spécialement conçus et fabriqués pour ce projet par l’entreprise allemande Herrenknecht. Les machines ont été acheminées par mer jusqu’au port de Palamós (Espagne), puis par route.

Avec une longueur totale de 65 km en technologie souterraine, à courant continu et à ce niveau de puissance (2 fois 1000 MW), l’interconnexion électrique France-Espagne constitue une première mondiale.

Cette liaison reliera les postes électriques de Baixas (près de Perpignan) et de Santa Llogaia (près de Figueras, Espagne). En raison de sa longueur et de ses caractéristiques spécifiques, la ligne fonctionnera en courant continu au lieu du courant alternatif utilisé dans le reste du réseau électrique français et espagnol. Par conséquent, une station de conversion doit être construite à chaque extrémité de la liaison afin de transformer le courant continu en alternatif, et réciproquement. La mise en service de cette liaison électrique est prévue pour fin 2014.

Rappelons que l’interconnexion électrique participera au renforcement de l’approvisionnement énergétique régional et permettra une meilleure intégration des énergies renouvelables sur le réseau, tout en contribuant à la création du marché européen de l’électricité. Par ailleurs, Inelfe a participé au développement économique régional à hauteur de 20 millions d’euros depuis le début du chantier, au travers de contrats commerciaux notamment.

L’ensemble des travaux nécessaires à la réalisation de cette nouvelle interconnexion représente un budget de 700 millions d’euros ; ce projet a été déclaré projet d’intérêt européen, et reçoit un financement de l’Union européenne à hauteur de 225 millions d’euros dans le cadre du programme EEPR (European Energy Programme for Recovery). Inelfe, RTE et REE ont également signé avec la Banque Européenne d’Investissement (BEI) un prêt de 350 millions d’euros.


Une liaison entièrement souterraine :

Conformément aux recommandations formulées en 2008 par Mario Monti, ex-commissaire européen, adoptées ensuite dans l’accord de Saragosse signé par les gouvernements français et espagnol en juin 2008, l’interconnexion électrique France-Espagne :

– reliera les postes électriques de Baixas (Pyrénées-Orientales, France) et de Santa Llogaia (province de Gérone, Espagne)
– sera entièrement souterraine
– et suivra, dans la mesure du possible, les couloirs d’autres infrastructures existantes dans cette zone : LGV Perpignan-Figueras et autoroute AP-7 en Espagne.

Cette interconnexion sera composée de deux liaisons de 1000 MW et à ±320 000 volts, installées dans deux tranchées parallèles d’1 m de largeur pour 1,5 m de profondeur. La ligne, formée de 4 câbles parallèles, se déploiera sur une longueur totale de 64,5 km. Les câbles seront livrés par tronçons d’environ 2 km chacun, leur transport s’effectuant par la route sur des tourets (sortes de grosses bobines) de 85 tonnes au maximum. 144 jonctions devront ensuite être réalisées le long du tracé, dont 12 dans la galerie technique, pour relier les différents tronçons.

Les travaux de génie civil ont démarré en juillet 2012 et progressent rapidement : une fois les fourreaux des câbles posés au fond des tranchées, celles-ci sont partiellement remplies de béton puis refermées immédiatement afin d’en minimiser l’impact. A la mi-octobre 2012, près de 4 km de ligne ont déjà été réalisés.

Le tracé de l’interconnexion prévoit également des passages en sous-œuvre pour les obstacles géographiques les plus importants : forages droits (voies ferrées) et forages dirigés (autoroute, route et rivières) dont le plus grand (700 m de longueur) passera 14 m sous le lit du Tech.

Les câbles choisis pour l’interconnexion Baixas-Santa Llogaia sont à isolation « sèche » : leur enveloppe isolante n’est pas constituée de papier imprégné d’huile comme c’est généralement le cas en sous-marin par exemple, mais d’un matériau appelé polyéthylène réticulé (mieux connu sous son abréviation anglaise « XLPE »). En effet, ce type d’isolation se prête davantage aux caractéristiques techniques de la ligne électrique. Le XLPE n’a jamais encore été utilisé à ce niveau de puissance et de tension en courant continu, ce qui fait du projet d’Inelfe une première technologique mondiale : pour ses câbles en XLPE et pour la technologie VSC utilisée pour la première fois à ce niveau de puissance (2 fois 1000 MW).

Les travaux de génie civil devraient s’achever fin 2013 et les câbles seront entièrement posés dans leurs fourreaux à cette date.

Des stations de conversion à chaque extrémité de la ligne :

En raison de ses caractéristiques techniques (ligne souterraine, longueur de 64,5 km), et pour réduire les pertes d’électricité durant le transport souterrain, l’interconnexion France-Espagne fonctionnera en courant continu plutôt qu’en alternatif, comme c’est généralement le cas sur le reste des réseaux. Cela implique la mise en place d’un dispositif de conversion du courant électrique à chaque extrémité de la ligne.

A chaque extrémité de la ligne, à Baixas et Santa Llogaia, deux stations de conversion sont en construction, qui permettront, une fois reliées aux postes électriques voisins, de transformer le courant alternatif en courant continu et inversement.

Les stations de conversion sont composées de plusieurs édifices imposants, dont la superficie atteint un total de 4 hectares pour chaque station : deux bâtiments principaux abritant les modules de puissance, organes principaux pour la conversion alternatif/continu, après transformation du courant alternatif à un niveau de tension approprié grâce à de volumineux transformateurs, puis deux bâtiments plus petits destinés à recevoir tout le matériel de contrôle commande.

A Baixas, les bâtiments principaux de la station, également appelés halls de conversion, atteignent 17 m de hauteur et ont fait l’objet d’un traitement architectural particulier (forme et teinte de la toiture, et teinte du bardage) afin d’optimiser leur intégration paysagère.

La technologie utilisée pour convertir le courant du continu à l’alternatif (et réciproquement) est nommée VSC (Voltage Source Converter). Très récente et innovante, elle facilite l’inversion du sens du courant et le rétablissement de l’électricité après une coupure de courant. Le VSC est une technique déjà éprouvée, mais n’a jamais été utilisé pour une liaison électrique d’une telle puissance, ce qui fait du projet d’Inelfe une première technologique mondiale.

La construction des stations a démarré en août 2011 à Santa Llogaia et en octobre 2011 à Baixas avec les travaux de terrassement. L’ensemble des travaux d’aménagement électrique (construction des stations de conversion et du poste électrique de Santa Llogaia, puis raccordement de la ligne d’interconnexion aux deux réseaux nationaux) sera finalisé fin 2014.

[ Credit image : RTE ]

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Samivel51

Pourquoi est-il necessaire de creuser un tunnel aussi large?

jeff_1982

“A chaque extrémité de la ligne, à Baixas et Santa Llogaia, deux stations de conversion sont en construction, qui permettront, une fois reliées aux postes électriques voisins, de transformer le courant alternatif en courant continu et inversement.” Il reste donc plus d’un an pour trouver une solution viable d’exploiter toute la chaleur dégagée par ces batiments… sutout l’hiver. Un réseau de chaleur couplé à un onduleur/transfo…. de quoi faire des fraise en décembre pour 3 fois rien !!!

Luis

La dimension du tunnel est conditionnée par des besoins techniques : dimension des tourets de cables, espacement entre chaque cable, poste de travail pour les raccordements dans le tunnel, … A chaque extrémité, la conversion consomme environ 1% de l’électricité qui transite. Mais cette solution est plus économique en HVDC (Hight Voltage Direct Current) qu’en alternatif. Cela permet aussi de ne pas avoir à gérer les ajustements de fréquence entre les deux réseaux nationaux. Pour les fraises en hiver : Attendons un petit optimum climatique, comme au Moyen-âge, et le problème sera résolu. Moins de chauffage en hiver aussi et disparition du pic hivernal de consommation d’électricité vers 19h.

Dan1

“Moins de chauffage en hiver aussi et disparition du pic hivernal de consommation d’électricité vers 19h.” Voici une image extraite du BLOG au-delà des lignes de RTE : On voit donc qu’avec ou sans chauffage électrique (résidentiel + tertiaire) il y aura toujours un pic de consommation à 19h00 en hiver un jour de semaine car il est du essentiellement à l’éclairage et aux usages spécifiques de l’électricité (télévision, four micro-onde…). Sans chauffage électrique ou avec moins, le niveau global d’appel en puissance de la journée sera simplement moins élevé, mais la forme de la courbe ne sera pas très différente.

Sicetaitsimple

Cette liaison annoncée depuis plus de 20 ans va enfin voir le jour! A priori au bénéfice des deux pays, car la structure du parc de production espagnol est très différente du parc francais, et donc ça devrait aller dans un sens ou dans l’autre en fonction des mois, des jours ou des heures, avec globalement beaucoup de transit. Pour le pic hivernal de 19h00, ne doutons pas que nos voisins seront au rendez-vous. Ils ont tellement de cycles combinés très peu utilisés que ça leur en donnera une occasion. D’aucuns pourront alors se gausser de “l’indépendance” francaise suspendue aux importations …Ceux qui n’ont pas compris que l’electricité en Europe est européenne.