Dans une démarche marquant un tournant pour les industries à haute intensité énergétique, la société française Lhyfe a annoncé avoir mené à bien des tests de combustion utilisant exclusivement de l’hydrogène vert, remplaçant ainsi le gaz naturel dans un secteur historiquement dépendant aux combustibles fossiles. Cette expérimentation, déployée avec succès dans l’industrie céramique en Espagne, ouvre la voie à une réduction significative des émissions de CO₂ dans des domaines où les défis techniques sont considérables.
Une innovation testée dans l’industrie céramique
Le projet, déployé dans la région de Valence, a permis de livrer trois tonnes d’hydrogène vert à un fabricant local de céramiques et de frittes, matériaux essentiels à la production de carreaux résistants et brillants. Cette première en Espagne, réalisée sur une période de trois semaines, illustre la capacité de Lhyfe à mobiliser leurs infrastructures logistiques, notamment leur flotte de près de 70 conteneurs de stockage d’hydrogène parmi les plus modernes d’Europe. L’hydrogène, produit sur le site de Bessières (Haute-Garonne), dispose d’une capacité journalière de deux tonnes, alimentant ainsi des clients exigeants en matière de qualité et de disponibilité.
Les tests, conduits en partenariat avec un acteur majeur du secteur, ont consisté à remplacer progressivement le gaz naturel par de l’hydrogène vert dans les fours industriels. Selon les données fournies par Lhyfe, cette transition s’est effectuée sans altérations majeures des équipements, hormis le remplacement des brûleurs. « Ces tests de combustion, réalisés jusqu’à 100 % d’hydrogène vert, représentent un jalon important pour Lhyfe, qui accompagne ainsi les premiers essais de décarbonation des procédés de production dans une industrie fortement consommatrice de gaz fossile », souligne Frédéric Naudi, directeur grands comptes industrie chez Lhyfe. « Nous pouvons désormais déployer ce système dans de nombreuses industries ayant recours à la combustion de gaz fossile. Nous poursuivons ainsi notre mission de décarboner dès aujourd’hui, mais aussi d’accompagner les industriels dans leurs expérimentations de décarbonation. »
Un modèle adaptable à plusieurs filières
La réussite de cette opération repose sur un « kit de mélange » conçu par Lhyfe, permettant d’intégrer progressivement l’hydrogène dans les installations existantes. Cette approche graduelle limite les coûts d’adaptation pour les industriels, tout en garantissant la stabilité des températures requises — entre 400 et 1550 °C selon les processus. Les applications potentielles s’étendent à l’acier, le ciment, le verre ou encore les métaux non ferreux, des secteurs responsables d’une part significative des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
La céramique, souvent négligée dans les discours sur la transition énergétique, incarne pourtant un cas d’école. En Espagne, la région de Valence concentre un tissu industriel dense, confronté à des contraintes économiques croissantes liées aux coûts de l’énergie et aux réglementations européennes sur les émissions. « Pour certaines industries, il faut modifier le process de combustion, afin de remplacer le gaz naturel par de l’hydrogène vert. Cela nécessite quelques modifications. », explique Franz Bechtold, directeur commercial de Lhyfe en Espagne.
L’Espagne, terrain stratégique pour l’hydrogène
Au-delà de la démonstration technique, cette initiative s’inscrit dans un contexte plus large : l’Espagne ambitionne de devenir un leader européen de l’hydrogène vert. Le pays bénéficie d’un ensoleillement élevé et de capacités éoliennes solides, facteurs clés pour la production d’énergie renouvelable nécessaire à l’électrolyse de l’eau. Le gouvernement espagnol a d’ores et déjà sélectionné plusieurs projets dans le cadre du programme H2 Pioneros, dont celui de Vallmoll (Tarragone), porté par Lhyfe. Ce dernier prévoit une unité de 15 MW, capable de produire jusqu’à 5 tonnes d’hydrogène par jour à partir de 2027, soutenu par une subvention de 14 millions d’euros.
Lhyfe, qui emploie une équipe locale basée à Madrid et Barcelone, collabore avec des acteurs de la chimie et de la mobilité pour explorer des usages variés de l’hydrogène. « L’Espagne dispose d’atouts indéniables : une volonté politique affirmée, des mécanismes de soutien efficaces, et une offre énergétique renouvelable compétitive », insiste Franz Bechtold.

Des défis à surmonter pour une adoption massive
Malgré ces avancées, le chemin vers une généralisation reste semé d’obstacles. Le coût de production de l’hydrogène vert, encore supérieur à celui des énergies fossiles, dépend étroitement de la baisse des prix des électrolyseurs et de l’accès à des énergies renouvelables bon marché. En parallèle, les industriels doivent adapter leurs chaînes de production, un investissement souvent dissuasif sans aides publiques ou cadres réglementaires contraignants.
Pour Lhyfe, cette expérience en Espagne constitue un levier pour convaincre d’autres acteurs. « Nous sommes ravis d’avoir été choisis par notre partenaire pour réaliser cette opération. L’équipement que nous avons développé pour ce projet nous sera très utile pour effectuer des tests de combustion auprès d’autres acteurs industriels et dans d’autres secteurs cherchant à se décarboner ! », résume Frédéric Naudi.
À l’heure où l’Union européenne durcit ses objectifs climatiques, et alors que les pressions financières poussent les entreprises à innover, l’hydrogène vert s’affirme progressivement comme un pilier des stratégies industrielles. Les succès de Lhyfe, s’ils sont suivis d’effets, pourraient bien redéfinir les normes d’un secteur jusqu’alors réticent à rompre avec ses habitudes.
Source : Lhyfe