Interview de Daniel Lincot : A l’aube d’une révolution énergétique

Que peut-on attendre de l’énergie solaire à l’avenir ?

La première des innovations, c’est que le solaire en général, le photovoltaïque en particulier, est en train de devenir une source d’énergie majeure.

Convertir les photons en électrons via des panneaux photovoltaïques est une méthode relativement récente et elle n’avait jamais été utilisée à grande échelle. La première fois que la technologie a réellement été utilisée de façon efficace, c’était en 1954. L’humanité n’avait jusque-là jamais eu accès à une telle technologie. La nouveauté, c’est le passage d’une technologie naissante à une utilisation à très grande échelle. Nous entrons dans l’ère du solaire ! Selon les scénarios nous pourrions dans les prochaines décennies obtenir entre 50 et 100% de notre production d’énergie à partir du soleil (au sens large : thermique, photovoltaïque, mais aussi hydraulique, éolienne, biomasse, géothermie etc.).

L’autre avancée majeure, c’est la qualité et le coût des cellules photovoltaïques. Le rendement moyen des cellules matures est proche de 15% (note : soit 15% des 1000W optiques par m² du soleil, donc environ 150W). Aujourd’hui, les rendements record en laboratoire vont au-delà de 25 voire 30%. Par comparaison, le rendement du moteur thermique est de l’ordre de 33%. Donc le photovoltaïque apporte une énergie avec un rendement commercial entre 10 et 20%, avec un coût proche des 13 centimes du kWh. C’est une énergie devenue rentable sur le plan financier. On parle de parité réseau.

Quelle évolution sera apportée par la connexion de l’énergie solaire aux smart grids ?

C’est un véritable défi. Le réseau électrique, système énergétique actuel, doit s’adapter à cette nouvelle ressource, alors qu’il n’a pas été conçu pour. Mais on se doit de le faire dans la mesure où cette nouvelle énergie révolutionnaire devient accessible technologiquement et financièrement. C’est la première étape, celle qui conditionne tout le reste.
Une fois adapté, le réseau pourra jouir des bénéfices de l’énergie solaire de façon optimale. Par exemple, en cas de surproduction, le coût marginal descend très bas et l’électricité ne coûte pratiquement rien.

Puis il va falloir intégrer de nouvelles fonctionnalités au réseau, comme la capacité de stockage. Bien sûr, cela ne se fera pas en un jour et ça sera onéreux. Mais c’est un choix qui mise sur le long-terme. Nous vivons heureusement dans un monde qui nous donne de l’énergie à profusion. Si nous arrivons désormais un peu mieux à l’utiliser, il nous appartient de nous donner les moyens, petit à petit, d’adapter nos infrastructures.

Peut-on parler de Révolutions Énergétiques ?

Je crois qu’on peut très clairement dire que oui. Et comme toute révolution, elle peut réussir ou échouer. Aucune révolution n’est gagnée par avance. C’est en tout cas une évolution possible. En une dizaine ou une quinzaine d’années, on pourrait ne plus reconnaître notre système énergétique. Et c’est une bonne chose.

L’énergie solaire fait partie de ces évolutions qui ont une courbe de croissance exponentielle, à l’instar d’internet ou même de la téléphonie mobile. Au début personne ne l’utilise, personne n’y croit, puis très vite, tout le monde en a. C’est ce type de progression que connait le photovoltaïque depuis 20 ans. La progression a été de 800% entre 2000 et 2008 soit une croissance annuelle de 40%.

Au début, on produisait de cette façon environ 100kW par an. Aujourd’hui notre production dépasse 60GW. C’est astronomique. Et c’est un effet qui va s’amplifier puisqu’en progressant, la technologie devient aussi moins chère : la mutation, très rapide, impacte à la fois la quantité et le coût.

Toutefois à ce stade, le potentiel de l’énergie solaire est encore assez méconnu du grand public. Les instances politiques elles-mêmes gardent des images du passé qui ne reflètent pas bien les performances actuelles. Aujourd’hui les grands groupes investissent des milliards dans le photovoltaïque. Beaucoup d’argent est destiné à la recherche. C’est un domaine qui va continuer à croître avec l’aide des nombreux et brillants chercheurs.

Que pensez-vous des thèses de Jeremy Rifkin sur l’internet de l’énergie ? Quels sont les atouts principaux de cette nouvelle approche décentralisée ?

Jeremy Rifkin exprime et popularise (très brillamment) une réalité, une évidence sur le besoin d’une nouvelle approche de l’énergie. C’est un personnage médiatique, parfois même un peu trop, qui a su porter un message essentiel.

Sur sa théorie, aujourd’hui on a la capacité de passer à un modèle basé majoritairement sur les énergies renouvelables, avec le solaire. C’est une énergie qui est partout, dans le désert du Sahara comme en Scandinavie, même si c’est en quantités différentes. Elle est distribuée partout sur le globe, contrairement aux énergies fossiles. Elle est décentralisée, mais très importante en quantité.

Du coup, gérer cette ressource avec internet (c’est un autre de ses piliers), est une aubaine ! La gestion d’une énergie révolutionnaire au moyen d’un système de communication tout aussi révolutionnaire permet de former une équipe gagnante.

Enfin, arrive le besoin du stockage (le 3ème pilier) : il permet de faire fonctionner l’ensemble. L’hydrogène est très prometteur mais il ne faut pas être trop focalisé sur cette solution, puisque d’autres options existent et elles ont également beaucoup de potentiel.

Jeremy Rifkin a su mobiliser autour de ce sujet et définir les grands axes. A nous désormais de poursuivre. Néanmoins il faut garder à l’esprit qu’il propose des pistes et que tout n’est pas à suivre au pied de la lettre.

Je crois aussi qu’il faut éviter la starisation : bien que charismatique, il n’est pas un prophète. Si je devais lui faire un reproche, ce serait qu’il oublie de mentionner ceux qui travaillent dans le domaine depuis longtemps, ceux dont les recherches ont rendu ses théories possibles.

De nombreuses équipes font avancer ces sujets et il faut en prendre conscience. Du reste, il exprime très bien ses idées et propose une réelle alternative, un contrepoids médiatique de premier ordre.

En conclusion, ce dont nous avons besoin aujourd’hui c’est de réalisme, de collectivité. Ce n’est pas un débat idéologique ou politique. Il ne faut plus perdre de temps et fournir les efforts nécessaires pour y arriver.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Revo. Ener.

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