Des scientifiques de l’université de Bristol, en collaboration avec l’université de Salford, ont découvert la cause profonde du bruit particulièrement irritant produit par les moteurs BLI (boundary layer ingesting), une technologie clé des futurs avions électriques et hybrides.
S’appuyant sur des travaux antérieurs qui ont identifié les sources générales de bruit dans les systèmes BLI, cette dernière recherche, publiée aujourd’hui dans Nature npj Acoustics, plonge plus profondément dans la physique de la génération du son aérodynamique, révélant comment l’écoulement turbulent de la couche limite interagit avec les composants rotatifs des ventilateurs et des conduits pour produire deux signatures acoustiques distinctes et désagréables à percevoir.
L’élément clé de cette recherche est une évaluation basée sur la mécanique des fluides qui permet de découvrir l’origine aérodynamique fondamentale de deux types différents de modèles de bruit à large bande, connus sous le nom de « foin » – des caractéristiques spectrales qui affectent la façon dont le bruit est perçu. En acoustique, le « foin » décrit l’effet d’un écoulement turbulent qui disperse les champs sonores tonaux, ce qui a pour effet de répartir l’énergie d’une tonalité spécifique sur une plus large gamme de fréquences.
L’étude montre qu’à faible poussée (en croisière), la faible aspiration du ventilateur permet à l’écoulement de la couche limite de la cellule de ne pas être perturbé. Dans ce régime, l’ingestion de l’écoulement est régie par la distorsion de l’écoulement induite par la courbure de la cellule, qui n’expose que les extrémités des pales à des structures d’écoulement turbulentes à faible moment. Étant donné que la contribution acoustique du conduit domine à faible poussée, le principal mécanisme générateur de bruit est l’interaction entre l’écoulement turbulent et le champ acoustique interne du conduit, ce qui se traduit par le foin du conduit.
À forte poussée (pendant le décollage), la forte aspiration du ventilateur perturbe l’écoulement de la couche limite de la cellule, produisant une distorsion de l’écoulement induite par le ventilateur qui entraîne des structures d’écoulement turbulent à fort moment et très instable sur une plus grande partie de l’envergure des pales. Cette interaction intense entre l’écoulement déformé induit par la soufflante et les pales en rotation conduit à la formation d’un foin de soufflante, où l’écoulement instable est tranché de manière répétée par les pales en rotation sur une grande partie de l’envergure de ces dernières.

Le chercheur principal, le Dr Feroz Ahmed, qui travaillait à la faculté des sciences et de l’ingénierie de Bristol lors de la réalisation de cette étude, a déclaré : « Ces deux signatures sonores cachées – le foin – donnent aux futurs moteurs d’avion embarqués une sensation d’irritation perceptible, et pas seulement de bruit. En établissant un lien entre les schémas d’ingestion des flux turbulents et la perception du bruit, nous donnons aux ingénieurs les outils nécessaires pour concevoir de futurs avions aussi silencieux qu’ils en ont l’air. »
Ces connaissances offrent une nouvelle feuille de route pour la conception de moteurs embarqués plus silencieux, et pas seulement plus silencieux – une étape essentielle pour améliorer l’acceptation par le public des futurs aéronefs de mobilité aérienne urbaine.
À l’aide d’une soufflerie haute-fidélité reproduisant les conditions réelles, les chercheurs ont recueilli des données détaillées sur l’écoulement et le bruit dans tous les régimes de vol en utilisant des instruments de pointe, notamment l’anémométrie à fil chaud, des capteurs de pression et des microphones à champ lointain. Cela leur a permis d’isoler et de relier chaque signature sonore (foin) à sa cause aérodynamique et à son impact sur la perception humaine.
Les implications de cette recherche sont très vastes. Elles fournissent des indications utiles pour la conception d’avions de transport à grande échelle – comme l’Airbus ZEROe, l’ONERA NOVA, le NASA/MIT Aurora D8, l’Airbus Nautilus et le MITSAX-40 – et pour les constructeurs d’avions électriques à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL) de la prochaine génération dans le secteur de la mobilité aérienne urbaine (UAM), afin de soutenir les efforts visant à atteindre l’objectif FlightPath 2050 de l’UE, qui consiste à réduire le bruit des avions de 65 %. Ces résultats pourraient aider à concevoir des moteurs plus silencieux pour les futurs avions électriques et taxis aériens.
L’équipe prévoit maintenant de développer des stratégies de contrôle aérodynamique et acoustique pour réduire le foin des ventilateurs et des conduits. Elle envisage également d’étendre cette analyse à d’autres concepts de propulsion impliquant l’ingestion de flux turbulents, dans le but de façonner l’avenir de l’aviation silencieuse.
Légende illustration : Dispositif de mesure par fil chaud pour une configuration BLI, comprenant un ventilateur canalisé installé à côté d’une surface courbe de la cellule. Ce dispositif permet une analyse à haute résolution du champ de vitesse afin de découvrir l’origine aérodynamique du bruit des bottes de foin et son lien avec le bruit perçu. Crédit photo : Dr Feroz Ahmed
Article : « Aeroacoustics and psychoacoustics characterization of a boundary layer ingesting ducted fan » de Feroz Ahmed, Carlos Ramos-Romero, Antonio J. Torija and Mahdi Azarpeyvand dans Nature npj Acoustics.
Source : U. Bristol