L’automobile à pétrole : de plus en plus sale…

I. Penser global

Lorsqu’il s’agit de juger les performances environnementales des véhicules électriques, il est fréquent de s’interroger sur l’origine de l’électricité consommée. Un réflexe que même les non spécialistes ont acquis, à juste titre. Et bien, il faut espérer qu’il en sera bientôt de même s’agissant du pétrole consommé par les voitures thermiques.

Car depuis quelques années déjà, impossible d’ignorer les conséquences environnementales dramatiques liées à l’exploitation des pétroles lourds. Ces pétroles non conventionnels se caractérisent par un coût de production significativement supérieur à celui des pétroles conventionnels ayant alimentés l’automobile à pétrole durant plusieurs décennies. Leur exploitation se caractérise aussi par un impact environnemental très supérieur à celui des pétroles conventionnels puisqu’elle nécessite jusqu’à 10 fois plus d’énergie (!) que celle nécessaire à l’exploitation des pétroles conventionnels historiquement importés du Moyen-Orient. (source : ici )

Or, ce que beaucoup de professionnels (UFIP, constructeurs automobiles, journalistes, etc…) se gardent bien de rappeler, c’est la part que représente désormais les pétroles non conventionnels dans l’approvisionnement pétrolier mondial. De quelques pourcents seulement il y a une dizaine d’années, les pétroles non conventionnels (bitumineux, schiste, off shore profond et ultra profond, etc…) représentent aujourd’hui près de 20 % de la production mondiale d’or noir ! Et cette part ne fait qu’augmenter au fil du temps qui passe.

Une situation d’autant plus inadmissible que s’agissant de l’électricité, c’est plutôt le phénomène inverse que l’on observe ces dernières années : Dans plusieurs pays d’Europe et d’Etats Américains, la production électrique a plutôt tendance à voir son impact environnemental global diminuer au fur et à mesure des améliorations apportées aux outils de production, qu’ils soient d’origine renouvelables ou non.

II. Le moteur à pétrole dans les villes du XXIème siècle

Outre les conditions dans lesquelles le pétrole est désormais produit, l’autre fait marquant de ce début de XXIème Siècle, c’est la part des individus qui habitent en milieu urbain. Combien de temps encore, les habitants des grandes villes vont-ils devoir supporter les nuisances engendrées par les moteurs à pétrole ?

De ce point de vue, le moteur thermique seul est condamné. Seule l’hybridation et l’électrification totale sont à même d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux en matière de qualité de l’air et d’amélioration de l’efficacité énergétique des transports. En France, les grandes villes ont déjà beaucoup investi en faveur des transports collectifs électriques au cours des deux dernières décennies. La prochaine étape est désormais d’électrifier les modes de transports légers, complémentaires aux modes lourds (Métro, Tramway) : Bus, Minibus, Taxis, autopartage électrique, quadricycles, scooter, VAE etc…

III . Et le rôle des citoyens dans tout ça ?

Naturellement, tous ces changements en perspective ne seront que plus faciles à opérer lorsque du coté de la demande, les consommateurs en seront partie prenante.

S’agissant des véhicules électriques, l’erreur serait d’attendre que leur autonomie atteigne celle des voitures à pétrole avant de bouder les pompes à essence. Car sur ce point, les industriels sont très clairs : pas de rupture technologique majeure à attendre au cours des 10 prochaines années. Même équipée d’une lourde batterie de 250 kg, la barre des 250 km d’autonomie réelle en tout électrique va être très difficile à franchir au volant de véhicules « 4 portes – 4 places » offrant un confort comparable aux meilleures citadines actuelles. Une autonomie qui sera d’autant plus difficile à atteindre que les utilisateurs s’aventureront en dehors des villes, sur les voies rapides qui concentrent une part importante du trafic automobile.

Est-ce une raison valable pour persister dans l’impasse destructrice des voitures à pétrole lourd ? Pour un grand nombre d’automobilistes, probablement pas. ça le sera encore moins d’ici quelques années, lorsque le territoire sera correctement maillé par des bornes de recharge rapides. Si ces infrastructures n’ont pas vocation à remplacer à l’identique les pompes à essence, elles offriront la possibilité d’accroitre ponctuellement le rayon d’action des véhicules électriques à batterie. En complément des électriques à prolongateur d’autonomie et des hybrides rechargeables.

Quant à l’hypothétique filière H2 (pile à combustible), la démonstration reste à faire qu’elle puisse un jour s’imposer comme une alternative viable pour le grand public étant donné les nombreuses contraintes de la filière (production H2, distribution, stockage, etc…) et les coûts associés. Malgré les annonces récentes de grands industriels en faveur de cette technologie, la problématique – centrale – de la production d’H2 non fossile à grande échelle et à des coûts acceptables n’est toujours pas résolue.

IV. Quelles perspectives à court terme ?

A court terme, toutes ces filières alternatives auront du mal à remettre en cause l’hégémonie actuelle du moteur à pétrole. Pourtant, à 100 $ le baril, il y a urgence aujourd’hui à sortir du tout pétrole dans le transport. En France, le pétrole importé (~ 40% de l’énerige finale consommé) plombe littéralement la balance commerciale du pays depuis trop longtemps déjà. Le moment est venu de changer d’époque : au cours des 2 prochaines décennies, la priorité des priorités sera de sortir de cette hyper-dépendance à l’or noir qui plombe notre économie.

Qu’on se le dise, dans le secteur de la mobilité comme dans beaucoup d’autres, l’avenir est plus que jamais à la diversité. Electrique, électrique à prolongateur d’autonomie, hybride, hybride rechargeable : toutes ces alternatives ont dès-à-présent un rôle à jouer pour sortir progressivement l’automobile de l’impasse pétrolière vers laquelle elle continue de s’enfoncer.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par G. Porcher

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