Le changement climatique et les situations météorologiques extrêmes associées vont impacter fortement nos systèmes d’énergies renouvelables. Des chercheurs de l’EPFL ont développé une technique de simulation pour réduire les influences néfastes dues aux incertitudes climatiques dans le secteur de l’énergie et garantir un fonctionnement robuste des infrastructures lors d’événements climatiques extrêmes.
Grande sécheresse, rayonnement solaire intense, manque de lumière, tempêtes, froid sibérien, ces scénarios climatiques extrêmes ne sont malheureusement pas de la science-fiction. Dans un futur très proche, une cinquantaine d’années déjà, cela affectera à la fois la demande énergétique et la résilience de nos systèmes d’approvisionnement en énergie. Les systèmes d’énergies renouvelables réalisés aujourd’hui ne sauront plus répondre aux besoins énergétiques de demain, car ils ont été conçus sur la base des données météorologiques actuelles. Des chercheurs de l’EPFL ont développé une méthode de simulation robuste et stochastique pour prendre en compte à la fois les variations standards et les événements météorologiques exceptionnels. Leurs résultats ont été publiés dans Nature Energy.
De nombreux chercheurs du secteur de l’énergie tentent de développer des solutions énergétiques durables, mais très peu prennent en compte l’influence des futures variations climatiques, car aucune méthodologie n’a été développée en considérant les influences du climat de manière globale. En 2070 bien des choses auront changé, en particulier la fréquence des situations disproportionnées qu’il faut prendre en compte aujourd’hui pour mieux concevoir et développer les systèmes énergétiques de demain. « Au cours de cette recherche nous avons constaté que les systèmes énergétiques conçus et envisagés jusqu’ici sont très sensibles aux événements climatiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur ou les tempêtes. Ils sont durement mis à l’épreuve par le climat. Nous avons également constaté que la variabilité du climat entraînera d’importantes fluctuations de l’énergie renouvelable injectée dans les réseaux ainsi que la demande d’énergie. Il sera donc difficile de faire correspondre la demande d’énergie et la production d’énergie renouvelable. Faire face aux effets du changement climatique va s’avérer plus difficile que nous ne le pensions » observe Dasun Perera du Laboratoire d’énergie solaire et physique du bâtiment (LESO-PB). Il s’est particulièrement intéressé aux systèmes d’énergies renouvelables regroupés dans des « microgrids ».
Les événements extrêmes et les variations météorologiques induits par le climat affecteront à la fois la demande énergétique et la résilience des systèmes d’approvisionnement en énergie. Pour le chercheur il était nécessaire de modifier l’angle d’approche : « Tout le monde parle du secteur de l’énergie et de son impact sur le changement climatique. Mais de façon surprenante, personne n’essaie de relier ces deux aspects de manière globale. Les climatologues se concentrent sur le changement climatique, tandis que les experts en énergie se focalisent sur les systèmes énergétiques ou les réseaux de distribution. La fréquence des événements climatiques extraordinaires s’intensifiant et perturbant gravement les systèmes énergétiques, nous avons estimé qu’il était important de relier ces deux aspects. »
Le fait de ne pas s’attaquer sérieusement à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique pourrait entraîner des catastrophes et de graves problèmes à court et à long terme, y compris des pannes partielles ou totales dues à des perturbations de l’approvisionnement énergétique. Ces conséquences pourraient être très coûteuses pour les villes et les zones urbaines. Actuellement, 3,5 milliards de personnes vivent dans ces régions, consommant les deux tiers de l’énergie primaire mondiale et produisant 70% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) directement liées à l’énergie. « Si rien n’est fait aujourd’hui il y aura certainement un gap entre la demande et ce que les systèmes énergétiques pourront produire » précise Jean-Louis Scartezzini, directeur du LESO-PB.
Les scientifiques ont appliqué leur technique de simulation à 30 villes suédoises, certaines très au nord, d’autres plus au sud, en considérant 13 scénarios possibles de changement climatique. Les résultats montrent que les incertitudes dans le potentiel et la demande d’énergie renouvelable peuvent conduire à un écart de performance significatif dû aux futures variations climatiques et une diminution de la fiabilité de l’approvisionnement en électricité. Le parc de bâtiments résidentiels actuel en Suède pourrait connaître, dans des conditions extrêmes, une demande horaire de chauffage et de refroidissement de 50% à 400 % supérieure aux valeurs moyennes calculées sur 20 ans. Pour les villes les plus au nord, les résultats sont transposables à une bonne partie de l’Europe centrale.
Auteur: Sandy Evangelista
Quantifying the impacts of climate change and extreme climate events on energy systems https://www.nature.com/articles/s41560-020-0558-0
A. T. D. Perera1,2, Vahid M. Nik3-5, Deliang Chen6, Jean-Louis Scartezzini1, Tianzhen Hong7