Le gouvernement mexicain a officialisé son ambition de bâtir Coatlicue, une infrastructure de calcul dont la puissance surpassera de sept fois le leader actuel en Amérique latine. Hommage à la déesse aztèque de la terre et de la vie, le futur système promet une capacité de 314 pétaflops, soit un niveau de performance permettant d’exécuter un nombre vertigineux d’opérations par seconde. La manœuvre, orchestrée par la présidente Claudia Sheinbaum, vise à extraire le pays de sa dépendance technologique et à l’installer durablement sur la carte mondiale de l’intelligence artificielle.
Un saut quantique pour l’infrastructure nationale
L’échelle du programme tranche radicalement avec les moyens actuels. José Antonio Peña Merino, à la tête de l’Agence de transformation numérique, rappelle que le calculateur le plus véloce du pays plafonne aujourd’hui à 2,3 pétaflops. Coatlicue démultipliera la puissance de feu nationale par 136. À titre de comparaison, le Santos Dumont brésilien, référence régionale mise à jour en juillet 2025, atteint 18,85 pétaflops, un chiffre que la nouvelle machine mexicaine entend largement éclipser.
Le projet représente un coût total estimé à 6 milliards de pesos (environ 282 millions d’euros). Sa construction débutera dès janvier 2026 pour une durée estimée à 24 mois.
Lors de son point presse matinal, la cheffe de l’État n’a pas caché sa satisfaction : « Nous sommes très enthousiastes. Cela va permettre au Mexique de s’engager pleinement dans l’utilisation de l’intelligence artificielle et du traitement de données que nous n’avons actuellement pas la capacité de gérer ». Si le site d’implantation reste à définir, le calendrier est fixé : début des travaux en 2026 pour une mise en service espérée sous 24 à 36 mois.
L’axe Barcelone-Mexico
Pour concrétiser une telle ambition, l’exécutif s’appuie sur une alliance stratégique scellée courant novembre avec le Barcelona Supercomputing Center (BSC). Le partenariat garantit l’accès aux installations catalanes pour 177 chercheurs mexicains dès janvier 2026, palliant ainsi l’absence d’équipement domestique durant la phase de construction. Plus qu’un simple prêt de ressources, l’entente prévoit un transfert de compétences crucial pour la formation des équipes locales.
Rosaura Ruiz Gutiérrez, secrétaire d’État à la Science, qualifie l’accord de « très grand pas » pour la recherche nationale, tandis que le gouvernement insiste sur la nature publique du projet. Il s’agit de bâtir une souveraineté numérique, loin des modèles propriétaires des géants de la tech.
Une technologie au service du bien commun
Les missions assignées à la future machine couvrent un spectre large, allant de la modélisation climatique pour la prévention des catastrophes à l’analyse des flux douaniers, en passant par l’agriculture de précision. L’enjeu est aussi sanitaire : traiter des masses de données génomiques et épidémiologiques hors de portée des outils classiques.
Sur le plan de la sécurité des données, José Antonio Peña Merino se veut rassurant : « Le supercalculateur mexicain permettra de résoudre des problèmes en temps réduits », tout en garantissant que « les chercheurs mexicains auront une souveraineté complète en termes de gestion des données ». L’infrastructure intègrera le réseau national existant, fédérant les forces de l’UNAM, de l’IPN et du Cinvestav.
Un pilier du « Plan México »
Au-delà de la prouesse technique, l’investissement incarne la volonté politique du « Plan México », dont l’objectif est de hisser l’économie nationale du 12e au 10e rang mondial par le levier scientifique. Marcelo Ebrard Casaubon, secrétaire à l’Économie, y voit un outil indispensable au développement industriel et à la création d’emplois qualifiés.
Fidèle à sa ligne politique, Claudia Sheinbaum martèle la vocation sociale de l’outil : « Nous voulons que ce soit un supercalculateur public, un supercalculateur du peuple ». Une vision qui place l’État en garant de l’indépendance technologique, comme elle l’a résumé en conclusion de l’accord : « Dans deux ans, le Mexique disposera d’une capacité qui n’existe dans aucun autre pays d’Amérique latine ».











