Les niveaux de CO2 atmosphérique atteignent des records historiques. Les méthodes traditionnelles de capture du carbone démontrent des limitations techniques considérables face aux concentrations atmosphériques actuelles de 426 parties par million (ppm), soit 50% de plus qu’avant l’industrialisation. Sans technologies de capture directe dans l’air (DAC), le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat estime impossible l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C.
Une technologie de rupture pour la capture du CO2
Les scientifiques de l’Université de Californie à Berkeley ont mis au point un matériau absorbant révolutionnaire. La structure, baptisée framework organique covalent (COF), se distingue par sa capacité à capturer le CO2 atmosphérique sans être altérée par l’eau ou les contaminants, une limitation majeure des technologies DAC existantes.
«Les résultats observés dépassent toutes nos attentes en termes de performance. Le matériau établit de nouveaux standards dans la lutte contre le changement climatique» a indiqué le Professeur Omar Yaghi, titulaire de la chaire James et Neeltje Tretter de Chimie à UC Berkeley.
Les capacités du nouveau matériau ont été mesurées avec précision. L’étudiant chercheur Zihui Zhou a démontré qu’une quantité de 200 grammes absorbe l’équivalent des captations annuelles d’un arbre, soit 20 kilogrammes de CO2. Une performance qui marque une différence fondamentale entre la capture des gaz d’échappement et la capture atmosphérique directe.
Le processus d’absorption est réalisé à température ambiante (25°C) avec 50% d’humidité. La capacité maximale est atteinte en deux heures, dont la moitié durant les 18 premières minutes. Un chauffage modéré à 60°C permet la libération du CO2 capturé, rendant le matériau immédiatement réutilisable.
Une innovation structurelle majeure
Le développement du COF-999 résulte d’une évolution des travaux sur les MOF (Metal-Organic Frameworks). Contrairement aux MOF maintenus par des atomes métalliques, les COF sont stabilisés par des liaisons covalentes carbone-carbone et carbone-azote, parmi les plus solides observées dans la nature.
L’intérieur des pores du COF-999 est décoré d’amines, permettant une capture optimisée des molécules de CO2. Les chercheurs ont identifié que les MOF se dégradaient en conditions basiques, un problème résolu avec la nouvelle structure du COF.
Le COF-999 présente une résistance remarquable aux contaminants environnementaux. Les analyses en laboratoire ont validé sa stabilité sur 100 cycles sans dégradation de performance. Le matériau retient jusqu’à 2 millimoles de CO2 par gramme, dépassant les capacités des absorbants solides conventionnels.
L’équipe de recherche a consacré vingt années au développement de COF résistants aux contaminants acides, basiques, aqueux, sulfurés et azotés. Le squelette du COF-999 est assemblé à partir de polymères d’oléfine avec un groupe amine attaché, puis enrichi d’amines supplémentaires formant des chaînes courtes dans les pores.
Perspectives d’optimisation par l’intelligence artificielle
L’équipe de recherche intègre désormais l’intelligence artificielle dans l’optimisation des COFs et MOFs au sein du Bakar Institute of Digital Materials for the Planet (BIDMaP). Les chercheurs explorent les possibilités d’amélioration des performances par l’agrandissement des pores du matériau, estimant possible de doubler la capacité de capture actuelle.
Les systèmes de capture actuels reposent principalement sur des solutions d’amines liquides, nécessitant une consommation énergétique importante pour leur régénération. Le professeur Yaghi souligne que le COF-999 requiert significativement moins d’énergie tout en maintenant une stabilité supérieure.
La technologie développée s’adapte aux installations existantes de capture du carbone. Les premiers tests industriels démontrent une efficacité particulière dans les conditions réelles d’utilisation, avec des taux de capture constants même en présence de polluants atmosphériques variés. Les chercheurs anticipent un déploiement à grande échelle dans les cinq prochaines années.
L’industrialisation du procédé nécessite désormais une phase d’optimisation des coûts de production. Les équipes de Berkeley collaborent avec plusieurs partenaires industriels pour développer des méthodes de synthèse adaptées à la production de masse, tout en préservant les propriétés exceptionnelles du matériau.
Légende illustration : Fiole de COF-999, de couleur jaune, avec le campanile de l’université de Berkeley en arrière-plan. crédit : Zihui Zhou, UC Berkeley
Article : « Carbon dioxide capture from open air using covalent organic frameworks » – s41586-024-08080-x – Revue Nature