L’exploration des origines de la vie sur Terre fascine les scientifiques depuis des décennies. Une découverte récente dans les sources d’eau profonde du nord de la Californie pourrait apporter un nouvel éclairage sur l’apparition des premiers organismes terrestres. Un microbe inédit, doté de la capacité de convertir le dioxyde de carbone en d’autres composés chimiques, a été identifié. Son métabolisme unique soulève des questions intrigantes sur les mécanismes primitifs de fixation du carbone et d’obtention d’énergie.
Les chercheurs du RIKEN, un institut de recherche japonais renommé, ont mis au jour un micro-organisme aux propriétés remarquables dans les sources d’eau profonde du nord de la Californie. Ce microbe, baptisé Met12, appartient à la famille des archées, des organismes unicellulaires distincts des bactéries et des eucaryotes.
Shino Suzuki, microbiologiste à la tête du Laboratoire de Géobiologie et d’Astrobiologie au RIKEN Cluster for Pioneering Research à Wako, au Japon, a déclaré : «C’est vraiment inhabituel». La chercheuse a souligné l’importance de cette découverte pour comprendre les processus métaboliques primitifs.
L’environnement dans lequel Met12 a été découvert, connu sous le nom de «The Cedars», se situe à environ 150 kilomètres au nord du célèbre Golden Gate Bridge de San Francisco. Ce site géologique unique se caractérise par des formations minérales atypiques, résultant de l’interaction entre certaines roches souterraines et l’eau. Les conditions qui y règnent pourraient s’apparenter à celles ayant favorisé l’apparition de la vie sur Terre.
Un métabolisme inédit qui intrigue les scientifiques
Les analyses génétiques ont révélé que Met12 présente des similitudes avec un groupe de microbes anaérobies connus pour produire du méthane. Cependant, ce nouvel organisme ne possède pas les gènes nécessaires à la production de méthane. À la place, il utilise une voie métabolique alternative pour convertir le dioxyde de carbone en acétate, sans libération de méthane.
Un gène unique, appelé MmcX, joue un rôle crucial dans ce processus. Les chercheurs ont démontré que ce gène améliore la capacité de Met12 à importer des électrons, permettant ainsi un métabolisme énergétique plus robuste. Cette adaptation s’avère essentielle pour la survie du microbe dans des environnements a priori inhospitaliers comme The Cedars.
«Cette découverte pourrait fournir des indications sur l’origine de la vie» a expliqué le microbiologiste. Les mécanismes d’adaptation de Met12 pourraient refléter la manière dont la vie primitive, voire extraterrestre, a pu émerger dans des conditions extrêmes similaires à celles de la Terre primitive ou d’autres planètes.
Des implications pratiques
Au-delà de son intérêt pour la compréhension des origines de la vie, la découverte de Met12 ouvre des perspectives intéressantes dans plusieurs domaines appliqués. Les chercheurs ont réussi à insérer le gène MmcX dans une bactérie en forme de bâtonnet, améliorant ainsi ses capacités de transfert d’électrons.
Cette avancée pourrait avoir des applications dans la production de biocarburants et la fabrication de produits chimiques par des microbes génétiquement modifiés. Les scientifiques ont d’ailleurs déposé un brevet pour cette technologie moléculaire.
De plus, la caractérisation de cette archée pourrait contribuer aux efforts de séquestration du carbone, un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique.
Vers de nouvelles découvertes dans des environnements extrêmes
L’équipe de Suzuki ne compte pas s’arrêter là. Les chercheurs explorent actuellement d’autres environnements uniques susceptibles d’abriter une diversité génétique encore inexploitée. Parmi les sites étudiés figurent les sources chaudes de Hakuba Happo dans les Alpes japonaises, qui présentent des conditions similaires à celles de The Cedars, ainsi que les volcans sous-marins de la fosse des Mariannes, la plus profonde au monde, située dans l’océan Pacifique occidental.
«Il existe encore de nombreux gènes intéressants qui n’ont pas encore été découverts» a conclu Shino Suzuki avec enthousiasme. Les futures explorations de ces environnements extrêmes promettent de nouvelles découvertes passionnantes dans le domaine de la microbiologie et de l’origine de la vie.
Légende illustration : Les Cèdres, site de la découverte d’un micro-organisme unique, présentent une roche connue sous le nom de serpentinite (photo). Cette roche est issue de la « serpentinisation », une réaction qui se produit dans un environnement à très faible teneur en oxygène, censé ressembler aux conditions qui régnaient sur la Terre primitive.
Xu, L. & Suzuki, S., Ishii, S., Chadwick, G. L., Tanaka, Y., Kouzuma, A. et al. A non-methanogenic archaeon within the order Methanocellales. Nature Communications 15, 4858 (2024). DOI: 10.1038/s41467-024-48185-5