Le paquet « climat énergie » de l’UE marque un tournant historique vers une civilisation durable

L’innovation majeur de ce « paquet » consiste à indexer pour moitié sur le PIB des états-membres l’objectif des « trois fois 20 » (réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au niveau de 1990, amélioration de 20 % en matière d’efficience énergétique et part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie augmentée à 20 % d’ici à 2020).

La Commission souhaite deux hausses de la part du renouvelable dans la production énergétique, chacune de 5,75 %. La première hausse sera exigée de tous les Etats membres, quelles que soient leurs capacités de production. Quant à la seconde hausse, elle sera répartie entre les pays membres selon leur PIB.

Ensemble, ces deux hausses égalent 11,5 %, ce qui correspond à la part de renouvelable manquante pour atteindre l’objectif de 2020. Actuellement 8,5 % de la consommation énergétique en Europe provient des énergies renouvelables.

La Commission a évalué le coût du paquet à « 3 euros par citoyen et par semaine » d’ici 2020. Cela correspond à une facture d’un peu plus de 842 milliards d’euros, soit 70 milliards d’euros par an, ou encore 0,5 % du PIB européen. Les foyers européens pourraient ainsi voir leur facture augmenter en moyenne de 150 euros par an. Mais ne rien faire reviendrait au moins à dix fois plus cher, selon le président de la Commission européenne. Les secteurs d’activité non inclus dans ce système d’échanges, comme les transports, l’habitat et l’agriculture, ont eux aussi des objectifs de réduction déclinés par pays, calculés en fonction de la richesse de chaque pays.

L’une des mesures phare consiste à faire payer progressivement (de 20 % en 2013 à 100 % en 2020), à partir de 2013, aux industries les plus polluantes de l’Union européenne des "permis de polluer" jusqu’ici gratuits. Le secteur de l’électricité, d’où provient une grande partie des émissions de CO2, va devoir intégralement payer pour obtenir des droits à polluer vendus aux enchères à compter de cette date. Les autres secteurs d’activité concernés, comme les industries de l’aluminium et les producteurs d’ammoniaque, ainsi que le transport aérien, rentreront dans ce système payant "graduellement", a souligné la Commission qui réexaminera la situation des industries intensives en énergie en 2011.

La France et l’Allemagne devront réduire leurs émissions de 14 % d’ici 2020 par rapport au niveau de 2005 (555 millions de MteqCO2 pour la France), le Danemark de 20 %, la Belgique de 15 %, la Suède de 17 %. Les pays en phase de rattrapage économique pourront eux les augmenter de façon limitée : pas plus de 14 % pour la Pologne, 9 % pour la République tchèque, 20 % pour la Bulgarie.

Pour notre pays, cette réduction de 14 % représente 77 millions de tonnes d’équivalent CO2 (par rapport au niveau de 2005), soit une diminution annuelle de 6 millions de tonnes d’équivalent CO2. Pour bien montrer que la France avait la volonté politique d’assumer un tel effort, le ministère de l’Ecologie a annoncé la veille de ce plan européen, le 22 janvier, que les émissions de gaz à effet de serre en France avaient enregistré "une baisse de 2,5 % entre 2005 et 2006" (13,8 MteqCO2), soit un niveau inférieur de 4 % au plafond fixé par le protocole de Kyoto.

"Les émissions de gaz à effet de serre de la France sont estimées à environ 541 millions de tonnes équivalent CO2 (MteqCO2) pour l’année 2006", précise le ministère de Jean-Louis Borloo. "Ces émissions sont inférieures d’environ 4 % au plafond fixé par le protocole de Kyoto pour la période 2008-2012, soit 564 MteqCO2".

Cette diminution se répartit entre une baisse de 30 % (soit 4 MteqCO2) des émissions liées au chauffage dans le secteur résidentiel et tertiaire, de 27 % (soit 3.6 MteqCO2) des émissions liées à la production d’électricité, de 19 % (soit 2.5 MteqCO2) des émissions liées à la combustion dans l’industrie manufacturière et enfin de 11,5 % (soit 1.5 MteqCO2) des émissions du secteur agricole.

Une autre mesure-clé de ce "paquet" européen vise à attribuer à chaque pays des objectifs contraignants en matière de part des énergies renouvelables dans la consommation. Aujourd’hui, la part d’énergie renouvelable dans la consommation finale d’énergie de l’UE est de 8,5 %, si bien qu’une augmentation moyenne de 11,5 % est nécessaire pour atteindre l’objectif de 20 % en 2020.

La France devra ainsi les faire passer de 10,3 % en 2005 à 23 % en 2020, l’Allemagne de 5,8 % à 18 %, la Suède de 39,8 % à 49 %, la Pologne de 7,2 % à 15 % et le Royaume-Uni de 1,3 % à 15 %. Les États membres pourront y participer en concourant à l’effort européen global dans le domaine des sources d’énergie renouvelables, sans se limiter nécessairement au territoire national. Cette mesure doit permettre de diriger les investissements vers les lieux de production d’énergie renouvelable les plus rentables, permettant ainsi une économie de 1,8 milliard par rapport au coût annoncé de la réalisation de l’objectif, note la Commission.

Pour la France, cet objectif visant à faire passer la part d’ER de 10,3 % en 2005 à 23 % en 2020 représente un défi considérable. En supposant que notre consommation totale d’énergie primaire reste constante à 276,5 Mtep (valeur 2005), la France va donc devoir augmenter de 35 Mtep sa production d’ER d’ici 2020 (2,7 Mtep par an), passant de 28,5 à 63,5 Mtep (hors nucléaire), ce qui représente une augmentation de 122 % de sa production d’ER en 13 ans.

La Commission a confirmé l’objectif visant à ce que les énergies renouvelables représentent 20 % de la consommation énergétique totale de l’UE d’ici 2020. De nombreux Etats membres devront augmenter la part de l’éolien, du solaire et de l’hydroélectrique pour atteindre de nouveaux objectifs contraignants. Malgré les récentes attaques sur le sujet, la Commission veut garder un objectif de 10 % d’agrocarburants pour les transports de l’Union.

M. Barroso a précisé que s’il n’y avait pas d’accord international sur le climat, incluant les Etats-Unis et les pays émergents, pour réduire les émissions de CO2, l’Europe imposerait une taxe "carbone" sur les produits importés extracommunautaires. Concrètement, les industries les plus "énergivores" obtiendraient dans ce cas "gratuitement" leurs permis de polluer et les importateurs de produits concurrents non-européens seraient obligés d’acheter des permis de polluer. Une forme de taxe aux frontières.

Le plan, qui devra être approuvé par les 27 Etats membres et le Parlement européen pour entrer en vigueur, nécessitera "un effort économique considérable et un investissement accru dans les énergies renouvelables", selon la Commission. Jean-Louis Borloo a souligné que "La France fera de l’adoption du paquet « climat-énergie » une des toutes premières priorités de sa présidence de l’Union européenne au second trimestre 2008 et deviendra "en 2020 l’économie la plus sobre en carbone de l’Union européenne".

La Commission propose également de renforcer le marché unique du carbone pour l’ensemble de l’UE, qui couvrira un plus grand nombre de gaz à effet de serre (actuellement, seul le CO2 est pris en compte) et concernera l’ensemble des grandes entreprises polluantes. Les quotas d’émissions mis sur le marché seront réduits d’année en année pour permettre une réduction de 21 % des émissions relevant du SCEQE d’ici à 2020 par rapport aux niveaux de 2005.

Les recettes provenant du système d’échange de quotas d’émission seront versées aux États membres et devraient être utilisées pour aider l’UE à s’orienter vers une économie respectueuse de l’environnement en soutenant l’innovation dans des domaines tels que les sources d’énergie renouvelables, le piégeage et le stockage du carbone et la R&D. Une partie des recettes devrait également être consacrée à aider les pays en développement à s’adapter au changement climatique.

La Commission estime que les recettes du système de mise aux enchères pourraient atteindre 50 milliards d’euros par an en 2020. Dans le nouveau système, la commission prévoit que plus de 40 % des émissions totales seront soumises au SCEQE. La Commission va également mettre en place une limite d’émissions de gaz à effet de serre pour chaque Etat membre pour les secteurs non couverts par le système EU ETS, l’objectif général étant une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 (par rapport au niveau de 1990). L’UE est disposée à se fixer comme objectif 30 % de réduction si d’autres pays développés consentent à faire de même.

Mais revenons à la France et posons nous très concrètement la question de savoir comment nous pouvons réduire de 77 millions de tonnes d’équivalent CO2 nos émissions d’ici 2020. Pour atteindre cet objectif ambitieux, nous allons devoir agir simultanément sur trois fronts. D’abord améliorer de manière considérable l’efficacité énergétique moyenne de nos bâtiments et logements et la faire passer de 250 kW par m2 aujourd’hui à moins de 100 kW2 par m2 en 2020.

Deuxième axe, les transports. Il faut réduire non la demande globale de déplacement mais l’utilisation globale de transports polluants en développant plus rapidement l’arrivée des véhicules hybrides et électriques de nouvelle génération et en développant de nouveaux modes de transports urbains, vélos électriques, navettes modulables intelligentes et …marche à pied. Il faut également développer considérablement le télétravail et les téléactivités pour limiter les déplacements professionnels.

Enfin, troisième axe, il faut décarbonner et décentraliser plus largement notre production énergétique en multipliant au moins par 10 d’ici 10 ans la production éolienne (terrestre et offshore) et par 40 ou 50 notre production solaire (thermique et photovoltaïque). Sachant que 15 m2 de panneaux photovoltaïques permettent en moyenne de produire la moitié de la consommation électrique moyenne d’un ménage (3500 kWh par an) et que 4 m2 de panneaux thermiques peuvent produire le tiers du chauffage et les deux tiers de l’eau chaude domestique d’une maison, on mesure mieux les immenses potentialité inexploitées du solaire dans notre pays. Or un MW solaire ou éolien installé permet d’éviter l’émission de 1400 tonnes de CO2. Mais bien d’autres axes d’action sont possibles. Nous devons par exemple, en étroite coopération avec la Grande-Bretagne, l’Espagne et le Portugal, en pointe dans ce domaine, lancer un grand programme de recherche pour arriver à une exploitation industrielle de l’énergie de la mer et de la houle d’ici 2020.

A présent que l’Europe a posé le cadre législatif qui permet l’essor des énergies renouvelables et la réduction drastique de nos émissions de GES, il appartient à tous les acteurs, particuliers, entreprises, administrations, collectivités de faire preuve de volonté et d’imagination en changeant profondément leurs comportements et modes de fonctionnement et en faisant de la sauvegarde de notre environnement et de notre climat leur objectif majeur.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par René Trégouët

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