Dans les eaux tumultueuses du Raz Blanchard, au large des côtes normandes, un projet pionnier vient de franchir une étape déterminante. Le consortium formé par l’énergéticien Qair et HydroQuest, spécialiste mondial de l’hydrolien marin, a obtenu un financement de 20 millions d’euros du Fonds pour l’innovation de l’Union européenne. L’allocation place le projet FloWatt parmi les 85 projets européens retenus par l’Union Européenne pour leur potentiel à accélérer la transition énergétique en Europe.
La somme allouée qui prouve la maturité technique et financière du parc hydrolien, va permettre à ce projet de convertir la puissance des courants marins en électricité décarbonée. « Chez Qair, nous sommes convaincus que l’innovation et le développement de filières Made In France permettront d’atteindre les objectifs de souveraineté énergétique fixés par l’État. Ce financement européen vient reconnaître l’innovation portée par FloWatt et la qualité du travail accompli par l’ensemble des partenaires. Il permet de consolider le plan de financement du projet, de renforcer sa visibilité économique et de poser les bases d’un modèle réplicable pour les futures fermes commerciales. », déclare Olivier Guiraud, directeur du développement des énergies marines renouvelables chez Qair.
En parallèle, des aides publiques françaises, inscrites dans le plan France 2030, garantissent un cadre stable, complété par un tarif d’achat fixe pour l’électricité produite, assurant ainsi une prévisibilité des revenus. Le Département de la Manche, territoire d’implantation du projet, a également annoncé son intention de participer au capital, renforçant l’ancre locale de l’initiative.
Un chantier en marche vers 2028
Dès 2026, les premiers travaux devraient débuter pour installer six hydroliennes à axe vertical, conçues dans les ateliers des Constructions Mécaniques de Normandie (CMN) à Cherbourg. Ces machines, entièrement immergées à trois kilomètres des côtes, exploiteront les courants de marée du Raz Blanchard, un site réputé pour son intensité.
À terme, la ferme pilote de 17 mégawatts (MW) produira chaque année l’équivalent de la consommation de 20 000 foyers français, sur une durée de vingt ans.
Au-delà de sa dimension écologique, le projet incarne une opportunité industrielle. Les technologies utilisées reposent sur des composants éprouvés, hérités des secteurs naval et éolien, et bénéficient d’un savoir-faire concentré dans le Grand Ouest. À Cherbourg, la fabrication des premiers éléments de FloWatt illustre cette dynamique territoriale, prélude à une montée en puissance. Selon les estimations, le développement d’une filière hydrolienne à grande échelle pourrait générer plus de 6 000 emplois directs et indirects, non délocalisables.
Un potentiel stratégique pour l’Europe
En France, les courants du Raz Blanchard et du passage du Fromveur, parmi les plus forts d’Europe, offrent un gisement technico-économique estimé à plus de 5 gigawatts (GW), soit suffisant pour alimenter huit millions de personnes. L’hydrolien, énergie 100 % prédictible grâce à la régularité des marées, s’intègre comme un pilier complémentaire des énergies intermittentes.
Sa capacité à produire quotidiennement de l’électricité renforce la stabilité du réseau, note HydroQuest. À l’échelle industrielle, le coût de production devrait atteindre 80 euros par mégawattheure (€/MWh), un niveau compétitif dans le mix énergétique national. FloWatt constitue ainsi une première étape vers le déploiement commercial attendu au Raz Blanchard.
« Avec FloWatt, la France dispose d’un projet concret, mature et compétitif pour structurer une filière industrielle de l’hydrolien. Cette subvention européenne confirme la solidité de notre modèle économique et la reconnaissance du potentiel de l’hydrolien pour répondre aux défis énergétiques français et européens. », affirme Guillaume Gréau, directeur du développement chez HydroQuest.

Une souveraineté énergétique renforcée
Pour les promoteurs, l’enjeu dépasse les frontières normandes. Le soutien européen et national à FloWatt illustre une volonté politique de faire émerger des filières industrielles locales. L’innovation Made in France est un levier essentiel pour atteindre la souveraineté énergétique, rappelle Olivier Guiraud.
Dans un contexte marqué par les tensions géopolitiques sur les approvisionnements énergétiques, le Raz Blanchard pourrait devenir un symbole de la transition : celle d’un territoire, d’un savoir-faire et d’une vision durable.
Source : QAIR