Le retour à la terre

Qu’il s’agisse de torchis, de pisé ou d’utilisation de briques séchées au soleil, la construction en terre crue fut et demeure un art de bâtir universel. On estime actuellement que cette technique a été appliquée pour 30 % du logement de la population mondiale.

« Banco » en Afrique de l’Ouest, « toub » en Égypte et en Afrique de l’Est, « leuh » au Maghreb, etc., la terre n’a évidemment pas de frontières. Des plus anciennes civilisations du Nil, du Tigre et de l’Euphrate à notre époque contemporaine, en tous temps, en tous lieux, elle a servi et continue de servir de matériau de base à l’homme pour édifier sa demeure et se protéger des intempéries.

On le sait, la France n’est pas exempte de cet inventaire. Le bâti ancien en terre y représente près de 15 % des habitations rurales, notamment dans les régions suivantes : bassin rennais, Coutançais, Haute-Normandie, Picardie, Alsace, Marne, Orléanais, Dauphiné et couloir rhodanien, Landes, Aquitaine, Toulousain…, soit deux à trois millions de constructions réparties sur un tiers du territoire.

De ce survol rapide, on retiendra deux références incontournables.

Un homme tout d’abord, qui fut l’un des pionniers de la construction moderne en pisé : François Cointeraux (1740-1830). Appuyant ses recherches sur l’expérience d’illustres prédécesseurs (Vitruve, Charles Estienne…), cet architecte-entrepreneur d’origine lyonnaise a largement contribué à l’utilisation du matériau terre dans la construction, à la fois par ses écrits (une soixantaine d’essais) et ses réalisations pratiques : création de quatre écoles d’architecture rurale, construction d’un modèle de voûte en blocs de terre, invention de la « maison incombustible » et de la « crécise » (presse à blocs de terre comprimée).

Seconde illustration : le « Domaine de la Terre » à Villefontaine (Ville Nouvelle de l’Isle-d’Abeau, Isère). Soutenue par divers organismes nationaux (Plan Construction, Direction de l’Architecture et de l’Urbanisme) et régionaux ou départementaux, cette réalisation a été terminée en 1985. Elle comporte 65 logements sociaux individuels répartis sur douze îlots de cinq à dix logements mitoyens de type T3 à T6.

Trois filières techniques de construction ont été retenues pour cette réalisation : le pisé (utilisé en maçonnerie porteuse extérieure), le bloc de terre stabilisée (module plein ou alvéolaire) et la terre-paille (hourdage non porteur d’une ossature en bois).

De nombreux avantages sont liés à l’utilisation du matériau terre :

  • intérêt ethnologique et culturel (sauvegarde de traditions architecturales, réhabilitation et conservation d’un patrimoine bâti, réalisation de constructions modernes en harmonie avec ce patrimoine) ;
  • intérêt écologique (la terre est un matériau naturel recyclable dont l’application est peu polluante et peu consommatrice d’énergie) ;
  • intérêt architectural (nombreuses possibilités d’expressions constructives) ;
  • intérêt décoratif (mariage de la terre crue, du bois, de la terre, de la brique, de la chaux…) ;
    • confort intérieur (pouvoir isolant de la terre) ;
    • intérêt économique et social…

La construction en terre, dans son renouveau, n’est pas réservée à des « écolos » en quête de quiétude au creux de la France profonde. De la même manière que le tout-béton n’est pas coupable de tous les maux, il ne serait pas de bon ton toutefois de prêcher, la fleur à la boutonnière, les verts sans failles du « retour à la terre ».

Pour l’heure, la construction neuve en terre reste marginale, presque confidentielle, dans nos pays industrialisés, alors qu’elle demeure, bon gré mal gré, la technique dominante en de nombreuses autres régions du globe. Par contre, le secteur de la restauration est ouvert sur des perspectives plus optimistes.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Marc Chartier

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