L’eau pour tous : fonds publics et profits privés ?

Les problèmes de distribution et d’assainissement de l’eau sont énormes dans le monde. Plus d’un milliard d’êtres humains n’ont aucun accès à l’eau potable, sans compter les 2,4 milliards qui ne peuvent pas compter sur un système d’assainissement adéquat.

L'eau pour tous : fonds publics et profits privés ? Le gouvernement de la Grande-Bretagne, la Banque mondiale et treize autres donateurs ont choisi de canaliser une partie des fonds publics vers les PPP. C’est ici qu’intervient le PPIAF dont la mission est essentiellement d’offrir des conseils et de faire la promotion du modèle des PPP.

Une de ses plus récentes initiatives a été la participation au financement de la conférence “Meeting India’s Infrastructure Needs with Public-Private Partnerships: the International Experience and Perspective” qui s’est tenue en février 2007.

Plusieurs organisations, dont l’Internationale des services publics et le Mouvement pour le développement mondial (WDM), reprochent au PPIAF de contribuer au paiement des consultants pour promouvoir la privatisation.

Toute la question est d’une énorme complexité. D’une part, les pays riches   ont considérablement diminué leur aide depuis les vingt dernières années. D’autre part, la Banque mondiale et la plupart des institutions internationales ont pris le virage du partenariat des gouvernements avec le privé, pour ne pas dire de la privatisation, de même évidemment que les pays donateurs qui y voient une façon de ne pas devoir augmenter l’aide internationale.

En gros, un PPP est une formule qui fait en sorte que les États n’ont pas à financer des projets publics puisque c’est le privé qui s’en charge. Les contribuables-consommateurs paient sur vingt ou trente ans le coût du projet, plus les profits que doit nécessairement réclamer le promoteur privé.

Le cas de l’Argentine est fort intéressant comme piste de sortie du modèle des PPP. C’est la tristement célèbre Enron qui avait remporté la mise dans la province de Buenos Aires, lors de la privatisation de l’eau en 1993. Après la chute d’Enron, huit ans plus tard, le gouvernement argentin s’est tourné vers le syndicat représentant les employés. Une entreprise publique a été mise sur pied par le syndicat et il semble qu’elle fonctionne plutôt bien depuis lors (Philipp Terhorst, Olivier Hoedeman and Oscar Reyes. Public Water for All – Symposium on Improving Public Water. 15 mars 2006. Page 8).

Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, et on pourrait tout aussi bien trouver des exemples de PPP qui fonctionnent. Mais, excusez-moi d’insister, le privé n’embarque pas dans un PPP par pur altruisme.

La question, au fond, est de décider si la distribution de l’eau est une réponse du marché à un besoin, ou si elle découle d’un droit humain. Lors du deuxième Forum alternatif sur l’eau (FAME) en 2005, le tout premier principe adopté fut sans équivoque : " l’accès à l’eau en quantité et en qualité suffisante à la vie doit être reconnu comme un droit constitutionnel humain et social, universel, indivisible et imprescriptible " (Un espace pour débattre de l’eau autrement).

La plupart des pays donateurs ne le voient pas ainsi. Mais la situation, si elle demeure catastrophique, n’est pas tout à fait désespérée quand on lit ces lignes extraites de la synthèse du 4e Forum mondial de l’eau (qui n’a rien d’alternatif celui-là) :

 

Water is complex, as it is at the same time an essential resource, a common good, an economic factor and a basic human right, as well as performing other functions that make it critical to each citizen in different and sometimes contradictory ways.

Synthesis of the 4th World Water Forum. Mexico City, 2006. Page 108. (Le caractère gras est de nous.)

Le problème, c’est que la déclaration ministérielle qui a conclu ce 4e sommet était un ramassis de voeux pieux.

L’eau de bénitier de l’ONU ne sent décidément pas bon.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Michel Monette

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