Les biosurfactants : une réponse prometteuse aux marées noires

Les biosurfactants : une réponse prometteuse aux marées noires

Chaque année, les océans de notre planète reçoivent environ 1500 millions de litres de pétrole, une pollution qui a des conséquences dévastatrices sur l’environnement. Le pétrole contient des composés dangereux, tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques, toxiques et mutagènes pour les organismes.

Les marées noires, en particulier celles qui libèrent rapidement de grandes quantités de pétrole, sont particulièrement destructrices. Cependant, des solutions existent pour faire face à ce problème, et de nouvelles recherches montrent des pistes prometteuses, notamment l’utilisation de biosurfactants.

Les biosurfactants peuvent-ils augmenter la dégradation microbiologique du pétrole dans l’eau de mer de la mer du Nord ? Une équipe internationale de chercheurs* s’est penchée sur cette question et les résultats ont révélé le potentiel d’une réponse plus efficace et plus respectueuse de l’environnement en cas de déversement d’hydrocarbures.

Dans le cas de marées noires, des quantités importantes de dispersants chimiques sont généralement déversées pour dissoudre les nappes de pétrole, empêcher le pétrole d’atteindre les côtes et favoriser sa dispersion dans l’eau. L’idée est d’encourager la dégradation microbienne du pétrole, grâce à des micro-organismes capables de décomposer les composants du pétrole brut en substances inoffensives.

Cependant, des études ont montré que les dispersants chimiques peuvent en fait ralentir la dégradation microbienne du pétrole.

Dans une étude américaine publiée en 2015, nous avons démontré que les dispersants chimiques dans les eaux profondes du Golfe du Mexique peuvent ralentir la dégradation microbienne du pétrole“, commente la Professeure Sara Kleindienst, de l’Université de Stuttgart. “Depuis lors, le sujet est au cœur de discussions controversées et il n’y a toujours pas de réponse simple à la question de savoir comment combattre plus efficacement les marées noires.”

Échantillonnage sur le navire pour étudier l’eau de mer de la mer du Nord. L’eau de mer est remplie dans de grands bidons, refroidie et ramenée au laboratoire où sont menées les expériences en microcosme. Photo : Saskia Rughöft

Le potentiel des biosurfactants

Face à ce problème, les biosurfactants pourraient offrir une alternative prometteuse aux dispersants chimiques. Ces substances, produites par les microorganismes, peuvent augmenter la biodisponibilité des composants du pétrole, ce qui pourrait ainsi renforcer la dégradation microbienne du pétrole, un élément clé pour la dépollution.

Une équipe de recherche internationale dirigée par la Professeure Sara Kleindienst, en collaboration avec le Professeur Andreas Kappler (Université de Tübingen) et la Professeure Samantha Joye (Université de Géorgie), a comparé les effets des biosurfactants et des dispersants chimiques.

Les chercheurs ont simulé des conditions de marée noire en laboratoire et ont constaté que les taux les plus élevés d’oxydation des hydrocarbures par les micro-organismes et de synthèse des protéines se produisaient dans les microcosmes d’huile traités avec le biosurfactant rhamnolipide.

Neige de pétrole microbienne, petites structures brunes ressemblant à des flocons, dans des microcosmes d’eau de la mer du Nord. La neige de pétrole microbienne est un phénomène dans lequel les bactéries microbiennes dégradant le pétrole forment des agrégats solides dans l’eau. Ces agrégats ressemblent à des flocons ou à des boules de neige, d’où le nom de neige de pétrole. Photo : Lu Lu

Impact sur les communautés microbiennes

Les chercheurs ont également noté que l’impact sur la composition des communautés microbiennes différait sensiblement entre les approches utilisant les biosurfactants et les dispersants chimiques. “Ce résultat suggère que l’utilisation de biosurfactants peut stimuler différents dégradeurs microbiens du pétrole, tant en termes de croissance que d’activité, ce qui peut à son tour affecter le processus de nettoyage après une marée noire“, indique le Professeur Lu Lu, de la China West Normal University.

Nos résultats suggèrent que les biosurfactants ont un grand potentiel d’utilisation dans le cadre de futures marées noires dans la mer du Nord ou dans des habitats océaniques similaires riches en nutriments“, ajoute la Professeure Sara Kleindienst. “Une continuation visionnaire de notre travail serait le développement de produits basés sur des biosurfactants, qui offriraient des approches à la fois efficaces et respectueuses de l’environnement pour lutter contre les marées noires.

En synthèse

Alors que les marées noires constituent une menace majeure pour nos océans, de nouvelles perspectives s’ouvrent avec l’étude des biosurfactants. Cette alternative aux dispersants chimiques présente un potentiel prometteur pour accélérer la dégradation du pétrole par des micro-organismes, aidant ainsi à limiter les dégâts environnementaux causés par ces désastres. L’exploration et le développement de solutions basées sur les biosurfactants pourraient marquer un tournant décisif dans notre manière de gérer les marées noires à l’avenir.

Pour une meilleure compréhension

1. Qu’est-ce qu’une marée noire ?

Une marée noire se produit lorsqu’il y a une libération importante de pétrole dans un environnement aquatique, généralement dans un océan. Cela peut résulter d’accidents impliquant des pétroliers ou des plates-formes pétrolières, comme ce fut le cas lors de l’incident de Deepwater Horizon en 2010. Les marées noires peuvent causer des dommages environnementaux majeurs, affectant la faune et la flore marine ainsi que les côtes.

2. Comment lutte-t-on actuellement contre les marées noires ?

Actuellement, la réponse typique à une marée noire implique l’utilisation de dispersants chimiques. Ces substances sont déversées sur la nappe de pétrole afin de la dissoudre et de favoriser sa dispersion dans l’eau, dans l’espoir qu’elle sera ensuite dégradée par des micro-organismes marins.

3. Quels sont les effets des dispersants chimiques ?

Alors que l’intention est de favoriser la dégradation du pétrole, certaines recherches ont montré que les dispersants chimiques peuvent en réalité ralentir ce processus. De plus, les dispersants eux-mêmes peuvent avoir des effets nocifs sur l’environnement.

4. Qu’est-ce qu’un biosurfactant ?

Un biosurfactant est une substance produite par des micro-organismes qui diminue la tension de surface entre deux liquides ou un liquide et un solide. Dans le contexte des marées noires, ils peuvent augmenter la biodisponibilité des composants du pétrole, facilitant ainsi leur dégradation par les micro-organismes marins.

5. Comment les biosurfactants pourraient-ils aider à lutter contre les marées noires ?

Les biosurfactants pourraient offrir une alternative plus écologique aux dispersants chimiques. Ils peuvent aider à disperser le pétrole, mais contrairement aux dispersants chimiques, ils semblent favoriser plutôt que ralentir la dégradation microbienne du pétrole. De plus, en tant que produits naturels, ils sont susceptibles d’être moins nocifs pour l’environnement que leurs homologues chimiques.

6. Quels sont les résultats de la recherche sur les biosurfactants dans le cadre des marées noires ?

Des travaux récents ont montré que l’utilisation de biosurfactants pourrait conduire à une augmentation de l’oxydation des hydrocarbures par les micro-organismes, un processus clé dans la dégradation du pétrole. De plus, l’utilisation de biosurfactants semble stimuler différents dégradeurs microbiens du pétrole, ce qui pourrait affecter de manière positive le processus de nettoyage après une marée noire. Cependant, davantage de recherches sont nécessaires pour mieux comprendre le potentiel des biosurfactants dans ce contexte.

Publication originale :

Lu Lu, Saskia Rughöft, Daniel Straub, Samantha B. Joye, Andreas Kappler, Sara Kleindienst (2023) : Rhamnolipid biosurfactants enhance microbial oil biodegradation in surface seawater from the North Sea. In : ACS Environmental Science & Technology Water, 19 juillet 2023.

* Une équipe des universités de Stuttgart et de Tübingen, ainsi que de la China West Normal University et de l’université de Géorgie

Légende illustration principale : Littoral de Helgoland dans le German Bight, mer du Nord : Helgoland se caractérise par une riche biodiversité marine qui est vulnérable à la pollution telle que les marées noires. Photo : Saskia Rughöft

[ Rédaction ]

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