Les déchets nucléaires au coeur de la campagne US

L’EPA (Agence pour la Protection de l’Environnement aux Etats-Unis) a publié, le 30 septembre dernier, les doses-seuils d’exposition aux radiations qui devront être respectées pour le site de stockage des déchets nucléaires de Yucca Mountain.

Ce site prévoit le stockage en profondeur de 70.000 tonnes de déchets hautement radioactifs (issus des centrales nucléaires et des industries de l’armement) actuellement stockés sur 121 sites dispersés sur 39 états. Si ce projet a longtemps été retardé en raison de l’objection des habitants et des représentants politiques du Nevada, la définition de seuil tenant compte des répercussions sur l’environnement en termes de santé publique, permet de relancer le dossier de Yucca Mountain.

La validation de ces seuils représente une condition nécessaire à l’acceptation de la demande d’autorisation pour la construction du site de Yucca Mountain. Cette demande d’autorisation a été déposée par le DoE (Department of Energy) en juin 2008 auprès de la Nuclear Regulatory Commission et est actuellement en cours d’étude.

Les seuils d’exposition définis par l’EPA correspondent à une dose annuelle ne devant pas dépasser 15 millirem lors des 10.000 premières années du stockage et dans un rayon de 16 km autour de Yucca Mountain. Au-delà et jusqu’à un million d’années après l’enfouissement des déchets, les seuils de radiation mesurés aux alentours du site ne devront pas dépasser 100 millirem. Dans l’ensemble, ces seuils sont faibles, la dose d’exposition moyenne reçue par un américain étant de 360 millirem par an (radiation solaire..).

Si ces seuils ont déjà fait l’objet d’un premier arrêté fédéral en 2001, ils avaient été rejetés par la Cour d’appel en 2004. Les seuils de 2001 se basaient sur une période de retour de 10.000 ans, durée jugée insuffisante par rapport aux périodes de décroissance des déchets radioactifs. Par ailleurs, des études menées en 2004 ont mis en évidence que des pics d’irradiation étaient envisageables jusqu’à 300.000 ans après l’enfouissement des déchets.

Au-delà des aspects environnementaux, la parution des seuils de l’EPA relance le débat sur le stockage souterrain des déchets nucléaires. La capacité actuelle de Yucca Mountain suffirait tout juste à stocker l’ensemble des déchets déjà produits. A la date d’ouverture du site, prévue pour 2020, la capacité nécessaire au stockage de l’ensemble des déchets aura doublé. Si à l’origine, trois sites potentiels de stockages avait été retenus, la création d’un second site de stockage n’est actuellement pas envisageable. L’idée de doubler la capacité de stockage de Yucca Mountain a cependant été exprimée et est actuellement en cours d’étude.

Afin de pallier à ce problème de stockage des déchets nucléaires et de permettre la création d’un site d’enfouissement d’une capacité de stockage suffisante, la Nuclear Regulatory Commission a émis l’idée jeudi dernier de repousser la date d’ouverture de Yucca Mountain. Ce communiqué consisterait en une modification de l’amendement de 1990 de la loi de 1982 (Nuclear waste policy act). Selon l’amendement de 1990, il n’est actuellement pas possible d’augmenter le nombre de centrales nucléaires présentes sur le territoire américain tant que le problème du stockage des déchets n’est pas résolu. Cet amendement est problématique, étant donné la demande croissante en énergie aux Etats-Unis et l’absence d’un centre d’enfouissement des déchets nucléaires.

La modification de l’amendement de 1990 propose de résoudre le problème du stockage des déchets nucléaires en légalisant le stockage temporaire sur les sites de production, au même emplacement que les centrales nucléaires, pour une durée comprise entre 50 et 60 ans après l’expiration de la durée d’exploitation de la centrale. Une fois la durée légale de stockage expirée, les déchets radioactifs seront redirigés vers Yucca Mountain. Cette solution permettrait ainsi de résoudre le problème de la gestion des déchets tout en permettant la construction de nouveaux sites nucléaires.

L’avenir de Yucca Mountain est cependant incertain à en juger d’après les programmes des deux candidats à la présidence. Si John McCain soutient le projet de Yucca Mountain comme site de stockage pour les déchets radioactifs, Barack Obama est fermement opposé à ce projet. En conséquence, pour le candidat démocrate, tant que le problème des déchets nucléaires n’est pas solutionné, il représente une barrière au développement de l’énergie nucléaire.

Ce désaccord entre les candidats découlent de choix différents en matière de politique énergétique. Si John McCain se dit favorable aux énergies renouvelables, celles-ci restent néanmoins du ressort de chaque état et ne doivent pas faire l’objet de subventions par le gouvernement. John McCain compte ainsi baser sa politique énergétique sur un développement de l’énergie nucléaire avec la construction de 45 nouvelles centrales nucléaires.

A contrario, Barack Obama souhaite développer une politique énergétique basée sur tout un panel d’énergies renouvelables, dont le développement sera subventionné par le gouvernement.

[BE Etats-Unis numéro 138 (17/10/2008) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/56359.htm]

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