Des voitures électriques aux centres de données d’intelligence artificielle (IA), les technologies que les gens utilisent quotidiennement nécessitent un besoin croissant en électricité. En théorie, la fusion nucléaire, un processus qui fusionne des atomes entre eux et libère de la chaleur pour faire tourner des générateurs, pourrait fournir d’énormes quantités d’énergie avec un minimum d’émissions. Mais la fusion nucléaire est une perspective coûteuse, car l’un de ses principaux combustibles est une forme rare d’hydrogène appelée tritium. Aujourd’hui, les chercheurs développent de nouveaux systèmes permettant d’utiliser les déchets nucléaires pour produire du tritium.
Les centrales nucléaires actuelles produisent de l’énergie grâce à un processus appelé fission nucléaire. Lors de la fission nucléaire, un atome de plutonium ou d’uranium se divise pour libérer de l’énergie et des particules appelées neutrons, qui continuent à diviser d’autres atomes. Cette réaction en chaîne de fission fournit un flux d’énergie constant, mais produit également des déchets nucléaires à longue durée de vie. Les centrales à fusion nucléaire proposées produiraient de l’énergie en combinant des noyaux atomiques. Grâce à la fusion, des formes d’hydrogène, appelées deutérium et tritium, se combineraient pour créer des atomes plus lourds. Ce processus, qui alimente les étoiles dans l’univers, libère une grande quantité d’énergie et, contrairement à la fission, produit très peu de déchets radioactifs.
Si le deutérium est facilement disponible, les États-Unis ne disposent actuellement pas d’un approvisionnement sûr et prévisible en tritium. « À l’heure actuelle, la valeur du tritium commercial est d’environ 15 millions de dollars par livre [33 millions de dollars par kilogramme], et les États-Unis n’ont aucune capacité nationale pour le produire », précise M. Tarnowsky. « Nous sommes donc confrontés à une pénurie d’approvisionnement en tritium. »
Le tritium est présent à l’état naturel dans la haute atmosphère. La principale source commerciale actuelle est constituée par les réacteurs à fission au Canada. « Le stock total de tritium sur la planète est d’environ 55 plus ou moins 31 livres [25 plus ou moins 14 kilogrammes] », déclare M. Tarnowsky. « En se basant sur certaines hypothèses, 55 livres [25 kilogrammes] de tritium suffisent pour alimenter plus de 500 000 foyers pendant six mois. C’est plus que le nombre d’unités résidentielles à Washington, D.C. »
Contrairement à ses réserves de tritium, les États-Unis possèdent des milliers de tonnes de déchets nucléaires produits par les centrales nucléaires commerciales. Ceux-ci contiennent des matières hautement radioactives qui nécessitent un stockage coûteux pour être confinées en toute sécurité. Le stockage à long terme soulève des inquiétudes quant aux fuites de rayonnements dans l’environnement, qui pourraient nuire aux plantes et à la faune ou provoquer des cancers chez les humains.
M. Tarnowsky a donc vu là une occasion d’évaluer la faisabilité d’utiliser des déchets nucléaires encore radioactifs pour produire du tritium, une matière précieuse. Il a réalisé plusieurs simulations informatiques de réacteurs à tritium potentiels afin d’évaluer la production et l’efficacité énergétique des différents modèles.
Les modèles de réacteurs simulés utilisent un accélérateur de particules pour déclencher des réactions de fission atomique dans les déchets nucléaires. Lorsque les atomes se divisent dans la simulation, ils libèrent des neutrons et finissent par produire du tritium après une série d’autres transitions nucléaires. L’accélérateur permettrait aux opérateurs d’activer ou de désactiver ces réactions et est considéré comme plus sûr que les réactions en chaîne qui se produisent dans une centrale nucléaire classique. Bien que les principes de base de la conception ne soient pas nouveaux, les progrès technologiques pourraient la rendre plus efficace qu’elle ne l’était lorsqu’elle a été envisagée pour la première fois dans les années 1990 et au début des années 2000, explique M. Tarnowsky.
À ce jour, il estime que ce système théorique fonctionnant avec 1 gigawatt d’énergie, soit la consommation énergétique annuelle totale de 800 000 foyers américains, pourrait produire environ 2 kg de tritium par an. Cette quantité est équivalente à la production annuelle totale de tous les réacteurs du Canada. L’un des principaux avantages du système de M. Tarnowsky serait l’efficacité de la production de tritium. Il prévoit que cette conception produirait plus de 10 fois plus de tritium qu’un réacteur à fusion de même puissance thermique.
Ensuite, M. Tarnowsky calculera le coût en dollars de la production de tritium dès qu’il disposera de calculs plus sophistiqués sur l’efficacité du réacteur. Il affinera ses simulations afin d’évaluer plus précisément l’efficacité et la sécurité de la conception du réacteur, dont la plupart des éléments ont déjà été conçus, mais n’ont pas encore été combinés de cette manière. Par exemple, il prévoit de développer un nouveau code pour un modèle qui entoure les déchets nucléaires de sel de lithium fondu, une conception établie pour les réacteurs à combustible uranium qui n’a été utilisée que pour des expériences scientifiques. Les propriétés de refroidissement du sel offrent une mesure de sécurité potentielle, et cette configuration rendrait difficile l’extraction des déchets à des fins de développement d’armes. L’objectif ultime est que la modélisation aide les décideurs à comprendre quelle simulation présente le plus grand potentiel pour une mise en œuvre future.
Tout cela peut sembler complexe, mais pour M. Tarnowsky, cela fait partie d’un plan visant à utiliser les technologies existantes pour réduire les coûts. « Les transitions énergétiques sont coûteuses, et chaque fois que nous pouvons les faciliter, nous devons essayer », conclut-il.
Source : ACS