Les enjeux de la filière méthanisation en Île-de-France

Dans le cadre de sa stratégie énergie-climat, le conseil régional a fixé un objectif de production de 5 TWh/an de biométhane à l’horizon 2030, soit 14 % des énergies renouvelables à produire en île-de-france. cette ambition nécessite environ 240 installations d’unités de méthanisation et la mobilisation d’un quart des ressources physiques disponibles en île-de-france. Un objectif qui appelle l’adhésion de l’ensemble des acteurs publics et privés

Assez peu connue du grand public, la méthanisation n’en reste pas moins un vecteur d’énergie renouvelable en plein essor. Son développement participe à l’indépendance énergétique des territoires, à une meilleure utilisation des ressources par un recyclage vertueux des déchets et au développement économique, notamment par la création d’emplois. En Île-de-France, cette énergie alternative et durable est promise à une croissance rapide, tant par une volonté politique affi rmée que par la présence de gisements de biomasses riches et nombreux.

La méthanisation, un processus de production d’énergie renouvelable

La méthanisation est un processus de digestion de la matière organique en l’absence d’oxygène (anaérobie) sous l’action combinée de plusieurs types de micro-organismes. Cette réaction a lieu dans un digesteur fermé et confiné sans contact avec l’air extérieur et sans odeur issue du procédé lui-même. À la fin de la digestion, on obtient du biogaz qui contient 50 à 70 % de méthane (CH4). En plus du méthane, le biogaz contient entre 30 et 45 % de dioxyde de carbone (CO2) et des traces d’autres gaz comme l’ammoniac ou le sulfure d’hydrogène. Ces gaz sont naturellement issus de la fermentation de la matière organique, par exemple lors du stockage du lisier ou du fumier.

Différentes matières peuvent être méthanisées : résidus agricoles et tontes des municipalités, déchets d’industries, boues d’épuration d’eaux urbaines, déchets de restauration et de supermarchés, fumier, lisier et sous-produits animaux, ou encore les biodéchets ménagers. La méthanisation permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre en captant et valorisant les émissions de méthane propagées naturellement par la dégradation de la matière organique. Elle est donc une énergie renouvelable créée à partir de sous-produits locaux composés de différentes matières qui peuvent être mélangées en codigestion si elles sont compatibles.

Le biogaz produit pourra ainsi :

– alimenter un moteur de cogénération pour produire de l’électricité et de la chaleur ;
– être épuré pour produire du biométhane, avec la même qualité que le gaz naturel, et être injecté dans le réseau de gaz naturel ou utilisé comme bio-méthane carburant pour les véhicules qui roulent au gaz naturel véhicule (GNV),
– alimenter une chaudière pour des usages spécifiques.

Il existe plusieurs types de méthanisation :

La méthanisation des biodéchets des ménages (une unité en Île-de-France).

Ces projets sont portés par les collectivités ou leurs groupements et sont principalement dédiés aux biodéchets ménagers et assimilés (fraction fermentescible des ordures ménagères et déchets verts non ligneux) issus d’une collecte sélective à la source ou d’un système de tri.La méthanisation des biodéchets peut aussi être envisagée à une échelle dite « territoriale » dont l’objectif est de méthaniser l’ensemble des biodéchets présents sur le territoire (une unité en Île-de-France). Ces projets sont développés par des entreprises et des acteurs locaux (collectivités, agriculteurs, entreprises productrices ou de collecte de déchets) et se situent dans une logique de production d’énergie.

La méthanisation de biodéchets et d’effluents des activités économiques (deux unités en Île-de-France).

Les porteurs sont des entreprises privées ou des établissements publics locaux (ex : SEM, SPL). Les produits traités peuvent être issus de leurs process, de productions internes, ou encore de collectes sélectives avec ou sans déconditionnement.La méthanisation à la ferme avec ou sans co-substrats exogènes à l’agriculture (onze unités en Île-de-France). Ces projets sont portés par un ou plusieurs agriculteurs et sont localisés sur des gisements produits par les exploitations agricoles dans lesquels peuvent être ajoutés des co-substrats exogènes en proportion limitée.La méthanisation des boues urbaines sur stations de traitement des eaux urbaines (neuf unités en Île-de-France). Lorsque l’unité de méthanisation fait partie intégrante d’une station d’épuration urbaine, sa fonction première est la réduction des boues par l’abattement de la matière organique. Cela facilite la gestion des boues et permet également la production d’énergie réutilisable dans le process de la station d’épuration.

Le digestat, c’est-à-dire la matière résiduelle du processus de méthanisation, a une excellente qualité agronomique et intéresse fortement les agriculteurs. Il évite l’usage d’engrais azotés chimiques et apporte une valeur amendante.

Une démarche d’économie circulaire, vertueuse pour les territoires

La méthanisation présente à la fois des avantages environnementaux et économiques tout en apportant une réponse aux obligations réglementaires, et notamment l’obligation de tri depuis le 1er janvier 2016 pour les grands producteurs de biodéchets (produisant plus de dix tonnes par an). Cette règlementation sera étendue à l’ensemble des producteurs sans restriction de volume en 2025. Son développement est donc un enjeu fort pour atteindre les objectifs de production d’énergies renouvelables fixés au niveau régional et national.En Île-de-France, les objectifs fixés dans la stratégie énergie-climat témoignent de la volonté politique de développer cette filière pour favoriser l’autonomie énergétique de la région. Le maillage important des réseaux gaz en Île-de-France renforce les possibilités de développement de cette énergie dont le biogaz produit est facilement stockable, avec une production flexible, stable et valorisable sous différente forme.

Au-delà des aspects environnementaux, le développement de la filière méthanisation permet de dynamiser le tissu économique local, de créer et maintenir un gisement d’emplois non délocalisables : dès les phases amont avec la collecte ou la préparation des sous-produits, lors des phases de construction et d’exploitation des unités, ainsi que lors des étapes de valorisation du biogaz. Gérées et financées localement, les unités de méthanisation permettent de garder et de redistribuer sur le territoire une partie des richesses créées par l’exploitation de ressources locales.

Pour les activités agricoles, la méthanisation doit être envisagée comme un moyen de diversifier les revenus des exploitants tout en offrant un exutoire à de nombreux sous-produits ou cultures intermédiaires. Plus largement, la méthanisation favorise l’autonomie énergétique des exploitations et permet de réduire les achats d’engrais minéraux. Du point de vue agronomique, l’utilisation du digestat produit par le process de méthanisation permet un pilotage plus précis et plus efficace de la fertilisation des sols avec le maintien de la qualité de l’amendement organique et une meilleure assimilation par les plantes.

La méthanisation génère un produit désodorisé avec la dégradation de la matière la plus fermentescible et permet l’élimination de certains germes pathogènes grâce aux températures atteintes lors de la digestion des substrats et au temps de séjour dans le digesteur. Les produits de la méthanisation (énergie et digestat) s’intègrent ainsi pleinement dans la conduite des exploitations agricoles ce qui a favorisé le développement de la filière depuis plusieurs années

Le potentiel de l’île-de-france

Le gisement physique global régional s’élève à un peu moins de 11 millions de tonnes de biomasse brute1, ce qui équivaut à la production de près de 9 000 GWh/an d’énergie primaire2. Il est composé majoritairement de ressources agricoles et de boues urbaines (4 000 kt/an chacune). Suivent les biodéchets des ménages dont le volume est compris entre 900 et 1 000 kt/an dans les Ordures ménagères résiduelles, celui des biodéchets issus de la restauration est quant à lui estimé à 225 000 tonnes, dont 60 % sont issus de la restauration commerciale et 40 % de la restauration collective. L’industrie agroalimentaire francilienne représente par ailleurs un gisement de « produits méthanisables » d’environ 200 000 tonnes par an3. Au premier trimestre 2018, l’Île-de-France comptait 23 unités en fonctionnement.

EXEMPLES D’UNITÉ DE MÉTHANISATION EN ÎLE-DE-FRANCE

Des projets emblématiques témoignent de la montée en puissance de la méthanisation en Île-de-France.

    Ferme de la Tremblaye Boissière-École (78)

Rien ne se perd, tout se transforme. À La Boissière-École, la ferme de la Tremblaye incarne chaque jour le principe de Lavoisier : 150 hectares de terre y sont cultivés pour nourrir des caprins et des bovins, qui alimentent la fromagerie. Le lactosérum produit dans la fromagerie et les fumiers sont valorisés dans l’unité de méthanisation, opérationnelle depuis décembre 2012. Le biogaz extrait par fermentation alimente une unité de cogénération qui produit chaleur et électricité. L’électricité injectée sur le réseau et vendue à EDF équivaut à la consommation de 600 foyers, la chaleur produite est utilisée pour chauffer les bâtiments de la fromagerie ou le séchoir à luzerne, utilisé pour nourrir le bétail. Le digestat est ensuite utilisé pour fertiliser les sols.

– Investissement total : 3 330 000 €
– Subvention de la Région Île-de-France : 150 000 €
– Subvention de l’Ademe Île-de-France : 711 000 €

    SAS biogaz Meaux Chauconin-Neufmontiers (77)

La société SAS biogaz Meaux a été développée par deux agriculteurs voisins. Leur collaboration s’est concrétisée par la construction d’une unité de méthanisation en 2015 sur leur commune de Chauconin-Neufmontiers.L’unité est alimentée par des intrants 100 % agricoles (6 500 tonnes de résidus agricoles et 4 500 tonnes de cultures intermédiaires à vocation énergétique). La production fi nale de biométhane (10 000 MWh/an) est directement injectée dans le réseau de distribution de gaz naturel de Meaux pour être consommé sur le territoire dans une logique d’économie circulaire. En outre, ce système permet une meilleure gestion des fertilisants sur les deux fermes par l’épandage du digestat.

– Investissement total : 3 610 000 €
– Subvention de la Région Île-de-France : 844 000 €

    Thoiry Bioénergie

L’unité de méthanisation de la SAS Thoiry Bioénergie valorise les déchets organiques du zoo de Thoiry. Elle se situe sur une surface d’un hectare à la lisière du zoo. Chaque année, ce sont 10 950 tonnes de déchets du zoo, et plus largement du territoire, qui sont valorisées (déchets verts, fumiers, fruits et légumes avariés, déchets agricoles). Elle est la première unité territoriale en Île-de-France. Thoiry Bioénergie a opté pour l’injection du biométhane dans le réseau de distribution GRDF ce qui permet d’alimenter le zoo, le château de Thoiry et plusieurs villages alentour en gaz renouvelable (7 500 MWh/an). L’unité constitue également un outil pédagogique pour sensibiliser les visiteurs du zoo au développement des énergies renouvelables, à la gestion vertueuse des déchets organiques et aux démarches environnementales de conservation du zoo.

– Investissement total : 5 150 000 €
– Subvention de la Région Île-de-France : 1 150 000 €
– Subvention de l’Ademe Île-de-France : 905 000 €

1. Une partie de ces volumes est déjà valorisée dans des filières spécifiques.
2. Développement de la méthanisation en Île-de-France, conseil régional Île-de-France, juin 2013.
3. Tableau de bord des déchets franciliens 2016, ORDIF.

DRIEA/Gobry

Auteurs : Lionel Guy, chargé de projet efficacité énergétique et énergies renouvelables département Énergie et climat ARENE (Christelle Insergueix, directrice)

RP
Lien principal : www.iau-idf.f

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