Passer quelques semaines au fil de l’eau sur un navire grand luxe, voilà une perspective qui séduit un public toujours grandissant, notamment dans les pays asiatiques. Mais un bateau de croisière ne se contente pas d’aller de port en port : véritable hôtel flottant abritant plusieurs centaines de passagers, il nécessite des dépenses énergétiques importantes pour le chauffage, l’électricité, l’air conditionné et les multiples demandes de la vie à bord. Francesco Baldi, chercheur au sein de l’Industrial Process and Energy Systems Engineering Group (IPESE) de l’EPFL, a développé des solutions pour rendre les bateaux de croisière plus écologiques.
Réduire l’empreinte carbone
«Il est plus facile de limiter les dépenses énergétiques d’un navire marchand, car presque toute l’énergie sert à la propulsion, contrairement aux multiples demandes du bateau de croisière, explique le chercheur. Mon travail s’est focalisé sur la réduction des émissions de C02, dans un premier temps en optimisant au maximum chaque système du bateau, voire le design du bateau lui-même pour une meilleure efficacité.» Résultat de cette première approche, une réduction potentielle de 6 à 10% des émissions de C02 sur un navire équipé de moteurs diesel.
Des résultats prometteurs, mais que le chercheur n’estime pas suffisants : il s’est alors tourné vers l’utilisation d’autres systèmes que les moteurs diesel. Dans un travail réalisé en collaboration avec l’Université de Aalto, en Finlande, Francesco Baldi a évalué l’apport des piles à combustible sur un navire, avec les défis particuliers que représente un bateau réalisant des trajets de plusieurs milliers de kilomètres. «Le défi est de stocker suffisamment d’énergie à bord sans occuper trop de place. Les piles à combustible qui utilisent de l’hydrogène ne sont pas adaptées, car un stock suffisant pour couvrir de longues distances prendrait une place énorme à bord, environ 1/3 du navire, ce qui n’est pas réaliste pour un bateau de croisière », note le chercheur de l’EPFL.
Stocker l’énergie excédentaire
Bien qu’elles nécessitent d’opérer à de hautes températures, et aient un temps d’allumages pouvant atteindre 20 heures, un second type de piles à combustible, les piles à combustible à oxydes solides (ou SOFC) sont particulièrement appropriées pour les bateaux. Il suffit de trouver un usage à l’énergie excédentaire produite par leur fonctionnement permanent, indispensable pour éviter les long temps d’allumage. C’est là qu’intervient Francesco Baldi : il a proposé d’adapter aux navires une solution développée au sein de l’EPFL pour transformer cette énergie inutilisée en hydrogène, qui sera ensuite stockée. La pile à combustible imaginée pour les navires pourrait donc produire soit de l’électricité pour la consommation à bord, soit de l’hydrogène stocké pour un usage ultérieur. Un concept particulièrement adapté aux bateaux de croisière, d’après le chercheur de l’EPFL.
L’un des avantages des piles à combustible est qu’elles ne brûlent pas de carburant pour obtenir le produit final (dioxyde de carbone et eau), mais produisent de l’électricité au moyen d’une réaction chimique. Elles sont donc beaucoup plus écologiques que l’utilisation de carburants fossiles, et également plus efficaces : les piles à combustible développées à l’EPFL atteignent un taux d’efficacité de 75%, contre moins de 50% pour le moteur diesel le plus efficace.
Seul bémol à ce stade : le coût de production de ces piles, actuellement dix fois supérieur au coût d’un moteur normal. « Mais ce coût baissera si la demande augmente ; de plus, le coût à long terme n’est que de 20-30% supérieur à un moteur standard, et ce type de carburant moins polluant serait positif pour l’image des compagnies maritimes. » Le chercheur imagine également que, à défaut de règlementation, l’Europe, où se construisent la majorité des bateaux de croisière, pourrait inciter les entreprises à s’équiper avec de telles piles à combustible en prenant une partie des coûts en charge. « C’est la solution qui a été choisie pour les panneaux solaires, et qui pourrait permettre à l’avenir de disposer de bateaux de croisières beaucoup moins polluants », conclut le chercheur.
Auteur: Sarah Aubort
Financement Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne, via l'accord de subvention Marie Skłodowska-Curie No 708288.
Références A cogeneration system based on solid oxide and proton exchange membrane fuel cells with hybrid storage for off-grid applications. Francesco Baldi, Ligang Wang, Mar Pérez-Fortes and Francois Marechal.
[ Illustration – Crédit / Pixy ]