Les matériaux autoréparateurs vont révolutionner notre vie quotidienne

A température ambiante, le matériau se comporte comme un caoutchouc. A température plus élevée (130-150°C) il est capable de s’écouler et il peut être mis ou remis en forme. Les chercheurs ont utilisé des mélanges d’acides gras disponibles en large quantité et variétés, ce qui rend le produit économique. Les produits sont d’origine végétale (pin, tournesol, maïs, colza) essentiellement non toxiques et renouvelables, ce qui les rangent dans la catégorie des matériaux de la chimie verte.

Les chercheurs ont aussi constaté que ce design à partir de petites molécules conférait au matériau la possibilité de se réparer spontanément. Ces caoutchoucs supramoléculaires ne sont pas adhésifs, mais après coupure, les surfaces se recollent si on les remet en contact, sans qu’il soit nécessaire de chauffer ou d’appliquer une forte pression. Une fois réparé, l’échantillon est de nouveau capable de tolérer des déformations considérables (de 100 à 400 %) avant de se rompre de nouveau. Fait remarquable, ce processus peut être répété plusieurs fois, la réparation peut s’effectuer plusieurs heures après l’endommagement.

Le groupe chimique Arkema (ex-pôle chimie de Total) mène avec le laboratoire Matière Molle et Chimie depuis 2000 des recherches conjointes dans le domaine de la chimie des matériaux supramoléculaires et a commencé à développer des applications industrielles en 2004. Dans un communiqué, Arkema envisage, grâce à la chimie supramoléculaire, la fabrication de "toutes sortes d’articles qui après s’être cassés ou fissurés, pourraient être réutilisés grâce à l’auto-cicatrisation".

"On a deux familles de produits prêts à être mis sur le marché" dont le développement est plus avancé que celui des caoutchoucs, a déclaré Manuel Hidalgo, chercheur chez Arkema. La première concerne les bitumes, qui utilisent comme dans le cas des caoutchoucs des molécules d’origine végétale. Pour obtenir des mélanges de polymères qui offrent une meilleure résistance pour la construction de routes que ceux fabriqués à base d’hydrocarbures, "on associe les molécules, par exemple d’huiles végétales, pour leur donner une forme solide à température ambiante", a expliqué M. Hidalgo.

Dans cette famille de produits se trouvent aussi des adhésifs, des vernis et des peintures. La fabrication se fait à des températures plus basses, donc plus économes en énergie. La deuxième famille concerne des plastiques faits de molécules plus grandes, associées comme ceux de la première famille par des liaisons moléculaires non permanentes, offrant une meilleure biodégradabilité et dont l’avantage est d’être plus résistants aux solvants.

Ces deux catégories de produits devraient être mis sur le marché "d’ici un à deux ans", selon M. Hidalgo qui envisage déjà, grâce à la chimie supramoléculaire, la fabrication de toutes sortes d’articles qui après s’être cassés ou fissurés, pourraient être réutilisés grâce à l’autocicatrisation. Les chercheurs envisagent ainsi des joints d’étanchéité, des vêtements ou même des pièces de moteur dont les trous pourraient se refermer eux-mêmes. "Si vous percez un joint d’étanchéité dans un mur, il va se réparer tout seul. Tout ce qui travaille dans la compression, comme les joints de structure, les revêtements susceptibles de se rayer, est concerné", a expliqué Ludwik Leibler, directeur du laboratoire Matière molle et chimie, une unité du CNRS, et de l’ESPCI, une école d’ingénieurs parisienne.

Il est remarquable de constater que ces travaux novateurs sont issus d’un partenariat exemplaire entre recherche privée et publique et s’inscrivent dans une approche résolument interdisciplinaire. Souhaitons que la France sache garder son avance technologique et industrielle dans ce domaine stratégique qui révolutionnera demain notre vie quotidienne.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par René Tregouët

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