Les transports collectifs urbains à l’heure de la transition énergétique

Au delà de leur vertuosité affichée se cache une réalité de plus en plus difficile à nier : un coût global relativement élevé pour la collectivité eu égard à leur efficacité (énergétique) globale. Le fameux effet ciseau tant redouté des opérateurs est déjà une réalité face à laquelle les solutions proposées ne semblent pas franchement en capacité d’apporter des réponses à long terme.

I. Des défis d’une ampleur inédite

Régulièrement vantés pour leurs qualités intrinséques par rapport à la voiture individuelle, les transports collectifs urbains vont devoir se réinventer pour relever les défis à venir. Que ce soit d’un point de vue énergétique ou financier, les réseaux existants ont majoritairement été conçu à une époque où la contrainte énergétique n’en était pas vraiment une.

Résultat : en ville, pour transporter leurs clients à des vitesses moyennes excédant rarement 20 km/h, les bus urbain – très majoritairement diesel jusqu’à présent – consomment en moyenne par personne transportée à peine moins d’énergie qu’un taxi hybride bien conduit (tout en rejetant plutôt plus de NOx et de PM2.5).

Même constat s’agissant du coût : à raison d’un coût moyen par kilomètre.passager qui varie généralement entre 1 et 2 euros (hors infrastructure), les bus urbains sont très loin de pouvoir rivaliser avec le vélo ou le vélo à assistance électrique, deux modes de transport particulièrement bien adaptés aux caractéristiques de la circulation urbaine.

Sans la participation des entreprises (Versement Transport) et celle des autorités organisatrices de transport, le prix payé par l’usager serait tel que les clients seraient aux abonnés absents.

Dans les faits, la véritable vertu des TCU comparativement aux modes individuels motorisés, c’est l’économie d’espace : en étant la plus grande partie de leur temps en fonctionnement, les bus, tramways et métro sont naturellement beaucoup moins gourmands en foncier qu’une voiture individuelle qui passe l’essentiel de son temps à l’arrêt, y compris là où le prix du foncier est élevé.

II. l’efficacité énergétique des TCU

L’efficacité énergétique des TCU, c’est la quantité totale d’énergie primaire nécessaire au transport d’une personne sur un trajet donné. En pratique, on ne compte généralement que l’énergie consommée à l’usage, considérant – parfois à tort – que tout le reste est négligeable (construction et entretien de l’infrastructure, construction et entretien du matériel roulant, retraitement et/ou recyclage des déchets et/ou pièces d’usures en fin de vie, etc…)

Si l’électrification des bus urbains est indiscutablement une solution technique intéressante pour améliorer la qualité de l’air en ville, force et d’admettre que d’un point de vue énergétique global, le bénéfice attendu est loin d’être aussi spectaculaire étant donné le surpoids d’un bus électrique comparativement à un bus à moteur thermique.

La consommation des premiers modèles en exploitation commerciale ne fait que confimer cette analyse : à raison d’une consommation électrique moyenne qui varie entre 1,35 kWh/km et 1,80 kWh/km selon le profil de la ligne et le matériel utilisé, la consommation d’énergie primaire par personne transportée demeure (très) élevée au regard de la vitesse moyenne effective de déplacement. Rien de très surprenant dans la mesure où le ratio poids à vide d’un bus / poids total des passagers est à peine meilleur que celui d’une petite voiture occupée par 1 conducteur. La comparaison avec un vélo à assistance électrique est évidemment encore moins flatteuse : pour une vitesse moyenne de déplacement généralement supérieure, un VAE consommera 30 à 40 fois moins d’énergie par personne transportée qu’un bus, fût-il électrique.

III. Le défi du financement

A l’heure où la compétitivité des entreprises fait l’objet de toutes les attentions, rappelons qu’en France, les entreprises financent à elle seules plus de 50 % du coût d’exploitation des réseaux de TCU. Par le biais du versement transport notamment mais aussi au travers des taxes locales payées aux collectivités et réaffectées aux financement des TCU. A quoi il faut bien entendu ajouter la prise en charge obligatoire des frais de transport des salariés utilisants les transports publics pour se rendre au travail.

Un mécanisme bien rodé qui montre aujourd’hui ses limites au fur et à mesure de l’augmentation de la fréquentation sur les réseaux de transport, notamment à l’intérieur des grandes agglomérations. En parallèle de l’augmentation continue des coûts d’investissement et d’exploitation des réseaux de transport public, les collectivités locales viennent d’entrer dans une longue période de diète budgetaire qui va les contraindre à dépenser moins, en étant notamment très attentive aux coûts de fonctionnement. Finie la vie à crédit donc, retour à la (dure) réalité : dépenser ce qui rentre et pas un euro de plus.

Pour une meilleure offre TC, le citoyen va donc devoir être mis à contribution d’une manière ou d’une autre.

IV. Le défi climatique

Autre problématique de plus en plus saillante bien que rarement pointée du doigt par les principaux intéressés : le défi climatique. En France et plus encore dans le Sud de l’Europe, les besoins en climatisation des transports collectifs – notamment aux heures de pointe – sont tels que cela conduit à augmenter de manière non négligeable la consommation énergétique d’un bus électrique par exemple. Des besoins indispensables compte tenu de l’environnement très urbain dans lequel les véhicules circulent tout au long de l’année.

Avec l’augmentation attendue des températures moyennes, des vagues de chaleur mais également des intempéries, les réseaux en place subissent déjà à intervalles réguliers les effets indésirables d’épisodes climatiques extrêmes (inondation de chaussée, canicule, neige, verglas, etc…). Des difficultés qui pourraient bien s’amplifier dans des proportions non négligeables dans les toutes prochaines décennies avec les conséquences qu’on imagine sur les infrastructures indispensables à leur fonctionnement.

V. Changer d’époque

Qu’on se le dise, dans l’industrie automobile comme celui des transports urbains, il y a une certaine urgence à changer d’époque. Considérant la très faible efficacité énergétique avec laquelle un bus urbain (diesel) achemine ses clients d’un point A à un point B, la pertinence de ce type de transport à l’intérieur des grands centres urbains du XXIème siècle va devoir être réinterrogée.

A défaut de pouvoir réduire drastiquement leurs besoins en énergie, les TCU du XXIème S. vont devoir rompre avec le pétrole pour rester crédibles d’un point de vue environnemental. C’est une question de bon sens.

Vive le futur sobre et intelligent !

[ Archive ] – Cet article a été écrit par G. Porcher

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