L’hydrogène vert sera-t-il l’énergie de demain ?

Mais la pile à combustible doit surmonter deux défis technologiques redoutables : le premier est lié au stockage du carburant. L’hydrogène (H2) est en effet une substance très volatile et explosive qui nécessite des pressions extrêmes (700 bars) de stockage. L’autre défi est la source d’énergie pour produire l’hydrogène qui n’existe pas à l’état natif. Or l’hydrogène peut être produit à partir de trois principales ressources : les hydrocarbures, la biomasse et l’eau. Il serait évidemment peu cohérent et peu bénéfique pour l’environnement de continuer dans le futur à utiliser principalement des combustibles fossiles pour produire de l’hydrogène !

Mais de récentes découvertes sont en train de changer la donne et ouvrent la perspective d’une production industrielle de l’hydrogène à partir d’éthanol, de sucre ou de déchets végétaux. Le Professeur Lanny Schmidt et son équipe de l’université du Minnesota viennent ainsi de mettre au point un procédé permettant de produire de l’hydrogène à partir d’huile ou de sucre, après avoir rendu l’opération possible à partir de l’éthanol. Ce n’est qu’un début ! À terme, l’objectif est d’étendre les matières premières à tout un éventail de résidus de cultures. À la sortie de la réaction, un mélange hydrogène et monoxyde de carbone, entrant dans la fabrication d’un carburant de synthèse, et de l’ammoniac qui peut être utilisé comme fertilisant.

Les travaux du professeur Schmidt pourraient déboucher sur une diminution considérable du coût de production des biocarburants, des engrais et de l’hydrogène, tout en éliminant l’énergie fossile indispensable à leur obtention grâce à un nouveau procédé baptisé « Ultrafast flash volatilization ». Cette volatilisation flash consiste à vaporiser l’huile et le sucre en fines gouttelettes par un simple injecteur d’automobile puis à envoyer ce mélange sur un disque en céramique chauffé à 1 000° C recouvert d’un catalyseur (rhodium et cerium).

Cette production "verte" d’hydrogène à partir de ressources renouvelables pourrait avoir un impact considérable tant sur le plan économique qu’écologique en apportant une solution élégante et rentable à la production et au stockage. L’éthanol peut en effet être transformé en H2 juste avant de passer dans la pile à combustible grâce à de petites installations domestiques. En outre, l’éthanol dégage trois fois plus d’énergie en étant utilisé comme source d’hydrogène que tel qu’il est utilisé actuellement dans les moteurs. Autre avantage de cette technique, sa rapidité : le carburant ne reste en effet que quelques millisecondes en contact avec le catalyseur, ce qui autorise la transformation d’une grande quantité d’éthanol. Le réacteur, couplé à une pile à combustible, est déjà capable de produire 1 kW d’électricité tout en tenant dans la main.

Il y a quelques mois, d’autres chercheurs de l’Université de Birmingham, en Grande Bretagne, avaient pour leur part montré qu’une bactérie spécifique produit de l’hydrogène lorsqu’elle se nourrit de déchets sucrés. Le professeur Lynne Macaskie de l’Université de Birmingham estime d’ailleurs que le système pourrait être développé pour la production industrielle d’électricité et les procédés de traitements des déchets.

En France, plusieurs équipes de recherche, notamment au CNRS, travaillent sur des méthodes de production catalytique d’hydrogène par gazéification directe de la biomasse (déchets de bois, de paille, fane), dans un réacteur à lit fluidisé en présence de vapeur d’eau ou via des intermédiaires liquides de type bio-huiles de pyrolyse (co-processing).

Au niveau européen, le projet Hyvolution lancé en 2006 a pour objectif de produire de l’hydrogène à partir de la biomasse dans une usine expérimentale. L’hydrogène sera produit par des bactéries capables de digérer la matière organique. Cette installation-pilote sera développée à Wageningen (Pays-Bas), avec la contribution de 11 pays de l’UE. "Il est fondamental de passer à l’économie durable, et l’hydrogène a ici un rôle à jouer", déclare le professeur Frons Stams, du laboratoire de microbiologie de l’université de Wageningen."

On le voit, la production industrielle d’hydrogène "propre", à partir de la biomasse ne relève plus de l’utopie et devrait sortir des laboratoires d’ici une dizaine d’années. Cet hydrogène vert constitue pour notre pays une extraordinaire opportunité car nous avons la chance d’être un grand pays agricole et forestier et nous disposons d’une immense réserve de biomasse (déchets agricoles, bois) sous exploitée. Nous devons donc anticiper cette révolution technologique et économique et préparer dès à présent la mise en place d’une filière techno-industrielle intégrée permettant l’utilisation et la valorisation de notre biomasse pour produire de l’hydrogène mais également pour produire directement de l’électricité et de la chaleur grâce à des centrales hybrides de nouvelle génération.

Parallèlement, nous devons également intensifier nos recherches pour permettre la production industrielle d’hydrogène à l’aide des autres sources d’énergie renouvelable, solaire et éolien notamment, dont la France est également abondamment pourvue. Il y là un enjeu industriel, technologique et politique majeur dont nous devons prendre conscience et notre pays doit se mobiliser pour préparer l’ère de l’après-pétrole en combinant de manière novatrice l’ensemble des sources d’énergie renouvelable et le vecteur hydrogène, afin de construire le nouveau paysage énergétique du XXIe siècle.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par René Tregouët

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