Livraison

Vous avez quand même raison, les « gros culs » ne sont pas destinés à circuler librement dans les rues étroites et à faire vibrer les vieilles fenêtres. Comment sortir de cette contradiction, par le haut, forcément, si on veut être « durable » ? Dans un premier temps, on a été tenté de repousser hors la ville les entrepôts et autres aires d’échange, à la fois pour récupérer des surfaces libres dans les centres et pour en exclure des activités réputées encombrantes, gênantes, et polluantes. Ce choix, bien compréhensible, n’est évidemment pas durable pour au moins deux raisons : ce n’est pas gentil pour nos amis des banlieues, condamnés à recevoir ce dont les privilégiés, habitants des centres, ne veulent plus ; l’éloignement de ces services de logistique a un coût, en temps passé et en commodité, mais aussi en consommation d’énergie et en environnement. On peut ajouter que le développement du e-commerce accentue ce besoin de disposer d’un potentiel efficace de livraison dans les centres-villes. Nous voilà condamnés à trouver des solutions innovantes.

Comment ? En élargissant le champ du possible dans le temps et dans l’espace. Dans le temps, en se souvenant que les journées ont 24 heures, et dans l’espace en passant résolument en 3D, c’est-à-dire en incorporant les espaces souterrains [1] à la réflexion. On voit ainsi se dessiner ce que l’on appelle une « logistique propre », organisée autour de deux composantes : l’apport massif, avec de gros camions, de marchandises au milieu des fortes concentrations d’habitants et d’activités, combiné à un système de diffusion locale fine et de livraison à domicile opérées avec des moyens silencieux et non polluants.

Plusieurs opérations de ce type sont en cours d’expérimentation à Paris depuis quelques années, dans des parkings souterrains dont une partie est réaménagée pour jouer ce rôle de plate-forme d’échanges. L’espace logistique de St Germain l’Auxerrois, installé dans le parking du même nom, a été investi par la société La Petite Reine. En 2006, 600 000 colis ont été livrés aux clients à l’aide de 35 cargocycles, tricycles à assistance électrique. C’est l’équivalent de 600 000 km parcourus en véhicules traditionnel qui est ainsi « effacé ». Dans le parking de La Concorde, c’est Chronopost qui traite 10% de ses flux parisiens grâce à 14 véhicules électriques spécialement conçus pour cet usage. Un nouveau centre vient de s’installer dans le parking de la porte d’Orléans, pour livrer des produits alimentaires frais achetés sur Internet avec des triporteurs électriques Natoomobiles. 5 autres sites analogues devraient voir le jour au cours des prochains mois. Des grandes entreprises créent leur propre système de distribution pour leurs agents, comme le fabricant d’ascenseurs Schindler, qui livre à ses techniciens réparateurs les pièces détachées dont ils ont besoin dans des consignes automatiques reparties dans la ville.

Résultat ? Des tournées moins longues, organisées autour des points de consigne, pour permettre aux techniciens d’aller sur les lieux de leurs interventions sans moyens motorisés. Quel gain de temps et d’énergie par rapport à la situation précédente où les agents de Schindler étaient obligés de démarrer leur tournée, le matin, par un passage, avec la voiture, dans un entrepôt en banlieue avant de rejoindre leur territoire d’intervention. Le personnel est content car il est moins stressé, le patron aussi parce que cette organisation fait gagner beaucoup de temps, et chaque agent réalise en moyenne 8 interventions par jour, contre 7 précédemment. L’environnement aussi est gagnant, avec moins de bruit et de gaz à effet de serre émis, moins d’encombrement et de pollution. Du gagnant – gagnant sur toute la ligne, économique, social et environnemental.

Quand je vous disais que le mot Livraison cachait des trésors de durabilité !

Notes :

[1] Souterrain, chronique du 25 octobre 2006

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Dominique Bidou

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires