Des chercheurs de l’EPFL ont mis au jour des processus inédits dans la formation naturelle d’un minéral, entre autres dans son passage d’une phase soluble à une phase solide. Ces découvertes pourraient aider à améliorer encore la sécurité en matière de gestion des déchets radioactifs.
Lorsqu’on dit uranium, on pense tout de suite à son rôle de combustible pour centrales nucléaires. Si c’est bien son application la plus courante, cet élément chimique est également utilisé dans de nombreux autres domaines, notamment ceux des colorants, du médical, ainsi que de l’armement. Or, une découverte réalisée par des chercheurs du Laboratoire de microbiologie environnementale de l’EPFL (EML) pourrait avoir des implications importantes, notamment dans le traitement des sols et aquifères contaminés ainsi que la gestion des déchets radioactifs. Les résultats de leur recherche ont été publiés récemment dans Nature Communications.
L’uranium est un métal lourd radioactif qui se trouve dans la croute terrestre de toute la planète, mais aussi en quantités minimes dans l’eau, l’air, les plantes et les êtres vivants – chez les humains, il se concentre principalement dans les os de leurs squelettes. Les scientifiques de l’EPFL ont quant à eux étudié les propriétés de ce métal à l’état naturel dans l’environnement et mis au jour des processus inédits lors de sa transformation d’un état d’oxydation à un autre faisant passer l’uranium d’une phase soluble dans l’eau à une phase de minéral stable.
«A l’état d’oxydation +6, l’uranium est dissous et se déplace de manière incontrôlée dans l’environnement, explique Zezhen Pan, chercheuse au EML et première auteure de l’étude. A l’état +4, il devient en revanche solide et donc moins susceptible de se répandre. Or, dans notre recherche, nous avons pu identifier comment, en interagissant avec des particules de magnétite, un oxyde de fer magnétique, l’uranium passait d’un état physique à un autre, ici de dissout à minéral. Nous montrons également la stabilité de l’uranium au stade d’oxydation +5, qui est d’habitude considéré comme métastable.»
Structure de nanofils
Durant leurs observations, les scientifiques ont également mis au jour un autre phénomène se produisant à l’échelle moléculaire durant ce processus. Lorsque l’oxydation a atteint le stade +4, l’uranium forme alors des nanofils, composés de très petites nanoparticules (environ 1-2 nanomètres) et qui s’assemblent en chaînes.
Cette structure temporaire disparait ensuite pour former des particules individuelles plus larges. La possibilité de visualiser ces nanofils, qui ont une largeur de 2 à 5 nanomètres et sont donc 100,000 fois plus fins qu’un cheveu humain, a pu être réalisée avec les microscopes électroniques du Centre interdisciplinaire de microscopie électronique (CIME) de l’EPFL. La révélation de cette structure pourrait permettre de mieux comprendre comment les éléments radioactifs se disséminent dans les sols de sites contaminés.
«Ces découvertes ouvrent de nouveaux horizons, commente Rizlan Bernier-Latmani, qui dirige l’EML. Elles ouvrent une fenêtre sur la formation naturelle de minéraux lors de leurs interactions avec les milieux aquifères, et nous permettent d’avoir une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires à l’œuvre dans ce processus.»
Auteur: Sarah Perrin