Marée noire : pour agir, les premières heures sont décisives

Comment le pétrole se disperse-t-il dans les heures suivant une marée noire ? Les experts n’arrivant en général sur place que plusieurs jours après l’événement, le phénomène est encore mal connu. Une expérience menée en Mer du Nord apporte des éléments de réponse et aidera à mieux définir les interventions de première urgence.

L’eau et l’huile ne se mélangent pas. C’est un fait bien connu. Ce qui l’est moins en revanche, c’est qu’une partie du pétrole, lorsqu’il est répandu en mer, commence rapidement à s’évaporer dans l’air et à se dissoudre dans l’eau. Une fois dans les flots, ces substances toxiques menacent la faune aquatique. Dans l’air, elles représentent un danger pour les sauveteurs ou les populations voisines.

Une équipe de chercheurs européens et américains ont mené une étude inédite sur le sort des hydrocarbures dans les 24 heures après le début d’une marée noire. Les résultats de leur recherche sont publiés dans the journal Environmental Science & Technology.

Une fois déversé dans la mer, le pétrole se retrouve dans un environnement radicalement différent. Après des millions d’années sous terre, il est soudainement exposé à la lumière, à l’air et à l’eau. « Dans ce nouveau milieu, il change rapidement de composition, la majeure partie de cette transformation se produisant durant le premier jour », explique Samuel Arey, chercheur à l’EPFL et à l’EAWAG, en Suisse, et auteur principal de l’étude. Le pétrole est un mélange complexe de plusieurs composés d’hydrocarbures. Certains, volatils, s’évaporent en quelques heures et contaminent l’atmosphère. Dans le même temps, d’autres composés toxiques, tels que le naphtalène, se dissolvent dans l’eau.

Depuis la catastrophe de l’Exxon Valdez en 1990, où plus de 40’000 mètres cubes de pétrole avaient été rejetés dans l’océan, des chercheurs ont tenté d’évaluer et de quantifier le risque, pour les espèces marines locales, d’être exposées à ces dangereux hydrocarbures. Mais cette question est toujours restée sujette à débat, une grande partie des substances se dispersant dans l’eau ou dans l’air bien avant l’arrivée des équipes scientifiques sur le site.

Afin de pouvoir recueillir des données immédiatement après le déversement du pétrole, les chercheurs, associés à des spécialistes en interventions d’urgence du Rijkswaterstaat néerlandais, ont recréé une marée noire de taille réduite. Quatre mètres cubes d’hydrocarbures ont ainsi été versés de façon contrôlée en Mer du Nord, dans une zone de trafic maritime déjà très polluée, située à 200 kilomètres des côtes des Pays-Bas. L’étude de cette nappe de petite dimension a permis de mieux comprendre ce qu’il se passe lors de marées noires de plus grande envergure. Elle a également fourni de précieuses informations sur les conséquences de ce genre de pollution pour la vie aquatique, ainsi que sur les risques auxquels les sauveteurs sont confrontés en surface.

Aucune marée noire n’est toutefois pareille à une autre. L’impact d’un tel événement sur l’environnement ne dépend pas uniquement du volume de pétrole en présence, mais également de facteurs extérieurs, comme le vent, les vagues, la température de l’air et de l’eau. Lors de l’expérience en Mer du Nord, qui a été menée en été, avec des vagues de deux mètres de hauteur, la nappe s’est presque totalement dissipée en l’espace de vingt-quatre heures. Or, elle aurait certainement persisté plus longtemps lors d’une journée plus fraîche, avec des vagues et un vent moins forts.

Grâce à la confrontation des données recueillies sur le terrain avec un modèle informatique, les chercheurs ont pu transposer les résultats de leur étude à des plus grandes échelles et d’autres conditions environnementales. Cette étude permettra de développer des outils d’évaluation de l’impact immédiat de tels désastres sur les populations et sur l’environnement et de définir une réponse plus adéquate, même dans le cas de conditions différant radicalement de celles rencontrées en Mer du Nord.

Cette recherche a été menée en partenariat avec le Royal Netherlands Institute of Sea Research et le Rijkswaterstaat, aux Pays-Bas, l’Université de Lausanne, en Suisse, le Helmholtz Center for Environmental Research de Leipzig, en Allemagne, et le Woods Hole Oceanographic Institution, aux Etats-Unis.

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