Modifier génétiquement les arbres pour faciliter la production de biocarburants

Modifier génétiquement les arbres pour faciliter la production de biocarburants

Une équipe de chercheurs a réussi à modifier génétiquement des arbres pour qu’ils produisent naturellement un polymère qui rend le bois plus poreux et plus facile à décomposer en éléments de construction plus simples.

Cette découverte ouvre le chemin à une biomasse ligneuse plus efficace et durable pour la production de matériaux biosourcés et d’énergies renouvelables.

En enrichissant le bois d’un polymère naturel, les scientifiques ont conçu des arbres plus faciles à décomposer en blocs de construction plus simples

Les combustibles fossiles sont aujourd’hui la principale source d’énergie, de produits chimiques et de nombreux matériaux, mais ils sont responsables d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre. Pour atteindre la neutralité carbone, une grande partie de ce qui est produit à partir de combustibles fossiles devra demain être fabriqué à partir de la biomasse.

Avec une demande croissante pour des matériaux durables et des énergies renouvelables, les matières premières d’origine végétale ont été étudiées, mais la conversion de la biomasse ligneuse en carburants et autres produits utiles est très exigeante sur le plan chimique et énergétique.

Jusqu’à présent, la recherche pour comprendre comment modifier la biomasse ligneuse afin d’améliorer son efficacité de conversion en composants plus simples ciblait principalement les polymères complexes déjà présents dans le bois.

Matthieu Bourdon et ses collègues ont adopté une approche différente. Ils ont utilisé la callose, un polymère naturellement présent dans certaines parois cellulaires des plantes, et ont réussi à l’intégrer dans les parois cellulaires secondaires spécialisées des plantes – le bois. Publiée dans Nature Plants, cette recherche impliquant des collaborations internationales dans de multiples instituts montre que le bois enrichi en callose est beaucoup plus facilement convertible en sucres simples et en bioéthanol que le bois non modifié.

Modèle d’assemblage de macrofibrilles de peuplier sans (à gauche) et avec dépôt de callose (à droite). La callose s’auto-agrège entre les macrofibrilles, ce qui explique l’augmentation observée de la porosité de la paroi cellulaire secondaire. La taille des pores affectée est de 4 à 30 nm, ce qui correspond à la taille des enzymes hydrolytiques. Ainsi, on pense que la callose agit comme un espaceur hydrophile du polymère de la paroi cellulaire secondaire, ce qui favorise l’accès aux enzymes hydrolytiques en vue d’une saccharification ultérieure. Figure publiée à l’origine dans Bourdon et al, 2023 Nature Plants.

Le Dr Bourdon, ancien chercheur au Sainsbury Laboratory Cambridge University (SLCU) a d’abord transformé la minuscule plante modèle, Arabidopsis thaliana, pour qu’elle biosynthétise de la callose dans ses parois secondaires. “Nous avons montré que les plantes pouvaient accueillir un nouveau polymère dans leurs parois cellulaires secondaires sans aucun impact négatif sur leur croissance“, a-t-il expliqué.

Modifier génétiquement les arbres pour en faire une matière première plus efficace et durable pour la conversion de la biomasse

En passant à un arbre à croissance rapide, le peuplier hybride (Populus tremula x tremuloides), l’équipe a constaté que le bois enrichi en callose présentait de nouvelles propriétés intéressantes, comme une hygroscopicité (substance qui a tendance à retenir l’humidité de l’air) et une porosité accrues, ce qui rend les polymères plus accessibles pour en extraire et les convertir en éléments de construction plus simples comme les sucres ou le bioéthanol.

Comprendre les effets ultrastructuraux de l’ajout de callose sur le bois modifié a été très difficile. Les expériences de pointe réalisées par les équipes de Paul Dupree et Ray Dupree à Cambridge et à l’Université de Warwick sont la pierre angulaire de cette histoire. En fait, elles ont révélé de manière surprenante que la callose n’interagissait pas avec les autres polymères, mais ont suggéré que la callose pouvait agir comme un espaceur dans la paroi cellulaire attirant l’eau. Cette approche nous a inspirés à chercher des réponses au-delà de notre propre domaine d’expertise et à établir d’autres collaborations pour produire cette recherche pluridisciplinaire, allant de l’ingénierie génétique, de la biochimie et de la biologie structurale aux sciences des matériaux“, a déclaré le Dr Bourdon.

Nous prévoyons que notre bois modifié bénéficiera à la production de biomatériaux et de biocarburants reposant sur la déconstruction de la biomasse et l’accessibilité des polymères, tels que les matériaux d’emballage ou même les biomatériaux avancés comme les nanofibrilles de cellulose et le bois délignifié. La prochaine étape consiste à effectuer des essais sur le terrain pour confirmer nos résultats et évaluer les performances des arbres enrichis en callose dans des conditions forestières réelles. Nous espérons également que notre découverte consistant à introduire un nouveau polymère dans le bois inspirera d’autres chercheurs à introduire d’autres types de polymères pour des applications sur mesure.”

En synthèse

Cette recherche novatrice montre qu’il est possible de modifier génétiquement des arbres pour qu’ils produisent naturellement un nouveau polymère, la callose, dans leur paroi cellulaire. Ce bois enrichi en callose présente une structure plus poreuse qui facilite grandement sa décomposition en sucres simples et autres composés de base. Cette découverte ouvre des perspectives pour développer une biomasse ligneuse plus efficace et durable, qui pourrait remplacer les combustibles fossiles dans la production de matériaux biosourcés et d’énergies renouvelables.

Pour une meilleure compréhension

Pourquoi modifier génétiquement le bois ?

Le bois est une ressource renouvelable très abondante, mais sa conversion en produits utiles comme des biocarburants est complexe et coûteuse. Modifier sa structure pour la rendre plus facile à décomposer permettrait d’utiliser plus efficacement cette biomasse.

Comment la callose modifie-t-elle la structure du bois ?

La callose agit comme un espaceur dans les parois cellulaires, créant des pores qui rendent les polymères du bois plus accessibles pour en extraire sucres et autres composés.

Quels sont les bénéfices attendus ?

Cette biomasse modifiée pourrait permettre de produire plus facilement et à moindre coût des biocarburants, biomatériaux, nanocellulose, etc. Elle pourrait remplacer les ressources fossiles.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Des essais au champ sont prévus pour confirmer les résultats et évaluer les performances des arbres modifiés dans des conditions réelles.

Cette technologie est-elle sans risque ?

Des études d’impact seront nécessaires avant tout déploiement à grande échelle pour s’assurer de l’innocuité de ces arbres génétiquement modifiés.

Cette découverte est-elle une avancée majeure ?

Il s’agit d’une avancée prometteuse, mais qui nécessite encore des travaux avant une application concrète. Son potentiel semble néanmoins important.

Article : “Ectopic callose deposition into woody biomass modulates the nano-architecture of macrofibrils” – DOI: 10.1038/s41477-023-01459-0 

[ Rédaction ]

            

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