Moins

Est-ce la croissance, d’ailleurs, qui est en cause, et la croissance de quoi ? Du PIB, de la valeur ajoutée par les économies, de la masse monétaire en circulation ? La croissance à condamner est celle des prélèvements anarchiques de ressources naturelles, celle des rejets d’une société de consommation qui fabrique du déchet en quantité industrielle. Ce n’est pas la croissance du nombre et de la qualité des services rendus aux habitants de notre planète. Le slogan de la décroissance traduit l’hypothèse qu’il n’est pas possible d’offrir plus de service sans consommer plus de ressources, alors que le développement durable propose, à l’inverse, de faire plus avec moins, de découpler, pour prendre un mot codé, la croissance économique de la pression sur l’environnement. C’est bien sûr un défi, celui de l’efficacité, du rendement de la moindre ressource, qui est bien illustré par le facteur 4, à savoir faire quatre fois plus de bien avec la même quantité de ressource. La définition du développement durable qui figure dans le rapport Brundtland[1] précise clairement que les limites des capacités de production sont liées à un état des techniques et des organisations sociales. Ce sont ces limites qu’il faut repousser, pour faire face aux besoins.

Améliorer le rendement des ressources utilisées, c’est bien sûr en consommer moins. Les exemples d’économies de matières premières sont nombreux. On sait, par exemple, que les emballages, toujours très critiqués, font l’objet de travaux intensifs : le poids d’un pot de yaourt à fortement diminué. On gagnerait sans doute plus encore si le yaourt en question était fabriqué à proximité des lieux de consommation. Moins de matière et moins de kilomètres, voilà des moins qui sonnent plus pour la planète. La presse de l’environnement présente fréquemment des initiatives dans ce sens. Environnement magazine[2] rapporte qu’un fabricant de café annonce avoir réduit de 10% l’épaisseur de l’emballage, constitué de trois couches combinées. Par ailleurs, un meilleur dimensionnement des cartons pour le transport des dosettes souples a permis d’économiser 167 palettes par an, soit 7,5 tonnes de CO2. La forte progression des dosettes, emballage particulier consommateur de matières et d’énergie, ne vient-elle pas réduire à néant ce gain durement acquis ? Dans le calcul du moins, il faut tout intégrer, tout comme les dégradations que l’on appelle externes devraient l’être dans le calcul du plus.

Le même magazine présente une autre piste, bien intéressante. Il s’agit d’économies d’électricité, et de l’électricité la plus défavorable à l’effet de serre, celle des pointes de consommation, souvent couvertes par des centrales thermiques. Grâce à Internet, un petit boitier placé à côté de votre compteur est informé des pointes et pilote votre chauffage et votre chauffe eau. Quelques minutes d’interruption, sans nuire au confort, suffisent à lisser les courbes, tant l’effort est réparti entre de nombreux foyers. Une production négative[3], en quelque sorte, qui bénéficie à tout le monde, et en premier lieu aux ménages, indemnisés pour les coupures en plus des économies d’énergie. L’objectif des fabricants des boitiers est d’en placer un million d’ici quatre à cinq ans, ce qui représente l’équivalent d’une puissance de 5 tranches nucléaires. Un vrai bénéfice, ce moins.


[1] Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de besoin, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. Rapport Brundtland, Notre avenir à tous, Editions du fleuve, 1987
[2] N° 1666, avril 2008
[3] Négatif note à reprendre après publication du mot

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Dominique Bidou

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