Négatif

On peut tout d’abord réduire des charges, ce qui est bon pour le porte-monnaie, mais aussi pour l’environnement, si cette économie porte sur des ressources et sur des rejets. La première chronique de ce blog, sur le mot Shampoing[1], explorait la piste de la bonne dose. Souvent, par sécurité, pour être sûr du résultat, nous cédons à la tentation de forcer sur la quantité de produit. Trop de lessive dans la machine, trop de shampoing dans la paume de la main. Le conditionnement est parfois coupable, ce qui appelle une correction de la part du fabricant, mais c’est souvent une simple affaire de comportement. Les entreprises qui se soucient du bon usage de leur produit font parfois des campagnes auprès de leurs clients, et les dispositifs comme les certificats d’économie d’énergie conduisent également à s’intéresser non plus à la quantité de produit, mais à son efficacité. En consommer moins pour le même service. Le gain est parfois engrangé par le fabricant. Procter & Gamble affirme que l’éco-conception de l’emballage des lingettes Swiffer Wet a permis de gagner un bon tiers de matériaux et près de moitié des transports en camion. Tant mieux pour eux, espérons que leurs clients en bénéficient aussi. La même société a étudié le cycle du lavage de linge. Le gros de la consommation d’énergie n’est pas dans leur usine, mais dans la cuisine ou la buanderie de leurs clients, et de beaucoup. C’est l’énergie nécessaire au chauffage de l’eau dans la machine qui est le paramètre clé, celui sur lequel il faut agir en priorité. Une poudre à laver à froid est la solution, mise sur le marché récemment, en 2006. Voilà une mesure à coût négatif, mais encore faut-il faire ce qu’il faut, à savoir baisser la température de sa lessive, ce qui heurte souvent des idées reçues. Comme la facture d’électricité ne permet pas d’y distinguer la consommation de la machine à laver, une des difficultés est que le prix de la poudre se voit, alors que celui de l’énergie est masqué. Il faut donc un effort de communication pour faire passer le message et changer les habitudes.

Changer les habitudes, c’est ce qui bloque parfois la diffusion des mesures à coût négatif. Dans un rapport du Ministère de l’Equipement[2], l’auteur constate que ces meilleures technologies n’ont pas envahi les marchés. Les explications de ces faits sont complexes. Il poursuit : la routine du « remplacement à l’identique » est probablement le facteur principal : chaudières, simple vitrage. Il ajoute que les consommateurs sont peu informés, et le plus souvent par les installateurs, qui jouent trop souvent de l’argument commercial du prix plus faible à l’investissement des matériels médiocres. Voici donc des opportunités gâchées.

L’utilisation des « meilleures technologies » est toujours rentable pour les usagers. Il s’agit donc d’« actions à coût négatif », auxquelles les politiques publiques doivent accorder la priorité. Pour les vitrages, la technologie des « vitrages à isolation renforcée », disponible depuis les années 1980, ne couvre encore que 50 % du marché français, alors que le surcoût par rapport à un double vitrage « ordinaire » est remboursé en un an. Les 50 % de doubles vitrages ordinaires posés en 2004 vont entraîner une surconsommation de 100 000 tep/an pendant toute leur durée de vie, 80 ans environ… C’était en 2005. Espérons que le Grenelle de l’Environnement remettra en cause cette constatation bien déprimante.

Il n’y a pas que l’énergie qui permette de faire rapidement des économies, grâce à des actions à coût négatif. C’est très souvent le cas pour les consommations de ressources naturelles, aussi bien à la maison que dans les usines. L’eau est un bon exemple, avec les réducteurs de pression et une robinetterie moderne qui procure des économies sans réduction du confort.

Un des intérêts de ces techniques à coût négatif, est bien qu’elles sont disponibles tout de suite, en en attendant de nouvelles, bien sûr. Il n’est pas besoin d’attendre pour les mettre en pratique, si ce n’est les développements industriels, car les capacités de production seraient vite dépassées si elles se généralisaient du jour au lendemain. Par exemple, le cinquième de l’énergie produite à la surface de la planète est utilisé pour l’éclairage, et il est techniquement possible, sans innovation, de diviser par deux cette consommation. Cela fait 100 milliards d’économies par an… Les bénéfices sont à engranger par les particuliers et par les collectivités, tout le monde y gagne. Il faut juste aider les pauvres à s’équiper, à adopter des techniques plus chères à l’achat mais tellement économiques à l’usage. Encore une question de produits financiers. Les ingénieurs sont, pour beaucoup d’entre eux, entrés dans le temps du développement durable. Il est grand temps que les banquiers les suivent.

[1] Shampoing et développement durable , chronique du 30/01/2006 reprise sous le n°69 dans Coup de shampoing sur le développement durable (www.ibispress.com )

[2] Jean Orselli, Recherche et développement sur les économies d’énergie et les substitutions entre énergies dans les bâtiments, rapport du CGPC, Juin 2005

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Dominique Bidou

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