Produire du méthanol à partir de CO2 en passant par l’acide formique

Des chercheurs de l’Iramis* au CEA ont réussi à produire du méthanol à partir d’acide formique avec un rendement de 50%, une efficacité bien supérieure à celle atteinte jusque-là (2%).

Pour obtenir un tel résultat, les chercheurs ont développé un modèle de catalyse à base de ruthénium, métal dix fois moins coûteux que l’iridium, l’élément utilisé jusqu’à présent pour la formation de méthanol. Ces résultats sont publiés en ligne le 2 août dans la revue Angewandte Chemie.

Aujourd’hui 85% de la demande énergétique mondiale est assurée par les énergies fossiles. La fabrication de nouveaux carburants utilisant des énergies renouvelables et décarbonées s’inscrit dans une optique d’indépendance face aux énergies fossiles.

Composé utilisable aussi bien dans les piles à combustible à convertisseur intégré que dans les moteurs à combustion, le méthanol pourrait fournir la clé d’une production de carburant à haute densité énergétique, à partir de ressources renouvelables. Il peut en effet être formé à partir de la réduction à six électrons d’une matière carbonée renouvelable, le CO2. Cependant les catalyseurs existant pour la transformation directe (électrolyse) du CO2 en méthanol ne sont ni efficaces ni sélectifs et l’hydrogénation du CO2 pose des problèmes liés à l’utilisation de hautes pressions.

La réduction à deux électrons du CO2 vers l’acide formique est, quant à elle, efficace et bien maîtrisée. Une alternative intéressante pour convertir le CO2 en méthanol serait donc d’utiliser l’acide formique comme relais, à condition d’être ensuite capable de convertir efficacement ce dernier en méthanol.

En 2013, les premiers catalyseurs permettant la conversion de l’acide formique en méthanol voient le jour, avec les travaux du groupe de K. Goldberg à l’université de Washington**. Cette avancée repose néanmoins sur l’utilisation d’un métal particulièrement coûteux, l’iridium, et le méthanol n’est obtenu qu’avec un rendement maximum de 2%. Pour obtenir une approche globale efficace dans l’utilisation du CO2 comme vecteur d’énergie, une meilleure efficacité est donc nécessaire.

Aujourd’hui, des équipes de l’Iramis au CEA viennent de développer des catalyseurs efficaces à base de ruthénium transformant l’acide formique en méthanol avec un rendement atteignant 50%. De plus, l’utilisation du ruthénium au lieu de l’iridium présente un avantage économique certain, ce métal étant plus de dix fois moins coûteux que l’iridium. Le mécanisme de la réaction a été étudié par une approche duale, expérimentale et théorique, qui a permis de mettre en évidence les intermédiaires réactionnels et les espèces catalytiques impliqués dans la formation du méthanol. Il a ainsi été montré que l’espèce active en catalyse était un complexe hydrure de ruthénium capable de redistribuer efficacement la liaison C–H de l’acide formique.

Cette réaction permet donc de former du méthanol et deux molécules de CO2 à partir de trois molécules d’acide formique. Le bilan carbone total est ainsi favorable puisque trois molécules de CO2 sont nécessaires pour préparer trois molécules d’acide formique.

Pour compléter cette approche, les chercheurs envisagent de coupler ces deux réactions pour évaluer le rendement énergétique global de cette nouvelle stratégie de synthèse du méthanol à partir du CO2.

Références :

S. Savourey, G. Lefèvre, J.C. Berthet, P. Thuéry, C. Genre, T. Cantat, Angew. Chem. Int. Ed., 2014, 02/08/2014. ici

* Laboratoire de Chimie Moléculaire et Catalyse pour l’Energie (LCMCE)
** A. J. M. Miller, D. M. Heinekey, J. M. Mayer, K. I. Goldberg, Angew. Chem. Int. Ed., 2013, 52, 3981.

         

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Devoirdereserve

C’est nul dans un communiqué de ne pas citer les auteurs, tout en citant des travaux antérieurs d’un autre groupe… Heureusement, tout le monde (?) aura reconnu Thibault Cantat, déjà connu sur Enerzine.

Pastilleverte

mais pas tout compris ! comment est produit l’acide formique (traite de mlilliards de fournis ?), à quels coûts et à quel rendement ? D’où vient le CO2, on le capte à la sortie des usines de ciment, aux pots d’échappement des bagnoles ?? En quoi le méthanol serait-il “décarboné” ? (voir deuxième paragraphe) Augmentation de rendement d’un facteur X 25, et pas un mot dans les journaux ?

Tech

au boulot les fourmis ;o) toutes les prédictions madame soleil à revoir. rendement multiplié par 25 coût divisé par 10 ! cette avancée pour le méthanol peut avantager et accélérer la solution pile à combustible qui en parralèle par ses retombées pourra améliorer la solution H2. une nouvelle industrie va naître, il ne faudrait pas manquer le train qui commence à accélérer!

moise44

Qu’est-ce que l’acide Formique : Rejets d’acide formique dans le monde : je n’ai pas tout lu sur ces deux liens, mais il semble que l’acide formique ne manque pas. Quant au CO2, il est aisément imaginable que nous pourrions installer des systèmes à la sortie des installations qui produiraient du CO2. Les cimenteries par exemple, mais aussi et surtout les centrales à charbon qui rejettent à la fois du souffre et du CO2. Et comme malheureusement le charbon est l’énergie qui semble l’emporter pour l’avenir, ceci peut être une solution d’améliorer les rendements de la combustion du charbon. Je pense qu’il faut combattre le charbon, mais au vu de la tournure des évènements, il faut bien admettre que les charbonniers sont en train de gagner la bataille. Alors si ça peut le rendre moins sale et plus productif … D’autant que le cycle semble pouvoir être bouclé selon nos connaissances actuelles.

Pastilleverte

ouahhhh 100 millions de tonnes d’acide formique dans le monde par an… et essentiellement au-dessus des forêts tropicales… c’est sûr voilà un ingrédient abondant et facile à récolter. Ya plus qu’à implanter des centrales à charbon au milieu desdites forêts, et hop, le tour est joué ! Vive la science.