La gestion des ressources naturelles suscite un intérêt grandissant, notamment en ce qui concerne la transformation de la biomasse en produits à haute valeur ajoutée. Les recherches menées par des équipes finlandaises et allemandes cherchent à optimiser la production issue de la biomasse, ouvrant ainsi des perspectives nouvelles pour l’industrie. Comment les innovations technologiques et l’intelligence artificielle peuvent-elles transformer notre approche de la valorisation des ressources ?
Les biorefineries ont pour fonction de transformer la biomasse – issue des bois, des plantes annuelles ou des résidus agricoles – en produits divers et en énergie. Les équipes de recherche en Finlande et en Allemagne travaillent à maximiser les sorties de produits pour une valorisation plus globale de leurs ressources naturelles. Leur développement se voit souvent ralenti par la nécessité d’optimiser de nombreux facteurs. L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) leur permet d’accélérer ce processus de manière significative.
Un consortium multidisciplinaire
Un consortium de chercheurs de l’Université Aalto, de l’Åbo Akademi en Finlande, et de l’Université Technique de Munich en Allemagne, a développé un concept de biorefinerie flexible. Ils se concentrent sur l’exploitation des synergies uniques des complexes lignine-carbohydrate (LCCs), présents naturellement dans le bois, pour produire des antioxydants, des tensioactifs efficaces et des additifs pour polymères entièrement biosourcés. Les LCCs jouent un rôle crucial dans la paroi cellulaire du bois, lui conférant rigidité et structure. Dans les procédés de pâte à papier classiques, ces complexes sont décomposés pour isoler la cellulose, l’hémicellulose et la lignine.
Dans le cadre du projet «AI-4-LCC : Exploiting Lignin-Carbohydrate Complex through Artificial Intelligence», financé par le Conseil de recherche de Finlande, les équipes de feu le Professeur de Pratique Mikhail Balakshin (†2022, Université Aalto), du Professeur Patrick Rinke (Université Aalto, Université Technique de Munich) et du Professeur Chunlin Xu (Åbo Akademi) ont mis au point un procédé visant à produire des LCCs avec des propriétés spécifiques et un rendement élevé.
Le Procédé AquaSolv Omni
Le nouveau procédé repose sur un traitement hydrothermal modifié du bois, suivi par une extraction des solides résultants avec un solvant, méthode baptisée AquaSolv Omni (AqSO) par Balakshin. Les propriétés des LCCs peuvent être ajustées avec précision en modulant les conditions du procédé. Les chercheurs du groupe de Rinke ont utilisé l’Optimisation Bayésienne pour collecter de manière itérative des points de données et évaluer l’impact des conditions de traitement (facteur P, température, rapport liquide-solide) sur le rendement et le contenu en glucides. L’incorporation de l’analyse du front de Pareto a permis à l’équipe de maximiser à la fois le rendement et le contenu en glucides.
Pour évaluer le potentiel des LCCs pour des applications à haute valeur ajoutée, le potentiel antioxydant, la tension de surface et la température de transition vitreuse ont été mesurés en collaboration étroite avec les experts du groupe de chimistes de la biomasse de Xu. Cette collaboration a récemment été publiée dans le journal ChemSusChem avec l’article intitulé «Enhancing Lignin-Carbohydrate Complexes Production and Properties With Machine Learning».
Les résultats et les perspectives
La candidate au doctorat Daryna Diment a indiqué : « Une teneur élevée en glucides des LCCs s’est révélée bénéfique pour réduire la température de transition vitreuse et la tension de surface des solutions aqueuses, suggérant son potentiel d’utilisation dans les formulations thermoplastiques et comme tensioactifs biosourcés. Les LCCs produits sous des conditions de traitement sévères (haute température et durée prolongée) ont démontré une activité antioxydante remarquable. »
Ce travail illustre une avancée significative par rapport aux biorefineries traditionnelles pour l’isolation des LCCs, car il n’implique que l’utilisation de l’eau, de la température et de l’acétone pour l’extraction. De plus, l’Optimisation Bayésienne offre la flexibilité nécessaire pour produire des LCCs avec des propriétés ciblées et à rendement élevé. Ce projet démontre non seulement le potentiel des LCCs comme nouveau produit de biorefinerie mais aussi comment l’apprentissage automatique peut accélérer le développement de nouvelles technologies pour valoriser les ressources locales et naturelles.
Légende illustration : Complexes lignine-glucides isolés à tester pour de nouvelles applications. Photo : Université d’Aalto
Article : « Enhancing Lignin-Carbohydrate Complexes Production and Properties with Machine Learning in ChemSusChem by Diment et al. » 10.1002/cssc.202401711