Produire l’hydrogène de manière économique et écologique grâce au soleil

Plus énergétique que le pétrole ou le gaz naturel, non polluant et non toxique, l’hydrogène pourrait progressivement suppléer les énergies fossiles et répondre à l’essentiel de nos besoins énergétiques. Problème : si l’atome d’hydrogène, lié à l’oxygène, est très abondant sous forme d’eau, les molécules d’hydrogène, elles, ne se trouvent pas à l’état pur. Le défi auquel s’attèlent les chercheurs est donc de produire de l’hydrogène, sans dégagement de dioxyde de carbone. Pour cela, l’électrolyse de l’eau, c’est-à-dire sa décomposition en hydrogène (H) et oxygène (O), est l’une des solutions envisagées. Aujourd’hui maîtrisée, cette technique présente toutefois des inconvénients majeurs : son rendement ne dépasse pas 80 %, son coût de production est trop élevé et certains matériaux utilisés polluants ou même dangereux.

Pour surmonter ces obstacles majeurs, quatre équipes de recherche se sont ainsi associées aux entreprises AREVA NP, filiale du groupe AREVA, et SCT, dans un programme de recherche sur la production massive d’hydrogène propre. Pour obtenir de l’hydrogène par électrolyse de l’eau avec un meilleur rendement, il faut chauffer : deux voies sont alors possibles. La première plus "traditionnelle" utilise la conduction par ions O2- tandis que la seconde s’appuie sur la circulation des protons (ions H+). Principal avantage de la voie protonique : elle requiert des températures plus faibles, de l’ordre de 600°C. À de telles températures, une bonne conductivité des protons peut être envisagée, tout en utilisant des matériaux peu onéreux et fiables. C’est pourquoi les scientifiques ont choisi d’explorer et d’optimiser cette voie.

Leur travail s’est déroulé en deux étapes : ils ont tout d’abord conçu un dispositif pour étudier in situ les matériaux constituant l’électrolyseur, puis ils ont mis au point deux électrolyseurs instrumentés, c’est-à-dire comportant entre autres, des capteurs de température, de pression, de mesure de l’intensité du courant produite.

Les scientifiques ont ainsi pu déterminer avec précision les conditions requises pour obtenir de l’hydrogène en grande quantité et de façon fiable. L’une de leurs idées novatrices a été d’effectuer l’électrolyse sous pression (entre 50 et 100 bars). Et elle s’est révélée efficace… En effet, les principaux paramètres des électrolyseurs s’en sont trouvés améliorés : les premiers essais effectués permettent d’atteindre des quantités d’hydrogène notables, avec un niveau de courant bien supérieur à ce qui avait été fait précédemment par leurs concurrents étrangers travaillant sur la filière protonique. De plus, cette nouvelle technologie abaisse de près de 200°C la température de fonctionnement par rapport à la solution par conduction ionique. Un dernier atout : en permettant l’usage d’alliages commerciaux, elle diminue le coût de l’hydrogène produit. Ce résultat, prometteur et capital pour l’avenir économique de la filière hydrogène, laisse espérer le développement de technologies rentables et économiques.

Cette percée majeure survient quelques semaines après une autre avancée remarquable : des chercheurs du Centre allemand de recherche aérospatiale (DLR) sont parvenus, fin 2008, à synthétiser de l’hydrogène grâce à de l’énergie solaire et sans émission de CO2 dans une installation pilote de 100 kilowatts, située en Espagne. Les rendements atteints dépassent les attentes des chercheurs. Dans les mois qui viennent, les tests de production d’hydrogène sur la tour SSPS (Small Solar Power System) de la PSA seront poursuivis et intensifiés.

Le projet HYDROSOL est porté par un consortium d’acteurs allemands, espagnols, grecs, danois et britanniques. Les travaux de recherche et développement d’HYDROSOL I ont été, compte tenu de leur portée potentielle, récompensés par le Prix européen de la recherche Descartes et le Technical Achievement Award du Partenariat international pour l’économie de l’hydrogène (IPHE). Le succès des chercheurs du DLR ouvre de nouvelles possibilités de stockage de l’énergie solaire sous forme d’hydrogène.

Le département de recherche solaire de l’Institut de thermodynamique technique du DLR travaille depuis plus de 6 ans au développement de réacteurs innovants pour la décomposition thermochimique solaire de l’eau, dans le cadre des projets européens HYDROSOL I et II. Dans ces réacteurs, l’eau est clivée en hydrogène et oxygène à l’aide d’énergie solaire, sans passer par la production de courant électrique. Les résultats de leurs recherches, obtenus jusqu’à présent dans des installations de 10 kilowatts, ont désormais pu être observés avec succès pour une puissance de 100 kilowatts.

Outre Atlantique, des chercheurs du MIT proposent pour leur part une solution à la fois efficace, peu chère, et très simple à mettre en place. Et qui n’emploie que des matières premières abondantes et non toxiques. "L’énergie solaire a toujours été une solution un peu lointaine, limitée, explique le professeur Nocera. A présent, nous pouvons sérieusement penser à une énergie solaire non limitée, et pour bientôt." Son équipe a mis au point un processus inspiré de la photosynthèse des plantes, qui permet d’utiliser l’énergie tirée du soleil pour décomposer l’eau en hydrogène et en oxygène. Les gaz peuvent ensuite être recombinés via une pile à combustible et alimenter en énergie une maison ou une voiture électrique indépendamment de l’ensoleillement. L’élément clé de ce nouveau processus est un nouveau catalyseur qui produit de l’oxygène à partir de l’eau. Lorsque le courant passe par l’électrode, le cobalt et le phosphate qui le composent forment un mince film, et de l’oxygène y est produit.

Il est conjugué à un autre catalyseur qui produit de l’hydrogène. Le nouveau catalyseur fonctionne à une température ambiante, à un Ph neutre, et s’avère simple à utiliser. "C’est une découverte majeure avec d’énormes conséquences pour la prospérité future de l’humanité", a commenté le professeur Barber de l’Impérial College de Londres. "L’importance de leur découverte ne peut être sous-estimée, insiste-t-il, car elle ouvre la porte au développement de nouvelles technologies pour la production d’énergie, permettant de réduire notre dépendance aux combustibles fossiles et de répondre aux problèmes de changement climatique". Nocera espère que d’ici 10 ans, les propriétaires seront en mesures d’alimenter leurs foyers le jour par des cellules photovoltaïques, tout en utilisant l’énergie solaire excédentaire pour produire de l’hydrogène et de l’oxygène et continuer de s’éclairer le reste du temps.

Au Japon, un groupe de recherche de l’Institute of Multidisciplinary Research for Advanced Materials de l’Université de Tohoku a développé et mis au point un procédé naturel de fabrication de l’hydrogène à partir de la cellulose du bois. L’équipe du Professeur Fumio Saïto a mis en évidence qu’un simple broyage physico-chimique à sec de la cellulose, suivi d’un chauffage en absence d’oxygène et donc sans combustion, entraînait la synthèse à haut rendement d’hydrogène d’une grande pureté.

Ces avancées décisives dans la production propre et abondante d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables sont en train de lever le principal obstacle – le stockage de l’énergie- à la généralisation de l’utilisation des énergies propres, notamment solaire et éolienne qui sont par nature intermittentes. Souhaitons que l’Europe, qui a développé dans ce domaine un savoir faire technologique remarquable, ait la volonté politique de franchir une nouvelle étape vers le remplacement total des énergies fossiles à l’horizon 2050, par l’utilisation combinée de l’hydrogène et des énergies renouvelables.

[ Archive ] – Cet article a été écrit par René Tregouët

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