Quand purification rime avec électrification

Estrogènes de synthèse, ingrédients actifs des pilules anti- conceptionnelles, bisphénol A, additif présent dans de nombreux plastiques, traces de médicaments tel l’ibuprophène : ce que contiennent nos eaux usées n’a plus grand-chose à voir avec celles d’il y a cinquante ans.

Elles transportent en effet des substances qui peuvent avoir des effets nocifs sur la santé, et ce, même si leurs concentrations sont très faibles. À nouveaux problèmes, nouvelles solutions. Parlez-en à Patrick Drogui, chimiste et professeur au Centre Eau Terre Environnement de l’INRS, qui traite les eaux usées en y faisant courir de l’électricité. Les technologies vertes qu’il conçoit dans son Laboratoire d’électrotechnologies environnementales, le LEEPO, pourraient bien un jour être adoptées par le Québec.

Basées sur l’ajout de produits chimiques et la biodégradation par des bactéries, « les méthodes classiques de traitement des eaux ne parviennent pas à faire disparaître les nouveaux polluants organiques très persistants », indique d’entrée de jeu Patrick Drogui.

Mais en quoi consiste le traitement des eaux usées par électrolyse ? On y plonge d’abord deux plaques de matière conductrice appelées électrodes. En les mettant sous tension, on force le courant électrique à traverser le bassin d’eau. En gros, l’énergie injectée de force a un effet destructeur sur les molécules indésirables. « L’électrolyse apporte un double avantage, mentionne le chercheur. Non seulement elle permet de détruire des polluants qui résistaient jusqu’ici aux traitements conventionnels, mais elle ne nécessite aucun ajout de produit chimique dans l’eau. » Les technologies novatrices de Patrick Drogui se distinguent donc par leur impact nul sur l’environnement.

L’électrotechnologie en quatre temps

« Dans mon Laboratoire d’électrotechnologies environnementales et procédés oxydatifs, le LEEPO, nous tentons de découvrir les meilleures combinaisons de voltage, d’ampérage, de matériaux et de format des électrodes répondant aux besoins particuliers de chaque étape de la purification », relate Patrick Drogui. Son équipe et lui en sont ainsi venus à développer quatre techniques de purification de l’eau adaptées aux différentes étapes de l’assainissement.

Patrick Drogui commence par identifier les électrodes les plus appropriées pour dégrader les polluants persistants : c’est ce qu’on appelle la voltampérométrie (l’électrochimie analytique). Lors de cette première étape d’assainissement, le courant électrique qui parcourt l’eau s’attaque aux composés phénoliques, aux composés organochlorés et aux métabolites des médicaments, pour ne nommer qu’eux.

À cette étape, Patrick Drogui tient aussi compte d’un effet secondaire intéressant de l’électrolyse : « L’électricité peut briser les molécules d’eau (H2O) pour produire de l’oxygène actif (espèces oxygénées réactives, EOR), notamment les radicaux hydroxyles. Possédant un fort pouvoir oxydant, cet oxygène actif élimine divers polluants comme les perturbateurs endocriniens et certains germes pathogènes. »

L’électrolyse permet ensuite d’accélérer la coagulation et la floculation. Le courant électrique a en effet la capacité d’accélérer l’agglomération des matières en suspension (par effet du champ électrique), ce qui facilite leur élimination. C’est une étape de clarification qui permet d’éliminer simultanément les métaux, les huiles et les graisses, les matières en suspension, les bactéries et plus encore.

Quand purification rime avec électrification

Finalement, Patrick Drogui combine l’électrotechnique à des membranes filtrantes pour purifier les eaux à leur maximum. Ces membranes semblent imperméables, mais elles sont traversées de trous microscopiques qui laissent passer les molécules d’eau tout en retenant les grosses impuretés : « On s’attaque autant aux petites impuretés, par l’électrolyse, qu’aux plus grosses particules, par filtration. »

Les travaux de Patrick Drogui vont bon train dans ses laboratoires financés par la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) et le gouvernement du Québec. Déjà, des tests menés à plus grande échelle dans des stations d’épuration de la région de la Capitale-Nationale s’avèrent prometteurs : « Le prochain défi réside dans l’établissement de normes. Ici, au Québec, contrairement à l’Europe, on n’a pas encore établi de limite de concentration pour ces nouveaux polluants dans les eaux rejetées. Lorsque ce sera fait, les usines d’épuration municipales et industrielles devront se plier aux nouvelles normes et nous serons prêts! », assure Patrick Drogui. ?

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Pastilleverte

un problème mille fois plus important que les scies du réchauffement climatique anthropique, bien sur dans les pays “pauvres”, mais également, comme on le voit ici, pour les pays “riches”

bolton

Vous pouvez développer ? En quoi est-ce plus important ?

Mat

Hmmm, en france, la concentration des polluants autorisé dans la distribution de l’eau a été augmenté, en attendant le bon protocole, le consommateur n’est pas averti de la pollution présente au robinet,une membrane filtrante est un osmoseur, les “trous de la membrane varient en fonction de la pression”. il est facile de traiter de petites quantité, mais le défi repose sur le traitement de quantités énormes ! Puisqu’on puise de l’eau impropre à boire, qu’en sera t’il dans 5 à 6 ans quand nous aurons l’eau du robinet d’il y a quelques années ?