Des scientifiques ont réalisé une première mondiale en simulant avec succès le comportement de matériaux supraconducteurs grâce à l’ordinateur quantique Helios de l’entreprise Quantinuum. Annoncée le 5 novembre, cette découverte pourrait accélérer la mise au point de supraconducteurs fonctionnant à température ambiante, une technologie révolutionnaire pour le transport d’électricité sans aucune perte d’énergie.
Les supraconducteurs sont des matériaux capables de conduire l’électricité avec une efficacité parfaite, sans aucune résistance. Actuellement, ils ne fonctionnent qu’à des températures extrêmement froides. Trouver des matériaux supraconducteurs qui fonctionneraient à température normale transformerait notre façon de transporter et d’utiliser l’énergie.
Une équipe internationale mobilisée
L’équipe* a utilisé Helios, un ordinateur quantique de nouvelle génération équipé de 98 qubits (les unités de calcul quantique). Pour cette expérience, ils ont mobilisé jusqu’à 90 de ces qubits pour simuler le comportement des électrons dans différents types de matériaux supraconducteurs. Cette simulation a atteint une échelle jamais égalée auparavant dans le domaine.
Les chercheurs ont testé trois configurations différentes de supraconductivité et ont réussi à mesurer des « corrélations d’appariement », c’est-à-dire la façon dont les électrons se regroupent par paires dans ces matériaux, un phénomène caractéristique de la supraconductivité.
Un ordinateur quantique d’un nouveau genre
Helios utilise une technologie basée sur des ions de baryum, de minuscules particules chargées électriquement qui sont maintenues en suspension par des champs magnétiques et contrôlées par des lasers. Contrairement aux ordinateurs quantiques précédents qui utilisaient des ions d’ytterbium, le baryum permet d’utiliser des lasers visibles plutôt qu’ultraviolets, ce qui rend la machine moins coûteuse à construire et à faire fonctionner.
L’atout majeur d’Helios réside dans sa « connectivité totale » : chaque qubit peut communiquer directement avec n’importe quel autre qubit du système. « Ces résultats montrent qu’un ordinateur quantique peut créer et sonder de manière fiable des états physiquement pertinents avec des corrélations d’appariement supraconducteur, ouvrant une voie à l’exploration de la supraconductivité », écrivent les auteurs dans leur publication.
Henrik Dreyer, directeur scientifique chez Quantinuum et co-auteur de l’étude, explique que les ordinateurs classiques peuvent aussi simuler ces phénomènes, mais qu’ils rencontrent des limites importantes lorsque les systèmes deviennent trop grands ou qu’ils évoluent dans le temps. L’ordinateur quantique a permis d’obtenir des résultats en quelques heures là où les méthodes traditionnelles auraient nécessité un temps incalculable.
Des applications concrètes en vue
Quantinuum a déjà établi des partenariats avec de grandes entreprises comme Amgen, BMW, JPMorgan Chase et SoftBank pour utiliser Helios dans leurs recherches. Singapour deviendra en 2026 le premier pays hors des États-Unis à accueillir cet ordinateur quantique.
David Hayes, directeur de la conception computationnelle chez Quantinuum, souligne l’importance pratique de ces travaux : « Ce ne sont pas des problèmes artificiels. Ce sont des questions qui intéressent vivement le Département de l’Énergie, par exemple ». La possibilité de découvrir des supraconducteurs à température ambiante pourrait révolutionner de nombreux domaines comme le transport d’électricité sans perte, les trains à lévitation magnétique ultra-rapides, ou encore les technologies quantiques plus performantes.
L’entreprise prévoit déjà de construire des versions encore plus puissantes : Sol en 2027 avec 192 qubits, puis Apollo en 2029 avec des milliers de qubits et une tolérance aux erreurs complète.
* L’étude a été menée par une équipe internationale de douze chercheurs : Etienne Granet, Sheng-Hsuan Lin, Kevin Hémery, Reza Hagshenas, Pablo Andres Reed, Brian Neyenhuis, Justin G. Bohnet, Michael Foss-Feig, Andrew C. Potter, Ramil Nigmatullin, Mohsin Iqbal et Henrik Dreyer. Leurs travaux ont été publiés sur la plateforme scientifique arXiv.
Article : « Superconducting pairing correlations on a trapped-ion quantum computer » – DOI : 10.48550/arXiv.2511.02125
Source : Quantinuum











