Redressement productif : les énergies renouvelables dans l’oubli

Ce même jour, un record mondial était battu par l’Allemagne : la puissance fournie par l’énergie solaire photovoltaïque a dépassé 22.000 mégawatts (soit plus du tiers du parc nucléaire français !).

Sans surprise outre-Rhin, 400.000 emplois et des milliers de PME ont été créés dans les ENR depuis la fin des années 90. Des sociétés de 20 – 30 salariés début 2000 comptent aujourd’hui 500-1000 collaborateurs et se sont déployées partout dans le monde. Une authentique leçon de politique industrielle.

Si la dégringolade industrielle française doit à l’évidence mobiliser toutes les ressources de la nation, comment expliquer que même après le 6 mai, on omette un des secteurs clefs du futur ? Décroitre la part du nucléaire suppose pourtant de relancer vigoureusement les ENR. On ne peut pleurer la désindustrialisation et le manque de « Mittelstand (2) » français tout en laissant nos PME dépérir. Le changem ent, n’est – ce pas maintenant ? Peu de chose suffirait alors : l’annonce d’une révision profonde et rapide de deux décrets (3).

Et tant qu’à faire, affirmons que la sobriété et l’efficacité énergé tique, couplées aux énergies renouvelables sont LA solution de sortie de crise. Rentrons un peu dans le détail de l’analyse.

1) Les objectifs européens sont à la peine

Grâce au dévoiement du Grenelle, toute la filière ENR est aujourd’hui moribonde. On sait d’ores et déjà que les objectifs européens du Plan Climat pour 2020 (4) ne seront pas tenus. Illustration terrible d’une politique qui n’en a que le nom : 2010, année « noire ». En mars on autorisait l’exploration du gaz de schiste, à l’été, on lançait le débat public sur le second EPR, en juillet les éoliennes entraient da ns la catégorie des installations industrielles les plus dangereuses (sic) (5), et en décembre, un moratoire était décrété sur le photovoltaïque. Quatre mesures ; deux pour soutenir le fossile & le fissile et deux pour sceller le sort des renouvelables. CQFD.

2) Le mirage du « made in France »

Pendant le moratoire sur le solaire PV (photovoltaïque) début 2011, la Commission Charpin a lassé tout le corpus français des ENR (6) pour expliquer qu’il fallait éviter que les modules chinois nous inondent car c’était là que se nichait la plus grande valeur ajoutée. Affirmons – le : la valeur ajoutée d’un site de production renouvelable n’est pas dans le module PV (ni dans l’éolienne). Elle réside dans la qualité du site (7) car celui – ci rapportera des millions de kWh verts au pays ad vitam aeternam et limitera, incidemment, les importations d’énergie fossile qui plombe notre solde extérieur. Si le gouvernement chinois subventionne son industrie solaire, profitons – en ! Nous achèterons alors à très bon marché une technologie qui val orise nos ressources locales. Rien ne sert de s’apitoyer ni de tenter de raviver d’inefficaces méthodes (8). La France a aujourd’hui perdu le match industriel des éoliennes et du solaire, faute d’y croire. Limite – t – on aujourd’hui l’import d’écrans plats ou d’ iPhone ? La valeur ajoutée réside – t-elle dans le matériel (9) ? Deux fois « non ».

3) L’éolien au forceps

« Grâce » au Grenelle de l’environnement, il faut aujourd’hui 8 – 10 ans pour construire un parc éolien, soit presque autant que pour un EPR ! Parfois, c’est même beaucoup plus long avec « l’aide » des recours administratifs des ayatollahs de la FED (10) (dont on se demande toujours pour qui roulent – ils ). Quand on pense qu’une éolienne doit dorénavant subir la même procédure administrative qu’une raffinerie, une gr ande porcherie ou une usine chimique… Dans ce secteur, comme dans celui du photovoltaïque, la première des priorités est de simplifier les procédures. Il viendra rapidement un jour où les éoliennes seront « d’intérêt public ».

4) Le solaire sous la guillotine

Depuis qu’il existe un quota annuel et une procédure d’appel d’offres pour les projets de plus de 100 kW, le résultat est patent : (i) la moyenne des tarifs proposés est supérieure aux tarifs réglementés et (ii) les projets soumis lors du 1er appel d’offres représentent 10 fois le quota. Comment n’accepter qu’un projet sur 10 à l’aune de notre retard vis – à – vis des objectifs européens ? Et, si les prix proposés sont supérieurs à la loi, que fait- on de celle – ci ? Les appels d’offres n’ont jamais été efficaces dans un secteur qui, avant tout, a besoin d’une visibilité à long terme et qui souhaite que cessent ces politiques de « stop & go » . Répétons- le : il faut simplifier le millefeuille tarifaire et réglementaire. Etre obligé de passer par un appel d’offre national pour une puissance supérieure à 100 kW (11) est grotesque. Limiter à 500 MW/an le développement du solaire avec des tarifs qui diminuent est un repoussoir économique (qui investit sur un marché dont le volume se réduit ?).

Que faut- il ? Abroger le quota, restaurer les tarifs règlementés avec une décroissance prévisible et les simplifier. Un tarif pour les particuliers jusqu’à 9 kW ( sans distinction absconse entre intégré, semi- intégré, surimposé…), un tarif pour les installations = 250 kW, un tarif pour les installations = 4,5 MW et, à l’extrême rigueur, une procédure d’appel d’offre pour les installations > 4,5 MW.

5) Réindustrialiser en protégeant les « petits »

Il n’existe qu’un seul pays qui a pu se permettre, en pleine crise mondiale, d’abattre un secteur nécessaire à l’intérêt général. Les milliers de PME créées depuis 2007 ont donc fait long feu, dans l’indifférence générale. Ne subsistent pratiquement que la « bande des quatre » de l’énergie (EDF, GDF – Suez, Areva et Altsom) . De mémoire d’homme, ces sociétés ont pourtant toujours agi pour limiter le développement des énergies renouvelables. On le constate tristement aujourd’hui avec la diminution du nombre de projets éoliens ou solaires en développement (de – 30 à – 50%). Les Allemands, encore eux, avaient compris cela dès l’élaboration de leur loi de priorité aux énergies renouvelables (dite « EEG ») : le marché fut interdit aux gros opérateurs. Dix ans après, des milliers de PME exportent leurs savoir – faire dans le monde entier. La répétition est nécessaire : voilà une belle démonstration de politique industrielle .

Fin 2011, le futur nouveau président souhaitait (12) que le CEA et Areva soient les « fers de lance » de la transition énergétique. Tentons de le convaincre que ce n’est absolument pas une bonne idée. Le redressement productif ne peut se passer d’une relance immédiate des ENR par les PME, seules capables de le faire dans l’intérêt général.

6) Les coûts négligeables de la transition énergétique

Un des principaux moteurs idéologiques de la casse des ENR est son coût, annoncé comme insupportable. Nous disposons aujourd’hui d’un ensemble d’informations qui permet de relativiser (13) et d’affirmer trivialement : (i) l’énergie, notamment nucléaire, coutera plus cher demain, (ii) l’énergie qu’on économise coûte moins cher, (iii) l’énergie qu’on produit sur le territoire national est un atout.

Nous plaidons évidemment pour un tarif social des kWh, c’est- à – dire proportionnel à la consommation : plus on consomme et plus on paye cher le kWh.

Mais regardons l’impact des renouvelables sur notre facture d’électricité. Au travers de la CSPE (14), tout consommateur participe au financement des ENR. Pour être précis, les particuliers contribuent à 37% du total et le solaire ne représente que 26% (15). Bref, pour une facture annuelle moyenne d’environ 200 € par habitant (16), la contribution au solaire ne représente que 1€ /an et celle à l’éolien, 0,5 € /an. Bref, multiplier par 5, 10 ou 20 la part du renouvelable n’est absolument pas un sujet politique. Rappelons qu’EDF annonce depuis longtemps un relèvement du prix du kWh de 30 % d ans les 5 ans, soit 60 € de plus par an. Il faudra s’y faire et cela n’a rien à voir avec les ENR.

Mais, pour que le prix du kWh (0,13€ /kWh) atteigne le niveau allemand (0,26 € /kWh – objectif inavoué du service « public » EDF– ), nous avons énormément de marge pour une politique ambitieuse, originale et créatrice d’emplois.

N’attendons pas qu’il n’y ait plus de vent pour prendre la mer car rien ne coûte plus cher que l’inaction.

Notes et références :

1 Energies Nouvelles & Renouvelables
2 Vaste tissu des PME allemandes
3 Décret du 4 mars 2011 sur le photovoltaïque, décret du 23 août 2011 sur l’éolien.
4 Objectif dit du « 3 x 20 » : 20% de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 20% d’économie d’énergie, 20% d’électricité renouvelable.
5 ICPE : Installation Classée pour la Protection de l’Environnement
6 P rofessionnels, syndicats, associations …
7 Donc s o n ingénierie, sa construction et son exploitation.
8 Cf. blocage des magnétoscopes à Poitiers en 1983 !
9 D ont la part dans le coût total d’un projet ne cesse de décroitre (hier plus de 60%, aujourd’hui moins de 30%).
10 Fédération Environnement (sic) Durable (re- sic). L’intitulé prête en effet à rire tant la FED est devenue la « mère tape – dur » des énergies ren ouvelables en France :
ramassis de châtelains aigris, de retraités des industries polluantes et de thuriféraires du nucléaire.
11 Soit l’é quivalent à la consomm ation annuelle de 60 personnes !
12 Le Monde, 28 novembre 2011
13 Rapport de la cour des comptes sur le nucléaire (31/1/2012), dossiers des associations FNE, négaWatt, Global Chance, etc.
14 Contribution au Service Publique de l’Electricité : 0,0075 euros par kWh
15 http://www.cre.fr/dossiers/la- cspe
16 1500 kWh/an à 0,13 € /kWh, hors chauffage

[ Archive ] – Cet article a été écrit par Benoît Praderie

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