Réduire de 5 à 10% l’énergie des immeubles d’une Ville (entière !)

Concept général

Le procédé CORSAIRE vise à corriger de 5 à 10°C (utiles) la chute hivernale de la température des réseaux d’eau potable urbain (de moyenne et haute latitudes) avec de l’énergie-chaleur « fatale » issue de sites industriels situés en périphérie des villes, tels que par exemples, centrales thermoélectriques (1/2 à 2/3 de l’énergie primaire perdue), usines d’incinération, stations de traitement d’eaux usées (en sortie), etc.

Depuis un bassin tampon couvert de la source de rejets thermiques, au moyen d’une pompe et d’une conduite d’adduction, l’eau industrielle « caloporteuse » (15 – 25°C) est approchée du Réseau d’Eau Potable urbain (REP) qui en semestre d’hiver est plutôt glacé (6 – 10°C). La chaleur de l’eau industrielle est ensuite cédée à l’eau potable dans une Station d’Echange Thermique (SET) constituée uniquement d’une batterie d’échangeurs de chaleur à plaques en acier inoxydable. La puissance thermique reçue par m3/s d’eau potable est de 4’200 kW par degré d’élévation de sa température (C eau= 4,2 kJ/kg.K).

Un bassin-déversoir sommital assure que la pression de l’eau industrielle reste inférieure à celle de l’eau potable, empêchant sa contamination en cas de fuite dans l’échangeur de chaleur. Ce bassin-déversoir permet également un pompage d’adduction en « heures creuses ». En sortie de la SET, l’eau industrielle refroidie peut être restituée au cours d’eau le plus proche sans impact thermique sur le milieu ; ceci durant tout le semestre d’hiver (saison de chauffage de l’habitat).

 schéma de principe du procédé CORSAIRE

 Fig. 1 : schéma de principe du procédé CORSAIRE
 
Le REP n’étant pas isolé, l’eau potable déglacée va perdre dans le sol une partie (± 1/3) de sa chaleur reçue et donc se refroidir à nouveau durant son transport et sa distribution. Le gain en température chez les consommateurs finaux est alors encore de 5 à 10°C. Le contenu énergétique de 1 m3 d’eau potable augmentée de 10°C est de 42 MJ, équivalent à 1 kg de fioul ou 1,2 Nm3 de gaz naturel ou encore 12 kWh d’électricité.

A titre d’exemple, pour Paris « intra-muros » (2,1 millions d’habitants + 1,4 millions de pendulaires), soit environ 600’000 m3 d’eau potable par jour, durant la saison officielle de chauffage (du 1er octobre au 20 mai, soit 232 j/an), un gain de 10 °C sur l’eau potable correspondrait à une fourniture énergétique « nette » (sans perte chaudière) de 1,6 TWh, soit 140’000 tonnes équivalent pétrole et 300’000 tonnes d’émissions de CO2 (en moins). C’est encore égale à 10% des 16 TWh/an de consommation des 100’000 immeubles résidentiels parisiens et 1/3 de leur objectif de réduction pour 2020 du Plan Climat de Paris…

 

Qualité sanitaire de l’eau potable

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande pour l’eau potable en réseau une température cible de 8 à 15°C, avec un maximum autorisé de 25°C, au moment de sa fourniture aux consommateurs. Une dégradation de la qualité microbiologique de l’eau potable en réseau peut provenir en été par son échauffement progressif dans le terrain sous la chaussée chauffée par le soleil et/ou par un débit insuffisant, voir une stagnation prolongée en extrémité du réseau. A contrario, en hiver l’eau potable déglacée à 16-18°C par le procédé CORSAIRE et qui tarderait à être distribuée redeviendrait spontanément à sa température originelle de « réfrigérateur », réduisant ainsi naturellement l’activité microbiologique. Le procédé CORSAIRE s’appliquerait donc, largement en dessous de la limite supérieure de l’OMS, à des agglomérations urbaines de densité suffisante où la distribution de l’eau potable, depuis sa « production », est relativement rapide (quelques heures au maximum) et évidemment où sa température hivernale d’origine est faible (condition climatique minimale).

 
Impact sur l’Eau Chaude Sanitaire (ECS)

Des mesures faites à Genève (sur 1’000 éq. logements), pour l’évaluation des performances d’installations thermo-solaires de préchauffage de l’Eau Chaude Sanitaire (ECS), ont montré que l’eau froide à l’entrée des immeubles varie entre 17°C en été et 6°C en hiver (± 2°C en dehors de la « cible » 8-15°C de l’OMS), alors que la demande d’énergie pour la production d’ECS double en hiver p.r.p. à l’été.

 
Evolution saisonnière de la température de l’eau potable du réseau urbain (à Genève) et besoin correspondant d’énergie pour la production d’Eau Chaude Sanitaire (ECS)
 
Fig.2 : Evolution saisonnière de la température de l’eau potable du réseau urbain (à Genève) et besoin correspondant d’énergie pour la production d’Eau Chaude Sanitaire (ECS)
 

La correction hivernale de la température de l’eau froide vers celle de l’été, par le procédé CORSAIRE, permettrait une économie énergétique annuelle pour l’ECS d’environ 1/3, soit 1/10 de l’Indice de Dépense de Chaleur d’un immeuble d’habitation standard (600-800 MJ/m²an pour le chauffage + ECS à Genève).

 
Impact sur l’Electricité

En plus d’une éventuelle production d’ECS d’origine électrique, les lave-linge et lave-vaisselle utilisent près de 90% de leur consommation électrique pour chauffer l’eau, avec un accroissement hivernal conséquent de l’ordre de 20 % vis-à-vis de l’été. La majorité des ménages utilisent ces machines la journée. L’électricité effaçable par le procédé CORSAIRE est donc ici aux tarifs «Heures Pleines» et «Pointes Mobiles», aux coûts marginaux particulièrement élevés (10 x le tarif de base). Hors chauffe-eau électrique, pour ces machines on peut déjà escompter une économie d’énergie électrique de l’ordre de 5%. Par ailleurs, rincer à l’eau tempérée (16°C) plutôt que glacée (6°C) en hiver réduit le « durcissement » par choc thermique du linge et donc en fin de compte le travail et l’énergie (électrique) pour son repassage.

 
Impact sur le Chauffage

La stagnation temporaire et systématique de l’eau froide dans les nombreux réservoirs (chasses d’eau) et les cuvettes des toilettes constitue une source « parasite » et inattendue de perte thermique. Chaque action d’une chasse d’eau peut emporter jusqu’à 700 kJ de chaleur pris sur le chauffage de l’immeuble (13 litres d’eau avec un échauffement parasite de 13°C en hiver).

 volution asymptotique de la température de l’eau froide des toilettes à Genève (accroissement moyen de 8°C déjà au début de la saison de chauffage !)

Fig.3 : Evolution asymptotique de la température de l’eau froide des toilettes à Genève (accroissement moyen de 8°C déjà au début de la saison de chauffage !)

 
Cette tendance a également été observée à Genève, lors de mesures faites sur une semaine, montrant que l’eau dans un réservoir augmente en moyenne déjà de 8°C au mois d’octobre soit en début de la saison de chauffage (fig. 3 ci-dessus). L’impact final des WC va néanmoins dépendre du temps moyen de résidence de l’eau dans le réservoir et la cuvette des toilettes, de son isolement thermique et de la ventilation des lieux (ventilateur temporisé, récupération de chaleur sur la ventilation à double flux, etc.).

En résumé

Le procédé CORSAIRE pourrait abaisser de 5 à 10% (± 1% / °C utile) la demande de chaleur de toute une agglomération urbaine, de moyenne à haute latitude, sans intervention ou équipement sur les immeubles desservis. L’infrastructure CORSAIRE bénéficierait d’une grande économie d’échelle et d’un effet d’aubaine. Elle se limiterait principalement à un bassin-tampon couvert, un bassin-déversoir sommital, une pompe, une conduite d’adduction de l’eau industrielle caloporteuse et une Station d’Echange Thermique (SET). La distribution finale de l’énergie-chaleur étant assurée par le réseau d’eau potable urbain (déjà existant).

Le procédé CORSAIRE entraînerait de facto une redistribution entre tous les flux d’énergie(s) entrant et sortant des immeubles chauffés ; réduisant (par anticipation externe) la « perte par consommation d’eau ». A terme, l’assainissement énergétique des bâtiments (isolation, récupération sur la ventilation, sur les eaux usées, électroménagers efficaces), fera augmenter l’importance relative de l’énergie dans la consommation d’eau potable du réseau et donc aussi l’impact du procédé CORSAIRE (± 50% du bilan énergétique d’un Bâtiment Basse Consommation).

 
(E)au secours ! Appel urgent pour une collaboration élargie

Le „Projet“ CORSAIRE fut inscrit au Plan directeur de l’Energie du Canton de Genève 2001-2005. Au préalable d’une éventuelle réalisation concrète, il était divisé en plusieurs études approfondies et spécifiques: impact énergétique (avec immeuble test), qualité sanitaire (bactériologique et physico-chimique), intégrité physique du réseau d’eau potable urbain, faisabilité technique et financière, potentiel d’application et acceptabilité publique; le tout pour un budget d’environ 3 millions de francs suisses (2 M€).

Ces études préliminaires de faisabilité auraient permis de décider de réaliser ou non un quartier d’habitation pilote (première mondiale), suivi d’une implantation à l’échelle du centre-ville de Genève (± 220’000 habitants = 1/2 du Canton). Son potentiel d’économie, en fioul, gaz et électricité, équivaut à 10’000 tonnes équivalent pétrole, d’une valeur d’environ 10 millions de francs suisses (7M€) et à 24’000 tonnes de CO2/an[1] ! En ordre de grandeur c’est 1/10 de l’impact sur Paris « intra-muros » ; à extrapoler aussi p. ex. pour : Bruxelles, Londres, Berlin, Prague, Moscou, Pékin, Québec, Stockholm, etc.

Toutefois, 15 ans de tergiversations font que ce programme de recherche approfondie et pluridisiplinaire est sans cesse reporté; un paradoxe compte tenu des ambitieux objectifs énergétiques de l’Etat et de la Ville de Genève. Dès lors, une collaboration élargie (p. ex. un partenariat inter-villes) est vivement souhaitée par William van Sprolant, inventeur du procédé CORSAIRE et directeur du bureau CvS énergies sàrl ( [email protected] )!

 Pour conclure, l’illustre Jet d’eau de Genève est (à l’époque de la construction de la Tour Eiffel) à l’origine d’une co-fourniture d’énergie mécanique par le réseau d’eau potable aux machines des artisans genevois (de 1886 à 1960). Le procédé CORSAIRE, en co-fournissant cette fois de l’énergie-chaleur par le dit réseau, renouerait Genève avec son Histoire industrielle…

[1] Le potentiel de réduction d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) serait de 2 ou 3 kg par m3 d’eau potable relevée de 10°C par substitution « nette » (sans pertes chaudière) de 42 MJ à la production d’Eau Chaude Sanitaire et au chauffage, respectivement au gaz naturel ou au mazout ; il est même de 6 kg de CO2/m3 d’eau en substitution à l’électricité (selon l’ADEME et RTE, le contenu marginal CO2 du mix européen d’électricité est de 0,5 à 0,6 kg CO2/kWh).

 

[ Archive ] – Cet article a été écrit par William Van Sprolant

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