L’énergie solaire, abondante et gratuite, est en passe de devenir la principale source d’énergie mondiale d’ici 2050. Grâce aux avancées technologiques et à la fabrication massive de cellules solaires, une transition énergétique réussie semble à portée de main.
Le potentiel de l’énergie solaire
Les rayons du soleil constituent la source de toute l’énergie renouvelable sur Terre. Cette manne céleste fournit l’équivalent d’un baril (159 litres) de pétrole par mètre carré par an, du moins dans les régions ensoleillées comme le canton du Valais en Suisse, et ce, sans aucun coût.
De plus, notre capacité à convertir l’énergie solaire en électricité ne cesse de croître. Cela s’explique en partie par les améliorations constantes apportées par les ingénieurs pour augmenter les rendements des cellules photovoltaïques (PV), mais aussi par l’augmentation de l’offre et de la demande pour ces unités. En 2023, près de 375 GW de capacité de panneaux solaires ont été installés dans le monde, soit quatre fois plus qu’en 2019 et vingt fois plus qu’en 2010. C’est beaucoup, mais encore insuffisant.
Les défis de la transition énergétique
Christophe Ballif, directeur du Laboratoire de photovoltaïque et d’électronique à couches minces (PV Lab) de l’EPFL à Neuchâtel, met ces chiffres en perspective : «D’ici 2050, il faudra remplacer 80 % des combustibles fossiles que nous utilisons actuellement par des énergies propres. C’est un défi énorme. Si nous continuons au même rythme qu’en 2023, avec 375 GW de capacité solaire et 110 GW de capacité éolienne installés, il faudra environ 120 ans pour y parvenir. Mais notre objectif est de réaliser la transition énergétique en 30 ans, un délai plus raisonnable compte tenu de la crise climatique. Cela signifie qu’il faudra augmenter la capacité annuelle d’installation solaire par un facteur de près de quatre, pour atteindre 1 500 GW.»
Pourtant, il pense que cela est possible : «La Chine a investi entre 60 et 80 milliards de dollars au cours des trois dernières années dans de nouvelles capacités de fabrication, de la production de polysilicium aux unités solaires complètes. D’ici l’année prochaine au plus tard, elle devrait disposer de la capacité de production requise. Mais cet effort herculéen du côté de l’offre arrive en fait un peu trop tôt. Nous sommes clairement dans une situation de surcapacité.»
Une combinaison de solaire et d’éolien
L’énergie solaire représentera une part croissante du mix énergétique mondial, ce qui est une bonne nouvelle.
En Suisse, le gouvernement a fixé des objectifs pour la transition vers l’énergie solaire et d’autres types d’énergies renouvelables d’ici 2050. L’objectif est que les énergies renouvelables fournissent 45 TWh, soit plus de la moitié de la demande totale d’électricité du pays sur la base des niveaux actuels. Les experts s’accordent à dire que la manière la plus efficace d’atteindre cet objectif est de combiner le solaire avec d’autres formes d’énergie propre : l’hydroélectricité, bien sûr, mais idéalement aussi une quantité importante d’énergie éolienne.
Pour être utilisées avec les réseaux électriques, l’énergie solaire et l’énergie éolienne doivent être couplées à un ou plusieurs systèmes de stockage tels que des batteries, des barrages et du gaz de synthèse. Pour les batteries en particulier (y compris les batteries de véhicules électriques), la Chine est une fois de plus le leader mondial de la fabrication. Là aussi, le pays a réalisé des investissements massifs dans de nouvelles installations.
«La Chine inonde le marché et surproduit au point où les prix s’effondrent, tant pour les batteries que pour les unités solaires,» explique Christophe Ballif. «C’est bon pour les consommateurs et la transition énergétique en général, mais cela créera une forme de dépendance que nous ne souhaitons pas. Les gouvernements d’autres régions, y compris en Europe, doivent construire et étendre leur capacité de fabrication afin de rendre le marché plus résilient.»
Prévisions pour l’énergie solaire en Suisse
Les prévisions de l’Office fédéral de l’énergie indiquent que l’énergie solaire sera un élément clé du mix énergétique du pays en 2050. «Le potentiel de l’énergie solaire est indéniable,» ajoute Christophe Ballif.
«Les cellules PV peuvent être intégrées dans l’architecture des bâtiments, placées sur les toits des supermarchés et leurs parkings, par exemple, et installées en montagne, où les modèles à panneaux bifaciaux – qui peuvent également capter la lumière du soleil réfléchie par la neige – sont particulièrement efficaces en hiver. La capacité totale installée en Suisse était de 1,5 GW en 2023, ce qui peut générer 1,5 TWh d’énergie solaire par an. Cette énergie renouvelable devrait atteindre 10 % de notre mix énergétique en 2024. Elle est donc en bonne voie pour contribuer de manière significative à l’objectif du gouvernement de produire 45 TWh d’énergie à partir de sources renouvelables.»
Redéfinir la géopolitique
À une échelle plus large, la pression exercée par les fabricants chinois sur les prix des composants PV et éoliens, des batteries et des électrolyseurs pourrait modifier substantiellement le paysage géopolitique.
«À ces prix, les opérateurs pourraient construire des centrales dans les déserts africains et produire de l’électricité à moins de 1,3 centime par kWh. C’est cinq à dix fois moins cher que le coût dans les centrales nucléaires nouvellement construites. Cela rendrait plus économique la production d’hydrogène propre par électrolyse de l’eau que la production d’hydrogène gris à partir de gaz naturel,» précise Christophe Ballif. «Une autre option pourrait être de transformer l’hydrogène en ammoniac, initialement pour une utilisation dans les engrais agricoles et plus tard pour le transport de l’énergie vers l’Europe.»
Si l’énergie renouvelable devient aussi bon marché, de nombreux gouvernements et entreprises pourraient être tentés d’accroître leur soutien à la transition énergétique, simplement parce que cela a du sens sur le plan financier. Cela porterait un coup aux nations exportatrices de pétrole comme la Russie et l’Arabie Saoudite. «La Chine pourrait bien sauver la planète – mais cela créera d’autres défis !» conclut Christophe Ballif.