Les incendies de forêt représentent une menace grandissante pour les populations et l’environnement. Une innovation scientifique pourrait apporter une solution efficace pour protéger les habitations et les infrastructures critiques face à ce phénomène destructeur.
Une équipe de chercheurs a mis au point un gel hydrophile destiné à être pulvérisé sur les bâtiments et les infrastructures essentielles. L’objectif de cette innovation est d’empêcher leur combustion lors des feux de forêt. Les résultats de ces travaux démontrent que les nouveaux gels sont plus durables et nettement plus efficaces que les produits commerciaux existants.
«Dans des conditions typiques d’incendie de forêt, les gels hydrophiles actuels s’assèchent en 45 minutes. Nous avons développé un gel qui offrirait une fenêtre d’application plus large – il peut être pulvérisé bien avant l’arrivée du feu tout en conservant son efficacité protectrice – et il fonctionnera mieux lorsque l’incendie surviendra.» a indiqué Eric Appel, professeur associé de science et d’ingénierie des matériaux à l’École d’ingénierie à l’université de Stanford.
Une protection durable contre les flammes
Les gels gel hydrophiles sont composés de polymères super-absorbants, similaires à la poudre absorbante que l’on trouve dans les couches jetables. Mélangés à de l’eau et pulvérisés sur un bâtiment, ils se gonflent en une substance gélatineuse qui adhère à l’extérieur de la structure, créant ainsi un bouclier épais et humide.
Dans le gel conçu par le professeur Appel et ses collègues, l’eau ne constitue que la première couche de protection. En plus d’un polymère à base de cellulose, le gel contient des particules de silice qui subsistent lorsque les gels sont soumis à la chaleur. Changxin Dong, auteure principale de l’étude, précise : «Nous avons découvert un phénomène unique où un hydrogel mou et spongieux se transforme sans heurts en un bouclier d’aérogel robuste sous l’effet de la chaleur, offrant une protection améliorée et durable contre les incendies de forêt.»
Le professeur Appel ajoute pour sa part : «Lorsque l’eau s’évapore et que toute la cellulose brûle, il ne reste que les particules de silice assemblées en une mousse. Cette mousse est hautement isolante et finit par disperser toute la chaleur, protégeant complètement le substrat sous-jacent.»
Des performances exceptionnelles face au feu
Les chercheurs ont testé plusieurs formulations de leur nouveau gel en les appliquant sur des morceaux de contreplaqué et en les exposant à la flamme directe d’un chalumeau à gaz, qui brûle à une température considérablement plus élevée qu’un feu de forêt. Leur formulation la plus efficace a résisté pendant plus de 7 minutes avant que le bois ne commence à carboniser. En comparaison, un gel gel hydrophile disponible dans le commerce, testé dans les mêmes conditions, n’a protégé le contreplaqué que pendant moins de 90 secondes.
«Les gels traditionnels ne fonctionnent plus une fois qu’ils sont secs. Nos matériaux forment cet aérogel de silice lorsqu’ils sont exposés au feu, qui continue de protéger les substrats traités après l’évaporation de toute l’eau. Ces matériaux peuvent être facilement lavés une fois l’incendie éteint.» souligne une nouvelle fois le professeur Appel.
Une découverte fortuite
Les nouveaux gels s’appuient sur les travaux antérieurs du professeur Appel en matière de prévention des incendies de forêt. En 2019, Appel et ses collègues ont utilisé ces mêmes gels comme vecteur pour maintenir des retardateurs de feu sur la végétation pendant plusieurs mois. La formulation visait à prévenir l’ignition dans les zones sujettes aux incendies de forêt.
Eric Appel raconte pour finir : «Nous travaillons avec cette plateforme depuis des années maintenant. Ce nouveau développement était quelque peu fortuit – nous nous demandions comment ces gels se comporteraient seuls, alors nous en avons simplement appliqué sur un morceau de bois et l’avons exposé aux flammes d’un chalumeau que nous avions dans le laboratoire. Ce que nous avons observé était un résultat super cool où les gels se sont gonflés en une mousse d’aérogel.»
Après ce succès initial, il a fallu plusieurs années d’ingénierie supplémentaire pour optimiser la formulation. Le gel est désormais stable lors du stockage, facilement pulvérisable avec un équipement standard et adhère bien à toutes sortes de surfaces. Les gels sont composés d’éléments non toxiques déjà approuvés pour utilisation par le Service des forêts des États-Unis, et les chercheurs ont mené des études montrant qu’ils sont facilement décomposés par les microbes du sol.
Légende illustration : Lors d’un test sur du contreplaqué, les chercheurs ont montré comment le nouveau gel passe d’un hydrogel à un aérogel sous l’effet de la chaleur d’un chalumeau à gaz. La torche a brûlé à une température beaucoup plus élevée que celle d’un feu de forêt. Crédit : Andrea d’Aquino
Article : ‘Water-Enhancing Gels Exhibiting Heat-Activated Formation of Silica Aerogels for Protection of Critical Infrastructure During Catastrophic Wildfire’ / ( 10.1002/adma.202407375 ) – Stanford University – Publication dans la revue Advanced Materials / 21-Aug-2024