Depuis les années 1960, les lasers ont transformé de nombreux domaines scientifiques. Les chercheurs s’efforcent d’augmenter la puissance de crête des lasers et de concevoir des machines produisant une lumière cohérente à des longueurs d’onde de plus en plus courtes, améliorant ainsi la résolution des images et permettant l’exploration des états nucléaires quantiques.
Des avancées significatives ont été réalisées, notamment avec l’invention de l’amplification par déformation temporelle des impulsions par des chercheurs de l’Université de Rochester dans les années 1980. Cette innovation a valu le prix Nobel de physique en 2018.
Malgré ces progrès, la production de lumière cohérente à très haute énergie, comme les rayons gamma, reste un défi. Les ondes lumineuses cohérentes étant synchronisées entre elles, elles créent un effet plus puissant en combinaison. Cependant, cet effet est plus difficile à obtenir à des énergies de photons plus élevées.
Actuellement, les lasers peuvent produire une lumière cohérente dans les gammes visible, ultraviolette et rayons X du spectre électromagnétique. Toutefois, aller au-delà de la gamme des rayons X, où se trouvent les rayons gamma, demeure complexe.
Pour relever ce défi, des chercheurs de Rochester ont obtenu un financement de la National Science Foundation (NSF) en collaboration avec des collègues d’ELI Beamlines en République tchèque. Leur objectif est d’étudier les propriétés de cohérence du rayonnement émis lorsque des faisceaux denses d’électrons entrent en collision avec un champ laser intense.
En comprenant comment produire des rayons gamma cohérents, ces nouvelles sources de rayonnement pourraient être utilisées pour créer de l’antimatière, étudier des processus nucléaires et imager des objets ou matériaux denses, comme le contrôle des conteneurs de transport.
Antonino Di Piazza, professeur de physique à l’Université de Rochester et scientifique distingué au Laboratoire d’Énergétique Laser de l’université, souligne : « La capacité de produire des rayons gamma cohérents constituerait une révolution scientifique dans la création de nouvelles sources lumineuses, similaire à la découverte et au développement des sources de lumière visible et de rayons X qui ont transformé notre compréhension fondamentale du monde atomique. »
Le projet combine l’expertise théorique des scientifiques de Rochester avec les capacités théoriques et expérimentales d’ELI Beamlines en République tchèque, renforçant ainsi les liens entre les États-Unis et l’Europe dans le domaine des lasers à haute intensité.
Les chercheurs utiliseront des théories complexes et des expériences de haute technologie pour étudier comment les électrons en mouvement rapide interagissent avec le laser pour émettre une lumière à haute énergie. Ils commenceront par examiner des cas plus simples, comme la manière dont un ou deux électrons émettent de la lumière, avant de passer à des scénarios plus complexes avec de nombreux électrons pour produire des rayons gamma cohérents.
Di Piazza précise : « Nous ne sommes pas les premiers scientifiques à tenter de créer des rayons gamma de cette manière, mais nous utilisons une théorie entièrement quantique – l’électrodynamique quantique – qui est une approche avancée pour aborder ce problème. »
Si le projet réussit, il pourrait conduire à la création d’un laser à électrons libres gamma, un objectif majeur pour la communauté scientifique, selon Di Piazza. « Bien sûr, la première étape consiste à montrer que la science est possible avant de construire un tel dispositif, » ajoute-t-il.
Légende illustration : un projet de recherche récemment financé associe l’expertise théorique des scientifiques de l’université de Rochester aux capacités théoriques et expérimentales des lignes de faisceaux ELI en République tchèque. Sur la photo, le compresseur permettant de générer les impulsions laser de très haute intensité nécessaires au projet. (Photo avec l’aimable autorisation d’ELI Beamlines)