Un moyen plus simple de connecter les ordinateurs quantiques sur grandes distances

Un moyen plus simple de connecter les ordinateurs quantiques sur grandes distances

Une nouvelle approche prometteuse pour connecter des dispositifs dont les ordinateurs quantiques sur de longues distances, étape nécessaire pour permettre à cette technologie de jouer un rôle dans les futurs systèmes de communication.

Un signal quantique difficile à transmettre

Alors que les signaux de données classiques peuvent être amplifiés à travers une ville ou un océan, les signaux quantiques ne le peuvent pas. Ils doivent être répétés à intervalles réguliers, c’est-à-dire arrêtés, copiés et transmis par des machines spécialisées appelées répéteurs quantiques. De nombreux experts pensent que ces répéteurs quantiques joueront un rôle clé dans les futurs réseaux de communication, permettant une sécurité renforcée et des connexions entre des ordinateurs quantiques distants.

Une nouvelle approche qui promet

L’étude de Princeton, publiée le 30 août dans Nature, détaille les bases d’une nouvelle approche pour construire des répéteurs quantiques. Elle envoie de la lumière prête pour les télécommunications émise par un seul ion implanté dans un cristal. Cet effort a demandé de nombreuses années de travail, selon Jeff Thompson, l’auteur principal de l’étude. Les travaux ont combiné des avancées dans la conception photonique et la science des matériaux.

D’autres conceptions de pointe de répéteurs quantiques émettent de la lumière dans le spectre visible, qui se dégrade rapidement sur la fibre optique et doit être convertie avant de parcourir de longues distances. Le nouveau dispositif est basé sur un seul ion de terre rare implanté dans un cristal hôte. Et parce que cet ion émet de la lumière à une longueur d’onde infrarouge idéale, il ne nécessite aucune conversion de signal, ce qui peut conduire à des réseaux plus simples et plus robustes.

Un dispositif en deux parties

Le dispositif comporte deux parties : un cristal de tungstate de calcium dopé avec seulement une poignée d’ions erbium, et une pièce nanoscopique de silicium gravée en forme de J. Excité par un laser spécial, l’ion émet de la lumière à travers le cristal. Mais la pièce de silicium, un brin de semiconducteur collé sur le dessus du cristal, capture et guide les photons individuels dans le câble de fibre optique.

Idéalement, ce photon serait codé avec des informations provenant de l’ion, ou plus précisément, d’une propriété quantique de l’ion appelée spin. Dans un répéteur quantique, la collecte et l’interférence des signaux provenant de nœuds distants créeraient une intrication entre leurs spins, permettant la transmission d’états quantiques d’un bout à l’autre malgré les pertes en cours de route.

Un long travail de recherche

L’équipe de Thompson a commencé à travailler avec des ions erbium il y a plusieurs années, mais les premières versions utilisaient des cristaux différents qui hébergeaient trop de bruit. En particulier, ce bruit faisait que la fréquence des photons émis sautait de façon aléatoire dans un processus appelé diffusion spectrale. Cela empêchait la délicate interférence quantique nécessaire au fonctionnement des réseaux quantiques.

Pour résoudre ce problème, son laboratoire a commencé à travailler avec Nathalie de Leon, professeure associée de génie électrique et informatique, et Robert Cava, éminent scientifique des matériaux solides et professeur Russell Wellman Moore de chimie à Princeton, pour explorer de nouveaux matériaux pouvant héberger des ions erbium uniques avec beaucoup moins de bruit.

Ils ont réduit la liste des matériaux candidats de centaines de milliers à quelques centaines, puis à une douzaine, puis à trois. Chacun des trois finalistes a pris six mois à tester. Le premier matériau s’est avéré ne pas être assez clair. Le deuxième a provoqué de mauvaises propriétés quantiques de l’erbium. Mais le troisième, le tungstate de calcium, était parfait.

Une preuve de concept réussie

Pour démontrer que le nouveau matériau convient aux réseaux quantiques, les chercheurs ont construit un interféromètre où les photons passent aléatoirement par l’un des deux chemins : un chemin court de quelques mètres, ou un chemin long de 22 miles (environ 35 km – fait de fibre optique enroulée). Les photons émis par l’ion peuvent emprunter le chemin long ou le chemin court, et environ la moitié du temps, des photons consécutifs empruntent des chemins opposés, et arrivent à la sortie en même temps.

Lorsqu’une telle collision se produit, l’interférence quantique amène les photons à quitter l’interféromètre par paires si et seulement si ils sont fondamentalement indiscernables – ayant la même forme et fréquence. Sinon, ils quittent l’interféromètre individuellement.

En observant une forte suppression – jusqu’à 80% – de photons individuels à la sortie de l’interféromètre, l’équipe a prouvé de manière concluante que les ions erbium dans le nouveau matériau émettent des photons indiscernables. Selon Salim Ourari, étudiant diplômé qui a codirigé la recherche, cela place le signal bien au-dessus du seuil hi-fi.

Des travaux à poursuivre

Bien que ce travail franchisse un seuil important, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour améliorer le temps de stockage des états quantiques dans le spin de l’ion erbium. L’équipe travaille actuellement à la fabrication d’un tungstate de calcium encore plus raffiné, avec moins d’impuretés qui perturbent les états de spin quantique.

En synthèse

Cette nouvelle étude démontre le potentiel d’une approche prometteuse pour connecter des dispositifs quantiques sur de longues distances, en utilisant un ion erbium unique implanté dans un cristal de tungstate de calcium. Ce matériau permet d’émettre une lumière infrarouge idéale pour les télécommunications, sans conversion de signal.

Les chercheurs ont réussi une preuve de concept en démontrant que les photons émis sont indiscernables, condition nécessaire pour les réseaux quantiques. Des travaux sont encore nécessaires pour améliorer le stockage quantique, mais cette avancée ouvre la voie à de futurs réseaux quantiques longue distance.

Pour une meilleure compréhension

Pourquoi les signaux quantiques son difficiles à transmettre sur de longues distances ?

Contrairement aux signaux classiques, les signaux quantiques ne peuvent pas être amplifiés et doivent être répétés à intervalles réguliers par des répéteurs quantiques, d’où la difficulté sur de longues distances.

En quoi cette nouvelle approche est-elle prometteuse ?

Elle utilise un ion erbium unique émettant une lumière infrarouge idéale pour les télécommunications, sans nécessiter de conversion du signal, ce qui simplifie les réseaux.

Comment fonctionne le dispositif ?

Il comporte un cristal de tungstate de calcium dopé à l’erbium et une pièce de silicium qui guide chaque photon dans la fibre optique.

Qu’ont démontré les chercheurs ?

Ils ont démontré que les photons émis sont indiscernables, condition nécessaire au fonctionnement des réseaux quantiques.

Que reste-t-il à améliorer ?

Il faut améliorer le temps de stockage quantique dans le spin de l’ion erbium.

Légende illustration principale : Des chercheurs de Princeton ont mis au point une nouvelle approche pour relier des ordinateurs quantiques sur de longues distances. Le nouveau système transmet des signaux à faible perte sur fibre optique en utilisant la lumière dans la bande des télécommunications, un objectif de longue date dans la marche vers des réseaux de communication quantique robustes. Photo par Sameer A. Khan/Fotobuddy

Article : “Indistinguishable telecom band photons from a single erbium ion in the solid state” – DOI: 10.1038/s41586-023-06281-4 

[ Rédaction ]

            

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