L’Antarctique, ce continent de glace et de mystères, continue d’alimenter les recherches scientifiques sur le climat de notre planète. Une nouvelle étape vient d’être franchie avec l’extraction de carottes de glace datant de plus d’un million d’années, ouvrant ainsi une fenêtre sur un passé climatique encore inexploré. Cette découverte promet d’éclairer les mécanismes complexes des glaciations et de l’évolution de l’atmosphère terrestre, apportant des réponses à des questions restées jusqu’alors sans réponse.
Une collaboration internationale de chercheurs, incluant le CNRS et l’Institut polaire français parmi douze institutions, a atteint un record en extrayant de la glace âgée de plus de 1,2 million d’années. Leur travail s’est déroulé sur le site de Little Dome C en Antarctique, où ils ont foré une carotte de 2800 mètres de profondeur.
Les échantillons prélevés permettront de reconstituer les paramètres climatiques et la composition atmosphérique de la Terre bien au-delà des 800 000 ans précédemment documentés. Cet accomplissement marque la fin de la quatrième campagne de terrain du projet européen «Beyond EPICA – Oldest Ice», dont l’objectif est de décrypter les changements dans les cycles glaciaires survenus il y a environ un million d’années.
Analyse des carottes de glace
Les carottes de glace extraites contiennent des informations inestimables sur l’histoire climatique de notre planète. Frédéric Parrenin, chercheur au CNRS, a souligné que «Grâce au système d’analyse isotopique préparé pour le terrain et géré par Amaëlle Landais, chercheuse du CNRS au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, nous sommes capables de voir quasiment en temps réel pendant le forage la succession des cycles glaciaires – interglaciaires enregistrés dans la glace et ainsi confirmer la datation préliminaire.»
Les analyses futures de ces échantillons, une fois de retour en Europe, devraient révéler l’évolution des concentrations de gaz à effet de serre comme le CO2, un facteur clé dans la compréhension des transitions climatiques historiques.
La glace la plus profonde, située à 200 mètres du fond, pourrait aussi contenir des éléments datant de plusieurs millions d’années, bien que l’interprétation de ces données reste complexe en raison de la dégradation possible des informations paléoclimatiques.
Les défis logistiques et scientifiques
Le projet «Beyond EPICA – Oldest Ice» a nécessité un effort logistique considérable, avec l’installation d’un camp de recherche isolé à Little Dome C, supporté par la station Concordia. David Renault, directeur scientifique de l’Institut polaire français, a expliqué que le camp a été déployé et maintenu grâce à des moyens de transport diversifiés, allant des avions aux navires de soutien. Ce projet a également favorisé la formation de jeunes chercheurs, avec quinze bourses de thèse financées par l’Union européenne, permettant à trois doctorants de participer à cette campagne de forage.
L’analyse des échantillons de glace devrait notamment éclaircir la transition du mi-Pléistocène, une période où les cycles glaciaires ont changé de rythme, passant de 41 000 à 100 000 ans. Cette transition est cruciale pour comprendre comment le climat de la Terre a évolué et comment il pourrait réagir aux changements actuels. De plus, l’extraction de roches sous-glaciaires pourrait fournir des indices sur les dernières périodes où l’Antarctique a été libre de glace, offrant une vue d’ensemble encore plus complète sur les dynamiques climatiques passées.
Le projet, coordonné en France par Frédéric Parrenin et en collaboration avec Carlo Barbante de l’Université de Venise, prendra fin en mai 2026. Il implique quatre laboratoires français, renforçant ainsi le rôle de la France dans cette aventure scientifique mondiale.
Légende illustration : Observation de la carotte de glace basale sous lumière rouge. Crédits : ©PNRA/IPEV
Pour en savoir plus sur « Beyond EPICA – Oldest Ice » : www.beyondepica.eu