La lutte contre la pollution par le dioxyde de carbone prend un nouveau tournant avec des recherches intensives sur des solutions biologiques. Les scientifiques explorent des méthodes pour convertir ce gaz à effet de serre en matériaux utiles, offrant ainsi des alternatives durables aux produits dérivés du pétrole. Une équipe de l’Université de Manchester a récemment mis au point une technique qui pourrait bien changer la donne dans ce domaine.
Des scientifiques de l’Université de Manchester ont développé une méthode pour transformer le dioxyde de carbone (CO2) en matériaux bio-sourcés grâce à des cyanobactéries, souvent appelées «algues bleu-vert». Leur travail, publié dans « Biotechnology for Biofuels and Bioproducts », facilite le développement de substituts écologiques aux plastiques issus des combustibles fossiles, contribuant ainsi à l’émergence d’une économie circulaire neutre en carbone.
Les cyanobactéries : acteurs clés de la biotechnologie
Les cyanobactéries se distinguent par leur capacité à réaliser la photosynthèse, transformant la lumière solaire et le CO2 en composés organiques. Elles représentent des candidats idéaux pour les applications industrielles car elles peuvent convertir le CO2, un gaz à effet de serre majeur, en produits de valeur sans recourir aux ressources agricoles traditionnelles comme le sucre ou le maïs. Toutefois, leur croissance lente et leur efficacité limitée ont jusqu’à présent limité leur utilisation à grande échelle.
Dirigée par le Dr Matthew Faulkner, en collaboration avec le Dr Fraser Andrews et le Professeur Nigel Scrutton, l’équipe de recherche s’est concentrée sur l’amélioration de la production de citramalate, une substance servant de précurseur pour les plastiques renouvelables comme le Perspex ou le Plexiglas. En utilisant une approche innovante dénommée «design of experiment», ils ont obtenu une augmentation de la production de citramalate par un facteur de 23 en optimisant les paramètres du processus.
Leur étude s’est focalisée sur la souche bien connue de cyanobactéries Synechocystis sp. PCC 6803. Le citramalate, au cœur de leurs recherches, se forme grâce à une réaction enzymatique unique impliquant deux métabolites clés : le pyruvate et l’acétyl-CoA. En ajustant l’intensité lumineuse, la concentration en CO2 et la disponibilité des nutriments, les chercheurs ont considérablement augmenté la production de citramalate.
Au départ, les expériences donnaient peu de citramalate, mais grâce à la méthode «design of experiment», l’équipe a pu analyser systématiquement les interactions entre divers facteurs. Ils ont ainsi porté la production à 6,35 grammes par litre (g/L) dans des photobioréacteurs de 2 litres, avec un taux de productivité de 1,59 g/L par jour.
La productivité a légèrement diminué lors de l’agrandissement à des réacteurs de 5 litres en raison de défis liés à la distribution de la lumière, mais l’étude montre que de telles adaptations sont gérables dans les processus de mise à l’échelle biotechnologique.

Vers une économie circulaire
Les implications de cette recherche dépassent largement le domaine des plastiques. Le pyruvate et l’acétyl-CoA, métabolites clés dans la production de citramalate, sont également des précurseurs pour de nombreux autres composés biotechnologiquement significatifs. Les techniques d’optimisation mises en œuvre dans cette étude pourraient donc s’appliquer à la production d’une gamme variée de matériaux, des biocarburants aux médicaments.
En améliorant l’efficacité de la capture et de l’utilisation du carbone, la recherche contribue aux efforts mondiaux pour atténuer le changement climatique et réduire la dépendance aux ressources non renouvelables.
«Notre recherche aborde l’un des principaux points de blocage dans l’utilisation des cyanobactéries pour une fabrication durable», a expliqué Matthew. «En optimisant comment ces organismes convertissent le carbone en produits utiles, nous avons franchi une étape importante vers la viabilité commerciale de cette technologie.»
«Le travail souligne l’importance d’une économie circulaire», a ajouté Matthew. «En transformant le CO2 en quelque chose de précieux, nous ne réduisons pas seulement les émissions – nous créons un cycle durable où le carbone devient un élément de base pour les produits que nous utilisons quotidiennement.»
Prochaines étapes
L’équipe prévoit de perfectionner davantage leurs méthodes et d’explorer des manières d’augmenter la production tout en préservant l’efficacité. Ils étudient également comment adapter leur approche pour optimiser d’autres voies métaboliques chez les cyanobactéries, avec pour objectif d’élargir la gamme de produits bio-sourcés pouvant être fabriqués de manière durable.
Cette recherche est le dernier développement issu du Future Biomanufacturing Research Hub (FBRH) et a été réalisée en collaboration avec le centre FlexBio de mise à l’échelle à l’Université Heriot-Watt.
Légende illustration : En transformant le CO2 en quelque chose de précieux, nous ne nous contentons pas de réduire les émissions, nous créons un cycle durable dans lequel le carbone devient l’élément constitutif des produits que nous utilisons tous les jours.
Cette recherche est le dernier développement du Future Biomanufacturing Research Hub (FBRH) et a été réalisée en collaboration avec l’installation de mise à l’échelle FlexBio de l’université Heriot-Watt.