Une connexion quantique entre la lumière et le mouvement

Des chercheurs soutenus par le Fonds national suisse (FNS) ont présenté un système microscopique permettant de convertir la lumière en une oscillation mécanique et de la reconvertir en lumière.

Cette interaction est si puissante qu’il est possible de contrôler le mouvement de l’oscillateur au niveau où la mécanique quantique régit son comportement.

Depuis le début du 20e siècle, on sait que le mouvement des objets est en fin de compte régi par les lois de la mécanique quantique qui prédisent d’intrigants phénomènes: un objet pourrait se trouver simultanément en deux lieux à la fois et devrait toujours être légèrement en mouvement même à la température du zéro absolu – on parle alors d’«état quantique fondamental» de l’oscillateur. Cependant, les objets avec lesquels nous interagissons quotidiennement ne présentent jamais un tel comportement.

Etrangeté quantique

Les effets quantiques ne peuvent effectivement s’observer que sur des systèmes très bien isolés interagissant très peu avec leur environnement. Pour les objets de grande taille, l’inévitable interaction avec l’environnement élimine rapidement toute propriété quantique, dans un processus connu sous le nom de «décohérence quantique». Jusqu’à récemment, les scientifiques ne parvenaient à mettre en évidence des propriétés quantiques que dans le mouvement de minuscules objets comme des atomes isolés ou des molécules. Sous la houlette de Tobias Kippenberg, une équipe de scientifiques du Laboratoire de photonique et de mesure quantique de l’EPFL vient de prouver qu’il était possible de contrôler le mouvement d’un objet, suffisamment grand pour être visible à l’œil nu, au niveau où dominent les lois de la mécanique quantique. Pour y parvenir, ils éclairent l’objet en question avec une lumière laser. Les résultats sont publiés dans le numéro du magazine Nature de cette semaine.

Une connexion quantique entre la lumière et le mouvement

Un anneau de lumière

Cette structure a la forme d’un donut de verre minutieusement façonné sur une puce. Son diamètre est de 30 micromètres (environ la moitié du diamètre d’un cheveu), capable de vibrer à une fréquence bien définie. En même temps, la lumière circule le long de la circonférence de l’anneau comme sur un circuit de course automobile. La lumière exerce alors une légère pression sur la surface du verre à cause de la courbure suivie. Cet effet, appelé «pression de radiation», peut devenir significatif sur ces structures car la lumière parcourt jusqu’à un million de fois le tour de l’anneau avant de disparaître. De façon comparable à la vibration produite lorsque l’on passe son doigt sur le bord d’un verre à vin, l’anneau peut entrer en vibration sous l’effet de la pression de radiation. En outre, cette dernière peut également être utilisée pour amortir les vibrations et réduire ainsi le mouvement oscillant.

Froid, plus froid….

Le refroidissement est primordial pour atteindre le régime quantique du mouvement, qui est normalement éclipsé par les fluctuations thermiques aléatoires. C’est la raison pour laquelle la structure est portée à une température inférieure à un degré au-dessus du zéro absolu. De plus, l’amortissement par pression de radiation produit par la lumière laser lancée dans le «donut» refroidit le mouvement à une température encore 100 fois inférieure. L’oscillateur est alors tellement froid qu’il passe une grande partie du temps dans son état quantique fondamental. En fait, l’interaction entre la lumière et le mouvement de l’oscillateur peut être si forte que les deux forment une connexion intime. Une petite excitation sous la forme d’une impulsion lumineuse peut être transformée intégralement en une petite vibration, puis reconvertie à nouveau en lumière.

Pour la première fois, cette transformation entre lumière et mouvement se produit pendant une période de temps suffisamment brève pour que les propriétés quantiques de l’impulsion lumineuse initiale ne soient pas perdues par décohérence pendant l’échange. En l’emportant sur la décohérence, les résultats actuels montrent qu’il est possible de contrôler efficacement les propriétés quantiques du mouvement de l’oscillateur et de voir les étranges prédictions de la mécanique quantique à l’oeuvre sur des objets fabriqués par l’homme.

Regard vers le futur

Les vibrations mécaniques peuvent être couplées à des systèmes quantiques de nature complétement différente, comme des courants électriques, ainsi qu’à la lumière. Ils pourraient ainsi être mis à profit pour «traduire» une information quantique de ce système vers les signaux lumineux. C’est particulièrement intéressant dans la mesure où ce transfert, qui constitue l’ingrédient de base d’un futur ordinateur quantique, peut avoir lieu sur de longues distances grâce à des fibres optiques.

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Harciesis

“De plus, l’amortissement par pression de radiation produit par la lumière laser lancée dans le «donut» refroidit le mouvement à une température encore 100 fois inférieure.” ==> De plus, l’amortissement par pression de radiation produit, par la lumière laser lancée dans le «donut» refroidit ‘,’ le mouvement à une température encore 100 fois inférieure. Le pouvoir de la virgule…l’article est intéressant ceci-dit. Mais comme je suis peu initié aux applications de la physique quantique, j’ai du mal à comprendre les applications elles-mêmes de cette découverte, pourrais-ton concevoir des systèmes de récupération d’énergie vibratoire??? si on peut m’éclairer ? merci

gcb

Je ne suis pas spécialiste non plus mais je vais tenter une explication. Une application imaginable est l’ordinateur quantique, comme cité en conclusion de l’article. Un tel ordinateur tirerait avantage de la possibilité pour une particule à l’échelle quantique d’être simultanément dans deux états distincts. Les calculs seraient alors eux-mêmes réalisés simultanément, d’où un gain de temps considérable. Cette application est encore une simple idée aujourd’hui, ceci dit, puisque la fabrication des composants de base de tels circuits “photoniques” (transistors, connecteurs etc.) en est à ses balbutiements, comme le montre cet article de recherche très académique. Par contre, l’ “énergie vibratoire” dont il est question ici n’est que celle que l’on fournit au système et qui nous revient. Pas de réservoire d’énergie cachée, donc !