Les côtes marines subissent une érosion croissante due aux changements climatiques. Une nouvelle méthode innovante, inspirée des mollusques marins, pourrait offrir une solution durable pour renforcer les littoraux à l’échelle mondiale. Des chercheurs aux USA ont développé une technique utilisant un courant électrique léger pour solidifier le sable marin, créant ainsi une barrière naturelle contre l’érosion.
L’équipe de recherche, dirigée par Alessandro Rotta Loria de l’Université Northwestern, s’est inspirée des processus naturels de formation des coquillages pour concevoir une méthode de renforcement des côtes. Les mollusques marins utilisent les minéraux dissous dans l’eau de mer pour construire leurs coquilles. De manière analogue, les chercheurs ont exploité ces mêmes minéraux naturellement présents pour créer un ciment entre les grains de sable saturés d’eau de mer.
La différence majeure réside dans l’utilisation de l’énergie électrique plutôt que métabolique pour déclencher la réaction chimique. Des expériences en laboratoire ont démontré qu’un courant électrique léger transforme instantanément la structure du sable marin en une masse solide et immobile, semblable à de la roche.
Un enjeu mondial face à la montée des eaux
L’érosion côtière représente une menace considérable pour les populations vivant près des littoraux. Alessandro Rotta Loria souligne l’ampleur du problème : «Plus de 40% de la population mondiale vit dans des zones côtières. En raison des changements climatiques et de l’élévation du niveau de la mer, l’érosion constitue une menace énorme pour ces communautés.»
Les approches actuelles de lutte contre l’érosion impliquent la construction de structures de protection ou l’injection de liants externes dans le sous-sol. Ces méthodes s’avèrent coûteuses et peu durables. La nouvelle technique développée par l’équipe de Northwestern offre une alternative économique et écologique pour renforcer les côtes à long terme.
Un processus chimique simple et efficace
La méthode repose sur l’application d’un courant électrique léger (2 à 3 volts) dans l’eau de mer. Cette stimulation déclenche des réactions chimiques qui convertissent certains minéraux dissous en carbonate de calcium solide, le même composé utilisé par les mollusques pour construire leurs coquilles. Avec un voltage légèrement plus élevé (4 volts), ces constituants peuvent être transformés en hydroxyde de magnésium et en hydromagnésite.
Ces minéraux agissent comme un liant naturel entre les particules de sable. Le processus fonctionne avec différents types de sables, qu’ils soient siliceux, calcaires ou ferrugineux. Alessandro Rotta Loria décrit le résultat : «Après traitement, le sable ressemble à de la roche. Il est immobile et solide, au lieu d’être granuleux et incohérent. Les minéraux eux-mêmes sont beaucoup plus résistants que le béton, donc le sable résultant pourrait devenir aussi solide qu’un mur de protection maritime.»
L’un des avantages majeurs de cette technique réside dans sa durabilité et sa réversibilité. Les chercheurs estiment que le sable traité devrait conserver sa solidité pendant des décennies, offrant une protection à long terme pour les côtes et les propriétés. De plus, le processus n’a pas d’impact négatif sur la vie marine, les voltages utilisés étant trop faibles pour être ressentis par les organismes aquatiques.
En cas de besoin, la solidification du sable peut être inversée. En inversant les électrodes de la batterie (anode et cathode), l’électricité dissout les minéraux, annulant ainsi le processus. Cette flexibilité permet une adaptation aux besoins changeants des communautés côtières.
Des applications multiples et un coût compétitif
La technique développée par l’équipe de Northwestern présente un avantage économique significatif par rapport aux méthodes conventionnelles. Les chercheurs estiment le coût du processus entre 3 et 6 dollars par mètre cube de sol cimenté électriquement, contre jusqu’à 70 dollars pour les méthodes utilisant des liants traditionnels.
Les applications potentielles de cette approche sont nombreuses. Alessandro Rotta Loria énumère quelques possibilités : «Nous pouvons l’utiliser pour renforcer le fond marin sous les murs de protection maritime, stabiliser les dunes de sable et retenir les pentes de sol instables. Nous pourrions également l’utiliser pour renforcer les structures de protection, les fondations marines et bien d’autres choses encore.»
L’équipe de recherche prévoit maintenant de tester la technique en dehors du laboratoire, directement sur les plages. Cette avancée pourrait marquer un tournant dans la lutte contre l’érosion côtière, offrant une solution durable et respectueuse de l’environnement pour protéger les littoraux du monde entier.
Légende illustration : Une impression artistique de la façon dont l’électricité pourrait être utilisée pour renforcer les côtes. Crédit : Northwestern University
Article : ‘Electrodeposition of calcareous cement from seawater in marine silica sands’ / https://www.nature.com/articles/s43247-024-01604-3 – Northwestern University – Publication dans la revue Communications Earth & Environment / 22-Aug-2024