Une nouvelle enzyme de champignons ouvre la voie à l’innovation en bioraffinerie

Les parois des cellules des végétaux sont constituées d’une matière appelée lignocellulose qui focalise les recherches dans la filière des biocarburants et de la chimie verte depuis une dizaine d’années. Cette matière première, abondante dans les déchets végétaux, est cependant très résistante à la dégradation enzymatique, et ceci rend la production de biocarburants trop coûteuse pour l’instant.

Des chercheurs de l’Inra, en collaboration avec leurs collègues et du CNRS ont découvert une nouvelle famille d’enzymes produite par des champignons dégradeurs de bois et capable de faciliter la dégradation du xylane, un polysaccharide particulièrement récalcitrant des parois végétales. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Chemical Biology, le 29 janvier 2018.

La biomasse lignocellulosique est une ressource abondante pour le développement de procédés de bioraffineries. Toutefois, les procédés de valorisation de cette bio-ressource sont limités par sa résistance à la dégradation enzymatique. Dans la nature, certains champignons filamenteux décomposent efficacement le bois grâce à un arsenal enzymatique complexe et varié qui fait l’objet d’un intérêt croissant pour le développement de procédés biotechnologiques performants dans un contexte de développement durable.

Les chercheurs de l’Inra de l’unité mixte de recherche Biodiversité et Biotechnologie Fongiques (BBF) de Marseille mènent des recherches sur les stratégies enzymatiques que ces champignons ont développées et ont constitué, depuis 30 ans, une collection unique de champignons filamenteux spécifiques de la dégradation du bois, appelée CIRM-CF, hébergée au sein de l’unité BBF, sur le Campus de Luminy d’Aix-Marseille Université.

Entre 2007 et 2010, les chercheurs de l’Inra ont collecté en Guyane française, pour la collection CIRM-CF, des souches du genre Pycnoporus, qui se développent sur le bois et s’en nourrissent. Depuis 2014, une souche du champignon de la pourriture blanche, Pycnoporus coccineus, identifiée comme un dégradeur efficace du bois, a fait l’objet d’un séquençage de son génome et les fonctions de ses différentes enzymes, produites lorsque le champignon colonise le bois, ont été étudiées.

En collaboration avec le laboratoire Architecture et fonction des macromolécules biologiques (CNRS/ Aix-Marseille Université), l’Université de York en Angleterre et l’unité Biopolymères Interactions Assemblages de l’Inra de Nantes, les chercheurs marseillais ont réussi à identifier la fonction biologique d’une enzyme jusqu’alors inconnue dont la découverte a permis de constituer une nouvelle et 4ème famille enzymatique dans le groupe des LPMO (lytic polysaccharides monooxygenases) fongiques. Cette protéine dégrade spécifiquement le xylane qui recouvre les fibres de cellulose du bois et qui est résistant aux hydrolases classiques. La comparaison de plusieurs centaines de génomes fongiques connus a montré que cette nouvelle famille d’enzymes est uniquement présente chez les champignons dégradeurs de bois.

D’un point de vue biotechnologique, cette nouvelle classe d’enzymes présente un intérêt majeur pour des procédés de production de biocarburants. Les essais menés sur la dégradation du pin et du peuplier montrent que son utilisation peut pratiquement doubler l’efficacité de la transformation de la cellulose du bois en glucose, par rapport à l’action des cellulases employées classiquement par l’industrie.

Les chercheurs ont déposé deux brevets sur ces enzymes qui catalysent la coupure oxydative du xylane, pour faciliter la saccharification de la biomasse végétale lors de la production de bioéthanol et pour la modification de surface des fibres papetières.

RÉFÉRENCE
Couturier M, Ladevèze S, Sulzenbacher G, Ciano L, Fanuel M, Moreau C, Villares A, Cathala B, Chaspoul F, Frandsen K, Labourel A, Herpoël-Gimbert I, Grisel S, Haon M, Lenfant N, Rogniaux H, Ropartz D, Davies G, Rosso MN, Walton PH, Henrissat B, Berrin J.G. Lytic xylan oxidases from wood-decay fungi unlock biomass degradation. Nature Chemical Biology. http://dx.doi.org/10.1038/nchembio.2558

[ Illustration – Crédit / Wikimedia ]

[ Communiqué ]
Lien principal : www.cepia.inra.fr/

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