Anticipant l’explosion de la demande mondiale en infrastructures numériques, l’armateur japonais NYK Line se lance dans un pari inédit. Il veut en effet implanter des centres de données flottants, alimentés à 100% par des énergies renouvelables. Portée par deux ingénieurs visionnaires, l’initiative entend marier savoir-faire maritime et transition écologique, tout en dynamisant une filière navale japonaise en quête de relance. Loin du simple prototype, un démonstrateur sera amarré dès 2025 à Yokohama, préparant la voie à une commercialisation que le groupe espère rapide.
« La croissance exponentielle du cloud nécessite d’immenses parcelles, beaucoup d’énergie et refroidit à grand renfort de climatiseurs », rappelle Masayuki Morifuku, ingénieur au sein du groupe Innovation Promotion de NYK. C’est en étudiant ces goulets d’étranglement qu’il imagine, avec quelques collègues, d’exploiter la mer : une surface disponible, une température de l’eau idéale pour le free-cooling, une possibilité d’installer des parcs solaires flottants et d’y coupler l’éolien offshore.
« Je voulais concilier mes compétences IT et l’impact sociétal », confie Takato Ohhigashi, recruté en 2022 après une carrière chez un hébergeur. Fort d’une batterie de certifications, il rejoint Morifuku pour constituer, dès 2023, un groupe de six volontaires. Ensemble, ils décrochent un financement du « Mirai Fund », un incubateur interne octroyant du temps et des moyens aux nouveaux projets.
Vers un démonstrateur opérationnel en 2025
Le premier module ( une barge de 25 m sur 80 m ) sera amarré au terminal international d’Osanbashi, à Yokohama. Le but est de valider en conditions réelles la boucle énergétique (panneaux photovoltaïques, batteries et raccordement au réseau vert local) et de tester la résistance des serveurs face à l’air salin.
NYK vante deux atouts majeurs :
- Vitesse de déploiement : l’assemblage en chantier naval éviterait les longues procédures foncières.
- Coûts maîtrisés : mutualisation des systèmes de refroidissement et énergie renouvelable produite in situ.
NYK y voit également un levier pour relancer un secteur de la construction navale fragilisé par la concurrence sud-coréenne et chinoise. « Si le concept décolle, il pourrait irriguer tout le cluster maritime japonais », projette Morifuku. Le chantier du démonstrateur servira d’appel d’air aux chantiers locaux, tout en offrant une nouvelle corde à l’arc d’un armateur centenaire en pleine diversification.


Défis et perspectives internationales
Reste à sécuriser la maintenance électronique en milieu marin, la cybersécurité d’un site isolé et les autorisations réglementaires liées à l’occupation du domaine public maritime. NYK cible d’abord le marché domestique, mais envisage déjà l’Asie du Sud-Est, où les îles pâtissent d’un réseau électrique instable. Une stratégie alignée sur le credo du groupe : exporter des « solutions océaniques » à haute valeur ajoutée.
Avec ses data centers flottants, NYK Line mêle innovation numérique et tradition maritime, espérant transformer une contrainte – la saturation foncière – en tremplin commercial et écologique. Si les essais de Yokohama confirment les promesses techniques, l’océan pourrait bien devenir la prochaine frontière du cloud computing japonais.
Source : NYK