FANG Fumin
Dans le cadre d’une avancée majeure qui repousse les limites de l’intelligence artificielle et des neurosciences, des chercheurs de l’université du Zhejiang ont dévoilé Darwin Monkey (« Wukong »), le premier ordinateur au monde inspiré du cerveau humain et équipé d’une puce neuromorphique dédiée comprenant plus de deux milliards de neurones. Cette réalisation place la Chine à la pointe de la recherche mondiale en matière d’informatique neuromorphique.
Du cerveau à la machine
Le cerveau humain est un système informatique extraordinairement efficace, capable d’intégrer la vision, l’ouïe, le langage, l’apprentissage, le raisonnement, la prise de décision et la planification. L’informatique inspirée du cerveau applique les mécanismes de fonctionnement des réseaux neuronaux biologiques à la conception de systèmes informatiques, créant ainsi des systèmes informatiques à faible consommation d’énergie, hautement parallèles, efficaces et intelligents, similaires au cerveau.
« Wukong » marque un bond en avant majeur dans ce domaine. Il se compose de 15 serveurs neuromorphiques de type lame, chacun contenant 64 puces Darwin-III. Son nombre de neurones est proche de celui du cerveau d’un macaque. Dans des conditions de fonctionnement normales, il ne consomme que 2 000 watts, ce qui est remarquablement faible compte tenu de sa taille.
La puce Darwin-III, développée conjointement par l’université du Zhejiang et le laboratoire Zhijiang au début de l’année 2023, prend en charge plus de 2,35 millions de neurones à impulsions et plus de 100 millions de synapses par puce. Elle dispose également d’un jeu d’instructions personnalisé pour le calcul inspiré du cerveau et prend en charge l’apprentissage en ligne en temps réel.
Ceci s’appuie sur le succès précédent de l’équipe : en septembre 2020, elle a lancé Darwin Mouse (« Mickey »), le premier ordinateur inspiré du cerveau en Chine dépassant les 100 millions de neurones.
Éliminer les goulots d’étranglement matériels
Afin de surmonter les limites en matière de communication entre puces et d’efficacité énergétique, l’équipe a collaboré avec le College of Integrated Circuits de l’université du Zhejiang pour développer la Darwin Wafer, une puce ultra-intégrée inspirée du cerveau, construite à l’aide d’une technologie d’encapsulation 2.5D CoWoS-S avancée.
Le résultat est un serveur lame System-on-Wafer (SoW) dont le cœur est une seule plaquette de 12 pouces intégrant 64 puces Darwin-III. Cette conception contourne les contraintes physiques des cartes de circuits imprimés traditionnelles, permettant une optimisation à l’échelle du micron et du nanomètre des interconnexions de signaux.
Avancées techniques
En plus de deux ans, les chercheurs ont réalisé plusieurs premières techniques :
– Architecture évolutive : une structure d’interconnexion neuronale à grande échelle utilisant une topologie de grille multidimensionnelle pour une communication hiérarchique et extensible entre puces.
– Synchronisation adaptative : un mécanisme de contrôle dynamique des intervalles de temps pour coordonner les tâches à travers de vastes réseaux neuronaux.
– Intégration au niveau de la plaquette : fabrication nationale de plaquettes combinée à un conditionnement 2,5D avancé pour permettre une intégration neuromorphique haute densité.
– Gestion intelligente des ressources : un système à plusieurs niveaux pour la planification et l’optimisation de la mémoire à travers des systèmes neuronaux massifs.
Pour exploiter le potentiel de ce matériel, l’équipe a mis au point un système d’exploitation de nouvelle génération inspiré du cerveau, Darwin. Il utilise une planification tenant compte de la charge et un découpage dynamique du temps pour allouer efficacement les ressources tout en tenant compte de la bande passante de communication et des profils des tâches.
Des applications plus intelligentes, une science plus approfondie
Sur « Wukong », l’équipe a déployé avec succès plusieurs applications avancées. Le système exécute le grand modèle DeepSeek inspiré du cerveau, capable de raisonnement logique, de génération de contenu et de résolution de problèmes mathématiques.
Il peut également simuler le cerveau d’animaux tels que Caenorhabditis elegans, le poisson zèbre, la souris et le macaque à différentes échelles neuronales, offrant ainsi aux neuroscientifiques un nouvel outil puissant pour la recherche en neurosciences.
Façonner l’avenir de l’IA et des neurosciences
Le lancement du système informatique inspiré du cerveau « Wukong » représente un nouveau paradigme informatique pour les scénarios existants :
– Un moteur d’IA de nouvelle génération : les systèmes inspirés du cerveau pourraient répondre aux exigences élevées en matière d’énergie et de calcul du deep learning et des modèles de grande taille, tandis que l’apprentissage en ligne et non supervisé pourrait transformer l’adaptabilité de l’IA.
– Un laboratoire vivant pour la recherche sur le cerveau : en tant que simulateur naturel du cerveau, « Wukong » offre aux neuroscientifiques une plateforme haute fidélité pour étudier les mécanismes cérébraux sans recourir à des expériences biologiques invasives.
– Un tremplin vers l’intelligence artificielle générale (AGI) : en imitant les processus de raisonnement du cerveau tout en surpassant sa vitesse de traitement brute, « Wukong » pourrait accélérer la voie vers une IA véritablement similaire à celle de l’être humain.
Avec « Wukong », nous ne nous contentons pas de construire des ordinateurs plus rapides, nous explorons également une nouvelle façon de calculer. Il s’agit de comprendre le cerveau, de faire progresser l’IA et de repenser la façon dont les machines peuvent apprendre.
Source : Zhejiang U.