Les matériaux quantiques connus sous le nom d’isolateurs topologiques repoussent les frontières de l’électronique. Une innovation majeure dans ce domaine pourrait non seulement métamorphoser nos méthodes de traitement de l’information, mais aussi apporter une solution concrète à la problématique de la consommation énergétique mondiale.
Les physiciens théoriciens de l’Université d’Utrecht, en collaboration avec des expérimentateurs de l’Université Jiao Tong de Shanghai, ont fait une découverte surprenante : les isolateurs topologiques pourraient exister dans une dimension fractionnaire de 1,58. Cette avancée ouvre de nouvelles possibilités pour le traitement de l’information à faible consommation d’énergie.
Les isolateurs topologiques sont des matériaux aux propriétés uniques : isolants à l’intérieur, ils permettent la circulation de courants sans perte d’énergie à leur surface. Jusqu’à présent, leur existence était connue en une, deux et trois dimensions. La découverte d’une dimension fractionnaire élargit considérablement le champ des applications potentielles.
Des structures fractales naturelles
La dimension 1,58 peut sembler abstraite, mais elle se retrouve dans de nombreuses structures naturelles fractales. Les poumons, le réseau neuronal du cerveau ou encore le chou romanesco en sont des exemples. Ces structures se caractérisent par leur propriété d’auto-similarité : en zoomant, le même motif se répète à l’infini.
Dans le cadre de cette étude, les chercheurs chinois ont réussi à faire croître des structures fractales de bismuth sur un semi-conducteur d’antimoniure d’indium. Les théoriciens néerlandais ont ensuite démontré que ces structures présentaient des états de bord sans perte d’énergie en une dimension, ainsi que des modes de coin en zéro dimension.
Un potentiel pour l’informatique quantique
Cristiane Morais Smith, qui a dirigé les recherches théoriques à l’Université d’Utrecht, explique : «En explorant l’entre-deux dimensionnel, nous avons trouvé le meilleur des deux mondes. Les fractales se comportent comme des isolateurs topologiques bidimensionnels à des énergies finies, tout en présentant un état à leurs coins qui pourrait être utilisé comme qubit, les briques de base des ordinateurs quantiques.»
Cette découverte ouvre de nouvelles voies pour la réalisation des qubits tant recherchés. Les structures fractales, avec leurs nombreux trous autour desquels circulent des courants sans perte, pourraient être exploitées pour un traitement de l’information à très faible consommation énergétique.
Les chercheurs chinois envisagent maintenant de faire croître un supraconducteur sur la structure fractale. Selon Morais Smith, «si cela fonctionne, cela pourrait révéler des secrets encore plus inattendus cachés à la dimension 1,58. Les caractéristiques topologiques des fractales montrent vraiment la richesse de l’exploration des dimensions inexplorées.»
Cette recherche s’inscrit dans le cadre du consortium QuMAT, qui a reçu une subvention Gravitation de plus de 20 millions d’euros en 2022.