Dans un article publié par Nature, une équipe de QuEra Computing, de l’université Harvard et du MIT ont annoncé une première mondiale : la distillation d’états magiques sur des qubits logiques. Ainsi, en exploitant un ordinateur quantique à atomes neutres, le protocole, imaginé il y a vingt ans, parvient à purifier des états quantiques imparfaits pour les porter à une fidélité supérieure à 99%. Ce succès marque une étape majeure vers une informatique quantique universelle, tolérante aux fautes et capable d’effectuer des calculs inaccessibles aux ordinateurs classiques.
Une démonstration inédite
Reprenant concept théorisé en 2004 par Sergey Bravyi et Alexei Kitaev, l’équipe a mis en œuvre un schéma de distillation dit « 5-pour-1 » : cinq états magiques de faible qualité sont combinés pour en générer un unique, dont la fidélité grimpe de 95,1% à 99,4% pour des codes de couleur de distance 3, et de 92,5% à 98,6% pour des codes de distance 5. La réduction d’erreurs logiques par un facteur de 6 à 8, résultat jusque-là virtuel, prend vie dans la couche logique d’un appareil entièrement fonctionnel.
Au cœur de démonstration, le protocole 5-pour-1 repose sur plusieurs cycles successifs de portes de Clifford transversales et de mesures sélectives. Objectif ? Sélectionner à chaque niveau les combinaisons d’états magiques qui satisfont aux critères de pureté, au prix d’une consommation de ressources quantiques. Grâce à Gemini, un ordinateur quantique de QuEra à atomes neutres, chaque étape s’exécute en parallèle sur plusieurs usines d’états magiques, optimisant ainsi cadence et rendement.
Les résultats chiffrés :
- Codes de couleur distance 3 : fidélité initiale de 95,1% portée à 99,4%.
- Codes de couleur distance 5 : fidélité initiale de 92,5% portée à 98,6%.
- Réduction d’erreurs logiques jusqu’à huit fois moins élevée qu’à l’entrée du processus.
La plateforme à atomes neutres offre trois atouts majeurs :
- Encodage logique parallèle : l’exécution simultanée de plusieurs usines d’états magiques.
- Reconfigurabilité dynamique : le réarrangement des atomes en cours de circuit, pour optimiser placement et interactions.
- Système de contrôle optique sophistiqué : adressage individuel et transport collectif d’atomes, garant d’une manipulation précise.
En regroupant les atomes individuels en qubits logiques protégés, l’équipe protège les ressources quantiques des défaillances matérielles. Tout le protocole reste confiné à la couche logique, évitant ainsi les perturbations d’infrastructure et multipliant la fiabilité.
Le rôle des états magiques dans la correction d’erreurs
La correction d’erreurs quantiques se heurte à une limite fondamentale : les portes de Clifford tolèrent des fautes et bénéficient de simulateurs classiques efficaces, tandis que portes non-Clifford échappent à ce traitement. L’état magique, une ressource offerte à l’avance, permet d’« injecter des états magiques » dans circuits quantiques pour réaliser des opérations non-Clifford autrement inaccessibles. L’analogie fréquemment citée est celle du « raffinage du pétrole brut en carburant pour avion ».
La distillation d’états magiques ne se limite pas à un exploit théorique. La preuve de concept franchie, les chercheurs peuvent désormais générer dans l’espace logique des états fidèles, base indispensable pour compiler et exécuter algorithmes quantiques complexes. Les étapes suivantes incluent :
- L’extension à codes de distance plus élevée.
- La réduction de la taille des usines magiques pour limiter consommation de qubits physiques.
- L’intégration de portes non-Clifford tolérantes aux fautes en circuit logique complet.
La démonstration combine à la fois rigueur expérimentale et savoir-faire théorique afin de franchir un seuil longuement attendu. La formalisation d’une distillation fonctionnelle ouvre l’horizon d’une informatique quantique robuste, capable de soutenir des applications scientifiques et industrielles exigeantes. À mesure que recherche affine les protocoles et les architectures, les ordinateurs quantiques se rapprochent d’une exploitation pratique et fiable, susceptible de transformer les calculs dans des domaines variés, allant de la chimie à la cryptanalyse.
Article : « Experimental demonstration of logical magic state distillation » – DOI: 10.1038/s41586-025-09367-3
Source : QuEra Computing / MIT