Des chercheurs suisses** sont parvenus à retenir une micro-onde prisonnière dans une puce pendant plusieurs millisecondes, puis à la restituer sans pertes, une prouesse, quant on sait que cette durée de stockage requiert habituellement des centaines de kilomètres de câbles électriques et des amplificateurs.
Dans notre société, les micro-ondes sont omniprésentes, qu’il s’agisse du faire fonctionner un téléphone portable ou un routeur sans fil. Elles sont également utilisées dans la navigation pour guider les avions, et même dans certaines voitures. Afin de gérer ces ondes électromagnétiques, il est nécessaire de pouvoir contrôler la façon dont elles se propagent. Et cela relève de la gageure.
A titre d’exemple, afin de pouvoir stocker un signal durant quelques millisecondes seulement, la présence de plusieurs centaines de kilomètres de câbles électriques est requise, ce qui provoque la détérioration du signal. A tel point qu’il faut ensuite l’amplifier régulièrement tout au long de son parcours à travers le guide d’onde.
En collaboration avec le Walther-Meissner-Institute de Garching en Allemagne, les chercheurs du Laboratoire de photonique et mesures quantiques (LPQM1), dirigé par Tobias Kippenberg, ont développé une nouvelle méthode pour contrôler cette propagation. Leur découverte a fait l’objet d’une publication dans Nature Physics.
Un petit pont vibrant
A la place d’utiliser les composant électroniques classiques pour retenir une onde, tels que des condensateurs ou des bobines, les scientifiques ont recouru à un nano-oscillateur mécanique, soit une sorte de pont vibrant, d’une taille mille fois plus petite que celle d’un cheveu humain. Cette astuce a permis de stocker un signal électromagnétique pendant 3,5 millisecondes dans un circuit, puis de le propager sur commande, sans qu’il perde en qualité de manière significative, ou ne subisse de distorsions. Le tout sur une puce de 6 millimètres sur 10. Un temps qui peut paraître très court, mais qui est substantiel dans le monde des micro-ondes. « Afin de retenir une onde durant 3,5 millisecondes avant de la propager à nouveau, il faudrait normalement la faire circuler le long de 600 kilomètres de câbles coaxiaux », commente Xiaoqing Zhou, auteure principale de la publication.
Couplage de deux éléments
Les performances du système s’expliquent par la mise en commun sur un circuit de deux dispositifs : une cavité micro-onde, soit un mini-conducteur en forme de « S », et un nano oscillateur mécanique, sorte de minuscule fil vibrant, qui est placé à l’intérieur de cette microcavité (image en bas). On peut dès lors qualifier cet arrangement de «technologie hybride».
De manière générale, lorsqu’un signal arrive sur la micro cavité, il est reflété à l’intérieur, et parcourt son périmètre plusieurs fois. On peut ainsi le stocker un tout petit moment. Le minuscule oscillateur mécanique quant à lui de préserver la qualité du signal, ce qui signifie que l’onde peut rester prisonnière encore plus longtemps. C’est donc en combinant ces deux technologies qu’on obtient une durée de stockage de plusieurs millisecondes.
Un contrôle aigu de l’onde
Plus précisément, alors qu’une onde arrive sur le circuit, elle est aidée par une onde additionnelle appelée « pompe », afin de pouvoir « booster » les oscillations de l’oscillateur mécanique. Un phénomène de réciprocité s’opère ensuite : les oscillations, motivées par l’onde, vont entraîner une modification de l’onde elle-même.
En somme, tous les éléments influent les uns sur les autres : le signal modifie l’oscillateur mécanique, qui à son tour modifie ce même signal. « En ajustant la pompe, il est possible de bloquer l’onde ou de la libérer. On peut aussi ralentir les impulsions, les accélérer ou les commuter.»
Le circuit peut être utilisé non seulement pour les signaux classiques, mais également pour les signaux quantiques, qui suivent la logique contre-intuitive des lois de la mécanique quantique.
Un produit fabriqué sur le campus
A noter que le dispositif est fabriqué entièrement au centre de MicroNanoTechnologie de l’EPFL (CMI).
Pour le moment, il ne fonctionne qu’à de très basses températures, c’est-à-dire à peine au-dessus du zéro absolu (-273,15 °C). Cet environnement est pour l’instant nécessaire, le circuit étant composé de matériaux super-conducteurs. Le principe pourrait cependant être utilisé sur de dispositifs pouvant fonctionner à température ambiante.
** EPFL : École Polytechnique Fédérale de Lausanne